Chapitre 8

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- Elle va venir demain matin pour m'apporter mes propres habits et, à midi, je serais libre !

Harry m'explique sa journée de demain, déjà toute travaillée et planifiée. Il a l'air tellement joyeux de quitter cet endroit que je ne trouve pas le courage de lui dire quoi que ce soit. J'aimerais lui dire de ne pas partir, de ne pas me laisser seule, mais au final ce serait égoïste. J'aimerais lui dire qu'il me manquera aussi, mais j'ai peur que ce soit faux. Pendant longtemps durant mon internement, je n'ai ressenti aucun sentiment humain. Je sentais réellement le vide en moi ; et j'ai peur que son départ ne change rien, même si je sais qu'il changera tout.

Je presse l'oreille de Pilou, douce et moelleuse, puis la relâche. Je continue mon petit manège en écoutant la voix rauque d'Harry. Mes yeux menacent de se fermer à tout moment. Je n'ai pas dormi longtemps cette nuit, et Selly parlait dans son sommeil. Je crois qu'elle faisait un cauchemar, mais je n'ai entendu ses gémissements que quelques minutes. Après avoir lâché un « non, pas encore » entre le cri et le gémissement, j'ai murmuré une petite chanson en La qu'elle chante quand elle est seule ; et elle s'est calmée. Je me suis rendormie aussitôt, prise par la fatigue. Mais quand je me suis réveillée de nouveau, le noir régnait encore et l'attente du réveil général m'a semblé durer une éternité. Je caresse maintenant la tête de la peluche et lève la tête vers Harry. Ses cheveux, trop longs tombent devant ses yeux, mais il ne semble pas s'en préoccuper. Il a un énorme sourire en me parlant de sa sœur. C'est elle qui viendra le chercher demain midi, alors que sa mère déposera simplement ses habits le matin même. Une histoire d'horaire de travail. Je ne me souviens plus de l'âge de sa sœur, il ne m'a parlé d'elle que deux fois, mais il semble qu'elle ait commencé ses études supérieures.

L'activité de ce matin consiste en un travail de groupe. Nous devons créer quelque chose avec des objets donnés. Je suis avec Harry, comme d'habitude. Mais à l'inverse, le silence ne rôde pas autour de la table et une discussion est presque audible. Je vois le regard étonné et content de Patrick, l'animateur, me voyant échanger un semblant de conversation avec le bouclé. Je ne réponds qu'à peu de chose, juste celles que je juge importantes. Mais les médecins se réjouissent tous de mon "progrès". Je ne remarque rien d'exceptionnel ; mais ils voient en moi le potentiel de guérison dont j'ai besoin pour guérir ; ce qui est faux, parce que dans ce cas, je serais déjà guérie. Et je ne suis pas dupe, la maladie ne me quittera jamais. Elle se cache sous la tonne de médicaments que je dois prendre, mais elle est là. Elle grouille et tourne dans chaque partie de mon corps en attendant le bon coup qui lui permettra de se libérer. Elle est en moi, depuis plus longtemps que je ne le pensais, depuis le début sûrement ; et elle vient seulement de se réveiller.

- Alors, le couple muet s'est enfin décidé à se parler ? Il était temps.

Je dois lever la tête pour voir une fille aux cheveux roux coupés en carré, armée d'un énorme sourire blanc. Elle a le même sourire que me lançait Chloé après avoir exécuter ses plans. Elle était déjà là quand je me suis faite internée mais je ne sais pas son prénom. Je la vois souvent seule mais elle a sûrement de bonnes relations avec tout le monde.

- Ben quoi, vous ne me répondez pas ? reprend sa voix aiguë. Pourtant vous aviez l'air d'humeur bavarde aujourd'hui.

- Dégage, la rouquine.

Mon regard se pose sur Harry. Contrairement à ses paroles, il ne semble pas énervé. Il continue de faire tourner son pinceau sur la feuille cartonnée blanche pour faire un rond de plus en plus gros. Une main pâle se pose rapidement devant moi, faisant tomber ma tour de pièces en bois.

- Ce n'est pas parce que tu sors de ce trou que tu dois te croire supérieur, Styles.

Styles ? Son nom de famille peut être ? Je me souviens des noms de famille de beaucoup de gens, mais le sien a dû m'échapper. Ou alors il ne me l'a jamais dit et je n'ai jamais entendu personne l'appeler comme ça. Ils se connaissent peut être mieux que je ne le pensais. Mais alors quel genre de relation ont-ils ? Ils ne peuvent pas être de la même famille, ils sont trop différents. Amis ? Peut être une amitié qui a retourné sa veste.

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