Troisième degré

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"On pourrait tout cramer, pour repartir sur des bases saines.

— Axel.

— Quoi ? T'as été marié, tu sais comme moi que la monstruosité peut prendre des formes très diverses."

Léodagan, Kaamelott et une grosse pinte de Fronton bouchonné. Saïx n'a même pas la force de lever les yeux au ciel. De toute évidence, Axel est bourré. Et quand il dit bourré ce n'est pas ivre, un peu saoul ou un tantinet guilleret, comme on pourrait l'attendre d'un père responsable de deux enfants en bas âge, mais bien bourré comme dans "bourre", comme dans "retard" et comme dans "je te bourre le lard comme on bourre une pipe à charbon."

Son haleine âcre le blesse jusque dans les poils du nez, et il doit faire un grand pas de côté pour éviter de lui rentrer dedans.

"Tu empeste l'alcool, il fait remarquer en ajustant le col de son manteau.

Le roux hausse les épaules. Il a l'œil étincelant de vin et la gueule de travers alors qu'il pousse du pied le dernier carton pris dans du cellophane, mais sinon, tout va bien. Tout baigne, comme il dit souvent. Tout roule.

Reste qu'il la lit dans ses yeux. L'envie de tout brûler.

— Qu'est-ce que t'as à t'occuper de ce que je descends, ce soir ?

— Ça te surprendras peut-être, mais je m'inquiète pour toi.

Son ricanement, comme une fuite de grisou. Un craquement sec dans l'âtre, une pluie d'étincelles.

Il l'a aimé, ce rire. Il aurait pu l'écouter pendant des heures, toujours léger malgré la clope et la vinasse, à s'y prélasser en soirées entières comme devant un bon feu. C'est peut-être pour ça qu'il reste immobile quand Axel s'approche sans tact pour le tirer par le col, qu'il ne repousse pas ses mains faméliques qui se glissent sur son ventre. Il sait qu'il n'a besoin de rien pour tout lui refuser.

— Alors t'as qu'à rester.

— Xion a dit que tu pleurais, il tranche. Tu dois te ressaisir.

— Me ressaisir ?"

Les enfants sont couchés et pourtant, il crie. Saïx lui fait signe de baisser le son. Il a trop bu, beaucoup trop bu, il titube tellement qu'il manque de se prendre les pieds dans le tapis et quand sans prévenir il rattrape son bras pour amortir sa chute, il peut sentir sa peau chaude frissonner à travers le tissu. Axel pousse un glapissement de bête blessée. L'allumette craque. Le verre éclate. Il se débat.

Saïx le lâche aussitôt.

"Dégage, le renard siffle, le bras replié contre son torse. Prends tes cartons et tire toi d'ici.

— Tu as passé le week-end à boire. Laisse moi au moins te mettre au lit.

— Tire toi ! Tire toi ou j'irai moi-même te faire flamber le cul !"

Cette fois, il hurle, et Saïx comprend que ça ne sert à rien. Il laisse tout en plan, n'essaye même pas de calmer l'incendie. Ça ne changera rien, il se répète. Cette discussion ne mène nulle part. Ce ne sont que des cartons.

Il étouffe quand même. Il repassera demain.

***

NDA : Le thème du 10 avril était : "Tout cramer."

(Et j'ai oublié de poster ici, oops)

(Encore pardon)

Kingdom Hearts - A l'amiableOù les histoires vivent. Découvrez maintenant