Chapitre 15

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E M I L Y

La première chose que je fais après avoir vomi est de reprendre l'ourson dans mes bras. Ma gorge me brûle et je crois que je peux voir ma main trembler sur la tête de Pilou. J'essaie de me calmer mais les paroles de Liam tournent en boucle dans ma tête et mes larmes ne cessent de couler. En plus de cette affreuse nouvelle, la prévention de la rousse par rapport à Chloé et le danger qu'elle est encore pèse sur moi. Je ne peux pas me protéger de ce qu'elle va faire, je le sais, et ça peut tomber n'importe quand. Mais je vais trouver le moyen d'être assez forte pour lui tenir tête, tout comme elle le fait.

Elle a dit qu'elle ne pouvait pas l'atteindre parce qu'elle n'a personne dans son entourage à qui elle tient assez pour avoir peur de la perdre. Le problème, c'est que moi, j'en connais : ma mère, Liam et Harry. Oh Harry... J'espère que lui au moins s'en sort mieux que moi à l'extérieur de cette prison. Il ne m'a jamais autant manqué que maintenant. S'il était resté là, j'aurais pu le serrer dans mes bras et lui faire part de mes peurs les plus profondes, parce qu'il me comprenait, lui. 

Même sans lui parler, il semblait toujours savoir ce qui se passait dans ma tête, et c'est pourquoi il était -- et est encore -- si important pour moi. J'espère que Chloé ne l'a pas remarqué, mais ce serait trop beau pour être vrai. Je m'attends presque à le voir retomber dans ce trou parce qu'elle aurait fait resurgir ses problèmes maladifs. J'aimerais qu'il trouve une situation stable, qu'il fonde une famille et garde son travail avec son cousin.

Imaginer Harry menant la belle vie me rassure quelque peu et j'arrive à stopper mes larmes. J'essuie mon visage avec le bras de la peluche avant de la jeter sur mon lit. Je sors de ma chambre et emprunte le couloir jusqu'à la salle principale où tout le monde est rassemblé. Dans les médecins présents dans la pièce, je suis soulagée de trouver Frédéric Cartwol. Je m'avance vers lui à grands pas et tire un peu sur sa manche pour qu'il se retourne.

- J'ai besoin de votre aide, dis-je doucement.

Il lance un regard à un autre médecin et hoche la tête avant de me suivre jusqu'à ma chambre.

- Tu as retrouvé ta langue, donc ? me dit-il avant de remarquer le bordel sur le sol de ma chambre. (Son visage se crispe comme s'il venait de croquer dans un citron et je dois me retenir de ne pas rire.) Je vois... Je vais aller chercher quelque chose pour nettoyer ça.

Il me laisse seule quelques minutes pendant lesquelles je fixe le vomi sans bouger. Je me rends compte que mes nausées de ce matin se sont évaporées. Peut-être que vomir était la solution. Tout déverser, tout donner sans rien garder, c'est peut-être la solution. Que se passerait-il si je racontais mon histoire à haute voix, à tout le monde ? Que se passerait-il si j'arrivais à être assez convaincante pour qu'ils se méfient d'elle si elle remet un pied dans ce bâtiment ? Et si, de l'intérieur, je pouvais aussi la toucher comme elle le fait.

Je suis forte. Je le sais. Je n'ai qu'à le prouver. Chloé a toujours trouvé ça drôle de me faire subir un enfer et de me voir passer par toutes les émotions possibles et imaginables. J'ai toujours trouvé ça horrible et malsain, mais dans un sens je veux qu'elle subisse les mêmes dégâts. Je veux la briser autant qu'il en est possible, jusqu'à ce qu'elle quitter cette ville une bonne fois pour toutes.

Le retour du docteur Cartwol me tire de mes pensées. Il pousse un chariot comportant un seau d'eau, une serpillière et différents produits. Nous restons tous deux silencieux et je l'aide à nettoyer le sol en silence.

Une fois l'horreur disparue de ma chambre, il pousse le chariot dans le couloir avant de me regarder fixement. Il m'attrape gentiment le haut du bras et me dirige vers mon lit où mes pieds me guident. Il s'assied à ma droite et repose son regard sur mon visage, comme s'il m'étudiait silencieusement.

Le JeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant