Kingdom Hearts - A l'amiable

Le vert est dans le fruit

"Tu es en train de me dire que je ne te suffis pas ?"

Les mains le long du corps, Saïx cherche quelque chose à quoi se raccrocher. Le meuble télé, l'ilot central de la cuisine dont la peinture attend, ses poings qui tremblent autour de la poignée du sceau qu'il porte à bout de bras. Un vert De jalousie, étrangement pâle. L'odeur agressive vient brûler ses poumons comme un nuage d'acide.

Il n'arrive pas à croire qu'Axel s'est tu à la caisse, alors qu'il avait l'occasion d'évoquer le sujet dans toutes les allées du magasin. Il fait bien ça, la conversation entre le vert Hulk et le vert Solitaire, c'est de son niveau, ce genre de sous-entendus. Mais il a attendu d'être à la maison pour faire péter la bombe.

Il croyait le connaitre. Visiblement, il s'est encore trompé.

"C'est pas le propos.

— Alors vas-y, explique moi ce que je dois comprendre."

Saïx se détourne pour appliquer la deuxième couche. S'il ne le fait pas maintenant le mur du salon ne ressemblera plus qu'à un empire de tâches et de croûtes sèches, et il refuse d'accorder à Axel le droit de souiller la peinture. il a toujours une bonne excuse pour reporter les travaux, éviter la plomberie, le laisser grimper sur l'escabeau pour changer les ampoules alors que lui se paye le luxe de raser les linteaux.

Le renard ne répond pas tout de suite. Il plonge la main dans la caisse à outils pour en sortir un rouleau, rejoins son bras en feignant de recouvrir une partie du mur. Il fait ça à l'arrache, difficile de ne pas remarquer comme les vapeurs toxiques lui irritent les yeux. Saïx pourrait aider, mais il laisse faire. Sa mâchoire se verrouille pour éviter d'ajouter quelque chose qu'il pourrait regretter.

"Déjà, que ça n'a rien à voir avec toi."

La voix chaude d'Axel se brise sur une quinte de toux. Saïx imagine, soudain, qu'il va s'écrouler sur le carrelage et qu'il pourra le regarder suffoquer sans avoir à l'y pousser lui-même. La colère le dévore. Il aimerait tellement pouvoir revenir au temps où il n'avait pas prononcé ces mots.

Je crois que j'ai besoin d'air.

L'odeur du plomb bourdonne dans sa tête. La requête de son mari avale tout, son mari, le sien, celui qui vient de demander s'il serait d'accord pour être partagé. Ils ne parlent pas d'un compte en banque ou d'une fringue, il s'agit de leur vie, de sa vie. D'un cœur. Celui qu'il a accepté de lui donner et maintenant, il voudrait le reprendre pour le donner à d'autres ?

"Tu sais que tu passeras toujours en premier, pas vrai ?"

Saïx réalise à peine qu'il tremble en sentant la main d'Axel se poser sur sa joue.

Il veut son bonheur. Il veut qu'il soit heureux et ça ne date pas d'hier, ces coups d'œil langoureux qu'Axel lance aux soirées, les sourires qu'il capte et qu'il s'empresse de ravaler pour mieux se jeter sur sa bouche, une fois à la maison. Il pensait que ça lui suffirait. Il aurait du se douter qu'il ne pourrait pas exploiter indéfiniment cette pulsion, cette chaleur dans son corps.

Il déteste savoir qu'il en a profité.

Et maintenant, il lui en faut plus. La honte le consume tandis qu'il laisse couler son pinceau dans le pot de peinture.

Il se fout de passer le premier. Il réalise simplement que ce qu'il a remis entre ses mains, il ne pourra jamais le reprendre. Et il lui en veut, terriblement, de lui demander une telle chose. C'est un bout de lui qui part avec le souhait d'Axel. Une intimité qui s'envole.

Il se sent comme un gosse incapable de partager ses jouets.

"Je sais."

Il inspire longuement.

"C'est... laisse moi juste le temps d'y penser."

***

NDA : le thème du 27 avril était : Air toxique, ne pas respirer

(Juste au cas où, il n'y a pas de faute d'orthographe dans le titre ! Le vert est la couleur de la jalousie, Axel a les yeux verts, "le ver dans le fruit" est une expression qui désigne une situation qui se dégrade sans qu'on puisse rien y faire, bref, vous avez ici affaire à un jeu de mots de qualité.)