Service après-vente, bonsoir !

46 5 6
                                    



Il y a quelque chose de très exaspérant mais inévitable lorsque l'on travaille dans un grand centre de l'Hôpital publique : les complications médicales des structures privées échouent toujours chez nous. Alors d'un point de vue extérieur on pourrait me répondre :

« Oui et alors ? Tant mieux pour les patients non ? Ils sont pris en charge quelque part. »

Sauf que dans la vraie vie ce n'est pas si simple. Sachez tout d'abord que les urgences gynécologiques serviront de point de chute pour tout et n'importe quoi.

« Je viens parce que j'ai mal et on m'a dit de venir ici, s'il se passait QUOI QUE CE SOIT.

- Qu'avez-vous pris pour la douleur au décours de votre chirurgie ?

- Bah rien, je ne sais pas quoi prendre.

- Mais on vous a prescrit des choses non ?

- Ah oui mais je ne savais pas si je pouvais les prendre car je ne sais pas si c'est normal d'avoir mal »

Par ailleurs, les patients qui viennent nous voir pour une complication post opératoire, arrivent la plupart du temps les mains vides : aucun compte-rendu opératoire, aucun compte-rendu d'hospitalisation... Et vous en conviendrez, cela n'est pas très confortable. Comment anticiper certains problèmes lorsque l'on n'a pas assisté à l'intervention ?

Une histoire assez marquante me revient pour illustrer ce propos.

J'étais jeune chef de clinique depuis quelques mois, et de garde un samedi. Mon interne avait reçu une patiente d'une quarantaine d'années, amenée par le SAMU pour douleur abdominale. Appelons-la Madame Pépin. Cette dernière avait été opérée 10 jours plus tôt en clinique d'un kyste de l'ovaire gauche par cœlioscopie*. Depuis quelques jours les douleurs s'étaient installées, progressivement croissantes malgré la prise d'antalgiques. Mon interne m'avait rapidement fait venir devant la présence « d'un ventre de bois »*. Lorsque je découvris Mme Pépin, couchée en chien de fusil, dont le simple contact avec le ventre déclenchait une vive douleur, l'urgence chirurgicale ne faisait aucun doute. Mon interne me montra les clichés de l'échographie pelvienne qu'elle avait rapidement réalisée : on y distinguait une masse iso-échogène* relativement volumineuse et accolée à l'ovaire gauche. Un hématome de la loge de kystectomie* ? Nous tentâmes d'appeler le chirurgien pour obtenir quelques informations sur la chirurgie. En vain. Dans tous les cas, nous devions passer au bloc opératoire et voir. Après avoir expliqué tout cela à Mme Pépin et l'avoir prévenue des risques habituels dans ce type de chirurgie, nous fîmes donc l'exploration en reprenant les récentes incisions. Sauf que ce n'est pas du sang que nous trouvâmes dans son ventre mais des selles.

Un trou de la taille d'une pièce de 2 euros était visible au niveau de son colon.

La chirurgie exploratrice s'est alors changée en grande incision, résection digestive et dérivation des selles à la peau. Le cauchemar ! Les suites se déroulèrent relativement bien. Mais l'atterrissage fut très difficile pour Mme Pépin. Evidement nous ne nous attendions pas du tout à cela (l'absence de fièvre notamment avait écarté cette piste) et ne l'avions pas informée du risque de stomie*.

En jouant le détective au décours, j'appris que son chirurgien l'avait appelée tous les jours depuis sa sortie de clinique. Il s'était de toute évidence, passé quelque chose pendant le geste chirurgical, ou bien ce dernier avait été relativement complexe.

Je ne raconte pas cette histoire pour pointer du doigt un confrère. Je ne trouve pas non plus d'excuse à l'inexcusable comme vous pourrez le lire plus loin. Mais il s'agit ici d'une complication qui s'expliquait chez Mme Pépin par le fait qu'elle avait été opérée à 2 reprises auparavant. En réalité si je partage cette histoire, c'est pour illustrer la complexité de la gestion en aval. Ce qu'il fallait faire a été effectué. Néanmoins sans information sur le déroulement de la chirurgie initiale, nous fûmes mis en difficulté concernant l'élaboration du diagnostic et la communication avec la patiente.

Petites tribulations d'une gynécologueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant