Sur le parking du restaurant, je me penche sur le capot du médecin. Éblouit par les phares de sa Audi, je cherche néanmoins son regard dans l'obscurité de la voiture.
Un frisson parcourt mon échine. Bien que la nuit soit froide, ce n'est pas son unique origine. L'excitation, le danger, mon cerveau tout entier est en ébullition complète
Mon médecin est têtue, je l'ai compris depuis notre rencontre, mais je réalise tout juste l'étendue de sa bravoure. Au lieu d'hurler ou partir, comme je m'y attendais, un clic signifiant l'ouverture de la portière. Avec surprise, je regarde Pandore émger de l'habitacle. La surprise et la colère se mélangent sur les traits de son visage. Elle a même l'audace de me pointer du doigt.
— Vous ! s'exclame-t-elle.
Je la laisse continuer, surprise qu'elle me reconnaisse. Pour ce que je sais, Aphrodite et Hermès effacent toute mémoire de moi dans l'esprit du personnel médical, elle incluse.
— Que voulez-vous ? finit-elle par grogner.
J'ai un sourire. C'est la question, n'est-ce pas ? Pour être sincère, je ne sais pas trop moi-même. Tandis que j'y pense, mon regard dévie sur le reste du parking. C'est une nuit tranquille, il y a très peu de voitures et aucune proche de nous. Derrière le restaurant, qui s'apprête d'ailler à fermer ses portes. Bientôt, les éclairages s'éteindront.
La nuit ici n'est pas très belle. Dans mes souvenirs, on pouvait voir les étoiles, au moins la lune fut un temps. Je faillis rire. J'étais là lorsque les humains ont nommé les constellations, à une époque où ils découvraient tout. Et maintenant, ils se prennent pour les rois du monde.
— Tu te rappelles de moi, dis-je simplement, surpris.
Ce n'est pas une glorieuse réponse, mais c'est la seule chose qui passe dans mon esprit en ce moment précis.
— Bien sûr que je me rappelle de toi !
Je peux néanmoins deviner le trouble dans son esprit. La jeune femme se prend la tête comme si un mal de crâne commence à la lancer. Je faillis en rire, je me sens pareil. Ma mémoire commence à flancher et tout me demande de plus en plus d'efforts.
— Je m'appelle Arès, je lui apprends.
Mon ton est moins hargneux lorsque je parle au médecin. Une toute petite partie de moi ressent de la gratitude. Je suis mortel et elle m'a sauvé. Pandore. Pandore. Quel nom étrange à donner à une humaine.
Un choc évident se lit toujours sur son visage.
— Vous marchez ? demanda-t-elle. Comment... Co... ?
— Je guéris vite.
La réponse ne semble pas la satisfaire, mais elle n'ose rien ajouter. Comme si elle réalise soudainement la situation, la jeune femme balaye le parking du regard, fixant Arès comme si elle ne l'a jamais vu auparavant.
— Je vous ai opéré, il y a une semaine. Ou... deux... ?
Je la vois froncer les sourcils pour chercher dans sa mémoire, mais je sais qu'elle n'y trouvera rien.
— Pourquoi Pandore ?
Voilà qui la fait taire instantanément.
— Je vous demande pardon ?
Elle semble, si c'est possible, encore plus surprise.
— Pourquoi tes parents t'ont-ils appelée Pandore ?
La jeune femme cligne des yeux plusieurs fois comme si elle n'en revient pas de ma question. Saisie, elle répond tout de même :
— Ma mère... Ma mère était archéologue. Fascinée par l'époque greco-romaine. Je suis sa première fille, donc elle a trouvé cela intelligent de m'appeler comme la première femme.
Elle en parle au passé. Ainsi, la mère de Pandore est morte. Courant chez les humains, leur espérance de vie n'est pas très élevée.
— À mon tour de poser une question.
Je penche la tête, intriguée. Je la sais en état de choc, mais je vois également que c'est en train de passer. Pandore a définitivement du caractère, je m'en doutais déjà, mais sa posture se fait de moins en moins droite. Et elle semble de plus en plus intimidée, comme si elle réalisait peu à peu les conditions de notre conversation.
Sa curiosité semble néanmoins prendre le dessus alors qu'elle me demande :
— Comment ? Comment êtes-vous sortis de l'hôpital ?
Silence. Je décide de lui répondre.
— De la famille m'a aidée.
Elle fronce les sourcils.
— Vous êtes de la mafia, n'est-ce pas ?
Oui. C'est vrai. Même si ce n'est pas à cela que je viens de faire référence. En guise de réponse, je me contente d'hausser les épaules, les mains dans les poches de mon manteau.
— Et votre guérison ? Est-ce qu'une drogue expérimentale qui vous a aidée ? Une greffe ? Non...
Elle réfléchit à haute voix. Cette femme est définitivement passionnée par son emploi, à la recherche d'une explication médicale pour tout.
Je m'apprête à répondre quand une chose étrange se produit. Un éclair, un seul, lézarde le ciel. Pendant une fraction de seconde, tout est éclairé d'une lumière blanche surnaturelle, et le son du tonnerre gronde. Un avertissement.
Pandore sursaute, les yeux rivés vers les étoiles.
— Des orages ? demande-t-elle surprise.
Puis elle me regarde à nouveau.
Il est temps pour moi de partir. Visiblement, son père n'aime pas que je parle à Pandore, ce qui me donne encore plus de raisons de le faire. Zeus m'a envoyé sur Terre, et je compte bien faire tout ce que je veux. En espérant que le Grand regrette sa décision chaque jour qui passe.
Je regarde de nouveau mon médecin. Avec un sourire, je lui dis simplement :
— On se reverra.
Et tandis qu'un second éclair frappe, je disparais aussi vite que je suis arrivé.
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Le sang des Rois
ParanormalArès, dieu de la guerre cruel et sanglant, n'a toujours connu que la haine, l'anarchie et le chaos total. Avide de destruction, il est banni de l'Olympe par son père, Zeus, qui le condamne ainsi à l'oubli de sa vie d'antan et à la mortalité. Arrivé...