Chapitre 5

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Ces chiffres sont la première image qui s'affiche à mes yeux lorsque je les ouvre le lendemain matin. Un soudain pic de stress me monte au cerveau quand je réalise que je devrais déjà être en cours depuis 3h30 au moins. Puis je me rappelle que de toute manière je suis censée passer l'après-midi dehors avec Mikey et Draken, donc je me dis qu'il vaut mieux sécher toute la journée plutôt que de venir pour seulement une heure ou deux. Je repose ma tête sur mon oreiller, et passe les 20 minutes suivantes et somnoler tranquillement.

Un peu avant midi, je me lève difficilement et contemple devant la glace le spectacle désolant de ma personne au réveil. Les plis du drap incrustés dans ma peau, le noir cerclant mes yeux rétrécis par le sommeil et les quelques boutons faisant leur timide apparition sur mon nez contribuent à me donner une allure de mort vivant.

Certains se réveillent avec mauvaise humeur, pour ma part c'est une mauvaise mine qui accompagne mes matinées.
Ma peau pâle prend une teinte maladive, mes yeux noirs ont la taille de ceux d'une grenouille et mes cheveux ont l'air d'avoir fumé un pétard pendant la nuit : dès que je passe une main dedans, il me faut batailler quelques minutes avant de l'en sortir. Ma frange, que j'avais tant hésité à couper avant de finalement y parvenir, part dans tous les sens et me donne des airs de cosplayeuse ratée.

Je me dirige vers mon armoire, et après avoir contemplé un petit moment le désordre apocalyptique qui y règne, je décide de remettre les mêmes vêtements qu'hier, c'est-à-dire un t-shirt imprimé à l'effigie du groupe Pink Floyd bien trop grand pour moi ainsi qu'un short de jogging taille L resserré à la taille par des liens de fortune.

Après un petit-déjeuner préparé à la va-vite, je m'empresse de sortir de mon studio miteux, non sans saluer Mme Tsukiya, ma logeuse, qui m'appelle affectueusement sa petite-fille. Cette dame est l'incarnation humaine du terme "angélique". Veuve, elle a perdu son mari il y a longtemps dans un accident alors qu'ils étaient tout jeunes et n'a depuis jamais retrouvé l'amour. Il va sans dire qu'elle n'a pas d'enfants, ce qui doit être la raison de sa gentillesse à mon égard.

Elle ne m'a jamais fait débourser un sou pour l'appartement qu'elle me prête car, selon ses dires, "ce serait criminel de faire payer une jeune fille si mignonne pour un studio aussi crasseux", et n'hésite pas un instant à me faire partager sa table lorsque mes maigres économies s'épuisent. Il est donc de mon devoir de lui tenir compagnie, et d'apporter un peu de gaieté dans son univers si morose.

Après être sortie de l'immeuble sous le regard bienveillant de Mme Tsukiya, j'enfonce mes deux mains dans mes poches et me dirige vers le terrain vague qui me sert de repaire les jours où je n'ai rien d'autre à faire que de m'asseoir dans l'herbe jaunie et laisser libre cours à mes pensées tout en observant les couleurs vibrantes d'un ciel d'été, ou la grisaille et la pluie en hiver.

La terre sèche et friable du terrain a absorbé toutes les larmes que j'aie pu verser depuis que je vis ici à Tokyo, et m'a toujours tenu compagnie dans les jours mélancoliques où même Mme Tsukiya et son porc pané n'étaient pas capables de me remonter le moral. C'est en quelque sorte ma maison, en tout cas c'est l'endroit où je passe le plus de temps si l'on excepte le collège.

C'est également l'endroit où j'ai mené mes premiers combats contre des gars plus ou moins âgés, attirés par l'aura que dégage une jeune fille seule et vulnérable. Malheureusement pour eux, vulnérable est un adjectif dont je n'aime pas me qualifier.

Une fois arrivée, je m'asseois dans l'herbe, entoure mes jambes de mes bras et pose ma tête sur mes genoux, laissant ma nuque se faire caresser par le soleil de midi en plein mois de juin.

Mikey et Draken m'ont donné rendez-vous vers 14h, il me reste donc au moins 1h30 avant de devoir me lever. En attendant, je laisse mes pensées vagabonder au doux son du vent dans les herbes folles et de la lointaine circulation de la ville. De temps en temps me parvient le bruit d'un oiseau chantant à pleins poumons, où d'une petite vieille s'étouffant dans sa propre toux, ça dépend de la manière dont on l'interprète.

Je branche le casque de mon walkman, cadeau de Mme Tsukiya, et le pose sur mes oreilles avant de me laisser engloutir par la musique de mon CD préféré, l'album Nevermind de Nirvana.

Toutes mes vies ~ Mikey x OcOù les histoires vivent. Découvrez maintenant