Chapitre neuf

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Pandore

Leslie D. Hunt n'est pas du genre à se laisser intimider. Infirmière dans le service de traumatologie, je la sais résistante à la pression et solide en temps de crise. Dix ans de carrière, quatre enfants et un mari également dans le corps médical, il en faut beaucoup pour la choquer.

Et pourtant elle fixe le couple devant elle, absolument sidérée, derrière son ordinateur.

C'est donc avec attention que je m'approche d'eux, désireuse de comprendre ce qu'il se passe. Ma bouche s'ouvre presque sous le coup de la surprise.

La femme est plus que sublime, sa beauté presque aveuglante. Ses boucles blondes sont relevées en un chignon lâche qui laisse quelques mèches retomber gracieusement autour de sa mâchoire, encadrant ainsi ses traits aussi fins que dessinés. Elle ne semble pas porter de maquillage mais irradie une grâce et un raffinement certain. Sa robe blanche, simple, épouse parfaitement ses courbe que je devine délicate.

Est-ce qu'elle vient de poser une question ? Certainement, oui.

— Pardon... C'est... Hum... À quel sujet ? s'empresse de répondre Leslie tandis que je la fixe encore, interdite.

La femme nous sourit, mais c'est l'homme qui l'accompagne qui répond. Il ne m'a pas attiré le regard au début, pourtant lui aussi dégage quelque chose d'hypnotique. Sa beauté est plus brute, plus discrète. Cependant, la présence et l'aura qu'il irradie sont toutes aussi fascinantes. Sa peau métisse prend des teintes encore plus brune à la lumière du néon, tandis que ses cheveux bruns plaqués soigneuse sur son crâne semblent presque briller.

— Pas de soucis, répond la jeune femme avec un immense sourire. on vient visiter un de vos patients. Il serait arrivé aux urgences quelques jours auparavant. Son nom est Arès, il souffre de blessure par balles.

Seigneur la teinte de ses yeux marrons est presque dorée. C'est à ce moment qu'elle se tourne pour me regarder, un étrange éclair brillant dans le regard.

— Vous êtes de la famille ? demandé-je finalement.

Je remercie mes réflexes qui me permettent de ne pas perdre trop la face dans notre conversation. Ils échangent un regard.

— Oui, affirme la femme.

Leslie hoche la tête tout en cherchant dans son ordinateur. Ses yeux s'écarquillent de surprise tandis qu'elle relève les yeux vers moi.

— Il est ici, dit-elle en s'adressant au couple. Ça fait une semaine, on l'a opéré deux fois... On dirait que tout s'est bien passé. Il se trouve au second étage dans une chambre individuelle. Le docteur doit vous parler avant.

Est-ce qu'elle parlait de moi ? Sans doute oui. Je sors de ma transe avec un sourire.

— De quel patient parle-t-on ? demandé-je d'une voix cordiale mais légèrement tremblante.

Mon regard rencontre celui de Leslie. J'ai de la peine à récupérer mes moyens, pendant une fraction de seconde, il me semble que son coeur rate un battement. Voyons, perdre de la contenance ainsi ne me ressemble pas. Pourtant je fais face aux deux personnes les plus intimidantes que je n'ai jamais rencontré. J'essaye de ne rien laisser paraitre.

— La famille de ton John Doe, m'explique Leslie.

La surprise me traverse en vague, et me permet de revenir sur terre. Avant même que je ne puisse remercier Leslie, cette dernier se met debout. Elle feint d'avoir un patient avant de partir d'un pas rapide. En passant à côté de moi, elle m'articule un discret : "bon courage.". D'accord, me voici donc livrer à moi même...

— Ravie de vous rencontrer, commencé-je.

Comme dans un rêve je me vois tendre la main pour serrer celles du couple. Je m'entends leur parler de l'opération réalisée sur John Doe, mais je ne peux me souvenir en détail de ce que je leur dis..

Je me rappelle clairement leur avoir demandé de me suivre vers la chambre, afin qu'il puisse aller rejoindre... Leur frère, j'imagine.

— Il est réveillé, expliqué-je. Son état s'améliore de jour en jour et le pronostique vital n'est plus engagé. Il respire sans ventilateur mécanique et est alerte quelques heures par jour. En revanche, il n'a pas encore prononcé un mot. Ce genre de chose peuvent prendre du temps, son corps a subit un lourd traumatisme dont il va se remettre pour le restant de ses jours.

— C'est parfait, lui dit la femme.

J'ouvre la bouche pour ajouter quelque chose, mais le besoin de les laisser seuls m'écrase soudainement. Je dois aller voir ses autres patients. Pourquoi ? Parce qu'ils ont besoin d'elle. Pourtant, mon biper ne m'a pas indiqué l'arrivée d'un nouveau trauma, et je rechigne à laisser John Doe seul avec deux inconnus. D'autant plus que je n'ai pas pris la peine de vérifier leurs identités. Cela ne me ressemble pas, je m'apprête à me retourner, pour faire quelque chose...

Cependant, je dois aller voir mes autres patients. Le désir de quitter cet endroit est plus fort que tout. Je m'excuse poliment avant de m'engager dans les nombreux couloirs de l'hôpital et me diriger vers une autre chambre.

J'ai envie de me retourner, pour regarder une dernière fois le couple qui venait d'entrer dans la pièce. Quelque chose m'en empêche néanmoins et, de façon très surprenante, tout le personnel semble aussi hypnotisé que moi. Le couloir où se trouve la chambre de John Doe se retrouve rapidement désert.

Comme dans une brume, tout ce qui vient de se passer me semble avoir été un rêve. Je décide alors de ne plus y penser et m'élance d'un pas joyeux vers le reste de ma journée. 

Le sang des RoisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant