#metoo

42 6 3
                                    


Je suis une femme. Alors ai-je déjà connu des situations de harcèlement, ou agression à caractère sexuel sur mon lieu de travail ? Tout comme 17% des françaises, la réponse est oui. La spécialité que j'ai choisie d'exercer, reste relativement féminine. De facto, je pense avoir été considérablement épargnée pendant mes années d'étude.

Néanmoins j'ai mon petit lot d'anecdotes malaisantes et si certaines histoires sont restées secrètes jusque lors, ce n'est pas par peur de représailles. Rétrospectivement, je pense que ces moments ont été inconfortables, très embarrassants, mais ne m'ont jamais véritablement déviée de ma trajectoire. En ce sens, inconsciemment ou non, puisque l'impact a toujours été minime, je n'ai jamais véritablement éprouvé le besoin d'en parler au-delà de mon cercle d'intimes.

Au début de mes années médecine, manquant cruellement de confiance en moi, je pense avoir été responsable de certaines mésaventures. Sûrement flattée par ces attentions que ma naïveté ne permettait pas d'analyser en profondeur, et quoi qu'il en soit n'ayant pas à l'époque les armes suffisantes pour m'affirmer, j'ai délibérément frôlé la catastrophe à plusieurs reprises.

Il y a des situations d'apparence anodines, où un patient piétine votre intimité.

Appelons-le Mr. Pêche, mais pas pour le côté doux et fruité, non plutôt pour l'aspect chasseur. J'étais aide-soignante l'été pour constituer mon pécule annuel qui servirait à financer mon permis. Mon travail n'étais pas très stimulant intellectuellement mais mes collègues étaient incroyables et passer mes nuits à l'hôpital comblait mes attentes altruistes du moment. Un jour, Mr Pêche fut hospitalisé pour un déséquilibre de son diabète. C'était un type d'une quarantaine d'année, bedonnant, et relativement antipathique. Il ne faisait aucun effort pour ses traitements et son alimentation, ce qui lui valut deux bonnes semaines d'hospitalisation dans notre service. Dès la première nuit où je fis sa connaissance il détruisit mon habituel rempart professionnel en dérobant mon prénom sur mon badge de stagiaire. Se moquant totalement de mon opinion, il s'en servit allègrement tout au long de la nuit, l'affublant de pronoms ou adjectifs ridicules et inappropriés. Je ne l'ai pas repris. Je pensais bêtement qu'il s'agissait d'un patient comique. J'étais profondément mal à l'aise mais me concentrais sur mes différentes missions de la nuit. Je sentis rapidement que le gars devenait envahissant sur les nuits suivantes, lorsque poursuivant son manège, il commença à m'interroger sur ma vie tout en me dévoilant la sienne. Je le surpris à reluquer mon décolleté de pyjama lorsque je me penchais pour prendre la tension. Un soir que je dû contrôler son dextro*, il profita de mon geste pour me caresser le bras. Sur la fin de son séjour rentrer dans sa chambre était devenu une véritable épreuve et, bien que je demeurasse muette, l'ensemble de mes muscles se raidissait en passant la porte. Vint alors le dernier soir, et donc les derniers échanges forcés. Mr Pêche me demanda mon numéro. A quel moment avais-je pu laisser penser que... ?

« Non...heu, non...désolée, balbutiai-je

- Bah pourquoi ? On s'est bien marré. »

Alors là, je crois qu'il était le seul à s'être fendu... la pêche ! Je n'avais pas du tout envie de revoir cet énergumène et essayai donc de raffermir le ton de ma voix en relevant mes épaules.

« Non mais c'est mieux comme ça, vraiment.

- Tu ne veux pas être ma petite infirmière aussi dehors ? »

Je l'ai planté là en prenant soin de ne rien oublier dans sa pièce afin de ne pas avoir à y retourner.

Une semaine plus tard, il envoyait pour moi dans le service une paire de baskets bleues turquoise (« assorties à mes yeux » avait-il écrit) et son numéro. Puis son vulgaire hameçon ayant fait choux blanc, je ne revis jamais Mr Pêche !

Petites tribulations d'une gynécologueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant