Chapitre 9

159 13 0
                                    

J-0, H-4

Les tatouages sont une marque encrée dans la peau comme le serait un naufragé à sa bouée de sauvetage. Ils signifient la plupart du temps quelque chose d'important pour la personne qui décide de s'en faire. Une partie de sa vie, une sorte de récompense ou même un point d'encrage, pour se rappeler des moments qu'il a traversé et auxquels il a survécu. Harry a plein de tatouage. Sa mère a déposé ce matin des vêtements adaptés à la température extérieure. C'est comme ça qu'il s'est retrouvé en t-shirt à manches courtes et que je peux admirer ses tatouages. Dans sa tenue de malade, je n'aurais jamais imaginé que sa peau puisse être un tel tableau. J'avais déjà aperçu quelques traits noirs quand on jouait aux cartes, mais je n'ai jamais vraiment posé de question. Je ne le voulais pas. Je me demande ce que signifient tous ces dessins, mais je n'ose pas le lui demander. Et puis, on n'a pas assez de temps pour parler de son passé quand son futur l'appelle.

- Quand je serais sorti, m'explique-t-il, je travaillerais pas loin d'ici, avec un cousin. Je suis plutôt doué en mécanique et c'est mon cousin, il se fiche que j'aie été interné.

Je ne suis pas vraiment sûre de ça, mais je garde mes doutes pour moi. Je n'ai pas envie de gâcher son plaisir et ce ne sont peut être que de mauvais pré-sentiments. Depuis que je me suis levée, j'ai la gorge serrée. Je savais que son départ me toucherait, mais je crois que le fait de le voir libre, contrairement à moi, m'est insupportable. Je ne veux plus rester ici, j'y est déjà passé trop de temps et dépensé trop d'argent. Je m'apprête à lui demander ce qu'il a fait pour qu'on lui autorise la sortie, mais je m'abstiens. Je connais la réponse. Je n'aurais qu'à l'imiter.

Ses biceps se gonflent quand il lève les mains sur sa tête pour faire un chignon avec ses cheveux. Il me faut quelques secondes pour m'habituer à la vue de son visage dégagé et de ses cheveux tirés en arrière. Il m'explique que sa mère lui a conseillé de s'attacher les cheveux pour faire plus propre. Je sais que, personnellement, j'aurais mal pris ce commentaire, mais pas lui. Il doit être proche de sa mère. Ça me rappelle que la mienne n'est pas revenue depuis ma dernière crise. Je ne sais pas comment je devrais réagir à ça, mais je ne ressens rien. Alors je ne dis rien.

- Alors ? me demande-t-il en écartant les bras.

Son sourire est si grand qu'il creuse des fossettes sur ses joues. Dans ces vêtements, personne ne pourrait dire qu'Harry Styles sort d'un hôpital psychiatrique. On ne pourrait même pas reconnaître qu'il soit malade. Mais même s'il sort de l'hôpital, il peut rechuter à tout moment. Mais je sais qu'il n'a pas envie de revenir, alors il fera le nécessaire pour éviter les ennuis.

- Tu es beau.

Je me force à ouvrir la bouche pour dire cette phrase inutile. Il n'a pas besoin qu'on le lui dise, il le sait. Harry est social, souriant et plein de vie malgré sa situation, et c'est comme ça qu'ils ont décrété qu'il allait mieux. Je dois apprendre rapidement à agir comme lui, et moi aussi je sortirais. Il sourit encore plus et ses yeux se plissent.

- Bon, qu'est ce que tu veux faire ce matin ? me demande-t-il en rebaissant les bras.

Aucune des activités qu'on nous fait faire ici ne me plaisent et je ne veux pas jouer aux cartes avec lui comme si la routine se répétait encore et pour toujours. Je ne trouve rien à lui répondre mais il tourne la tête vers moi comme si j'avais dit quelque chose de génial.

- J'ai une idée. Suis-moi.

Il quitte la chambre dans un saut. Je lui emboîte le pas en essayant de m'accorder à sa vitesse. Il longe le couloir qui passe devant la salle principale et monte les escaliers. Au premier étage, il s'arrête devant la Salle des Discutions. Je lui envois un regard interrogateur et il me sourit une énième fois. Lorsqu'il essaie d'ouvrir la porte, celle-ci ne bouge pas. Il se mord la lèvre. Je ne comprends toujours pas ce qu'il mijote. Il me demande d'attendre ici, et reprend les escaliers en courant. Il descend à toute vitesse et manque de tomber dans son élan. J'hésite à le suivre mais y renonce. Je l'attends devant la porte close quelques minutes, regardant autour de moi sans cesse. Lorsque je le vois revenir vers moi, je remarque son chignon défait -sûrement pour avoir couru et sauté dans les escaliers- et sa respiration saccadée. Il me sourit en montrant la clé. Mon visage doit être déformé par la surprise parce qu'il se met à rire bruyamment. Il met son index sur sa bouche comme si c'était moi qui avait crié.

Le JeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant