YOURS. // Tome 1

Chapitre 1

♫ « Keep your head up » - Ben Howard ♫

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Ava
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Pensez-vous qu'il est possible d'échapper à un destin déjà tout tracé ?

J'ai toujours vu la vie comme une lutte permanente où rien n'est jamais gagné d'avance. Bien plus qu'une philosophie, je fais en sorte quotidiennement de ne jamais agir au hasard. Je réfléchis constamment à mes actions et à leurs conséquences. Alors, vous allez me dire que je n'ai pourtant pas une vie si compliquée à première vue : une famille soudée et aimante, un cadre de vie relativement confortable et des amis d'enfance sur lesquels je sais que je pourrais toujours compter. Mais malgré tout cela, persiste au fond de moi cette peur. Une peur inexplicable du vide, cloîtrée dans une vie que je trouve bien trop prévisible, qui, je le sais, finira par me faire perdre pied. Je ne veux pas de cette vie monotone, où le lendemain ne réserve aucune surprise. Je remarque sans cesse que mes parents ne s'épanouissent pas, gardant sous silence cette évidence : leur quotidien les étouffe.

Vivre dans une petite ville de campagne au fin fond de l'Angleterre n'aide pas forcément à se sortir la tête de l'eau. À Alston, tout est fait pour se sentir enfermé. C'est pourtant en total contradiction avec ce que la ville offre : de grandes étendues de prairies, un calme propice au repos et à la méditation, et des habitants qui se connaissent tous les uns les autres. Je connais mes actuels amis depuis toujours. Nous nous sommes suivis pendant toute notre scolarité, de la maternelle au lycée. Étant fille unique, ils sont finalement devenus ma fratrie d'adoption. J'ai tout connu avec eux : de mes premiers émois amoureux à mes premières peines de coeur, en passant par mes premières bêtises d'adolescente. Il y en a un en particulier qui compte plus que tous les autres. Un ami à qui je peux tout confier sans peur d'être jugée : Alex, mon alterego masculin.

Mes parents m'ont toujours laissé une grande liberté, je n'ai jamais senti le poids d'une quelconque limite dans l'éducation qu'ils m'ont donné. En revanche, le fait qu'ils se consacrent corps et âme à leur carrière m'a forcé à me construire seule en tant que jeune femme. Je n'ai pas forcément souffert de leur absence, mais les démonstrations de tendresse se faisaient rares. De ce fait, je suis à la recherche constante d'affection, de quelqu'un qui saurait me donner cette petite flamme pour me faire vibrer. C'est une des raisons pour lesquelles j'ai multiplié les rencontres sentimentales sans jamais trouver quelqu'un qui me corresponde totalement.

Mais je n'en veux pas à mes parents. Ils ont toujours fait au mieux. Ils s'aiment comme au premier jour, au fond de moi j'en suis sûre. Je suis plutôt admirative du confort qu'ils ont su construire. Mais je ne souhaite pas être leur simple reflet.

Contrairement à eux qui sont très terre-à-terre et scientifiques, j'ai une âme d'artiste. Je l'ai su très tôt. J'avais constamment la tête ailleurs, cherchant l'inspiration dans tout ce que je voyais. C'est pour cela que je me suis décidée à leur faire face, choisissant une voie aux antipodes de la carrière à laquelle ils me prédestinaient. Eux voyaient en moi la parfaite candidate pour les seconder à leur cabinet de vétérinaire de campagne. J'en ai décidé autrement. Mettant à contribution mon sens critique et ma créativité, je me suis lancée dans des études de designer graphique. Mais même fraîchement diplômée, je suis forcée d'admettre que malgré mon enthousiasme à vouloir exercer un métier dans lequel je m'épanouis, je commence à suivre le même schéma que mes parents. Je vais comme eux construire ma vie à Alston, sans aucune autre échappatoire possible.

Il est vraiment temps que je prenne ma vie en main. Et m'installer ailleurs me semble être l'issue de secours la plus évidente. Londres. Le melting pot anglais par excellence. Je suis presque sûre d'avoir un futur dans la capitale. Il paraît que les londoniens ont toujours le sourire. Ce serait certainement le meilleur moyen de me (re)découvrir à vingt-trois ans.

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Me voilà, en ce matin de grisaille du 12 février 2019, dans ma petite chambre d'enfance, faisant le point sur ma vie, contemplant ce paysage familier derrière ma fenêtre. Mes bagages sont bouclés au pied de mon lit. Je m'apprête à donner un nouveau sens à mon existence, comme un nouvel envol vers un inconnu qui à la fois m'effraye et m'intrigue.

La porte s'entrouvre, interrompant mes pensées.

- Tu es prête ?

Je lis une certaine inquiétude sur le visage de ma mère.

- Dans une minute maman.

- Très bien, je t'attends à la voiture. Couvre-toi bien, il fait très froid.

Je lui adresse un sourire avant qu'elle ne referme la porte. Un dernier coup d'oeil à ce qui aura été mon refuge. Si mes murs pouvaient parler, ils me décriraient sous doute comme une éternelle rêveuse. Je m'empare de mes deux derniers sacs et de mon Canon 5D. J'en profite pour prendre une dernière photo : mon reflet dans le miroir à l'angle de la pièce. Je sais au fond de moi que je reviendrais forcément ici, mais aujourd'hui m'apparaît vraiment comme un tournant décisif. Je ferme en quelque sorte un chapitre de ma vie pour en commencer un autre.

Au fait, mon nom est Ava, Ava Miller.

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