Chapitre 23

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(Je n'ai pas arrêté d'écouter Long way home des 5 Seconds of Summer en écrivant ce chapitre, ahah !)

E M I L Y

L'air extérieur semble si frais, même avec la porte fermée. J'ai l'impression de sentir dans mes cheveux le vent qui fait danser les branches des arbres devant l'hôpital. Bientôt, me répété-je. Je n'arrive toujours pas à le croire. Après cinq mois d'internement pour dépression psychotique, je vais sortir. Retrouver ma mère, la maison et une chambre rien qu'à moi ; retrouver Harry et ne plus avoir à me sentir mal de lui en vouloir pour sa liberté. Je regarde l'horloge dans la salle principale depuis le comptoir de l'entrée. 

Dix minutes, me dis-je pour m'encourager.

Le monde extérieur s'ouvre lentement à moi, quelques centimètres à peine au fur et à mesure que les minutes passent. Fini les repas réchauffés de l'hôpital et fini tous ces malades psychotiques et effrayants. La liberté s'offre à moi. Je tourne la tête une nouvelle fois : sept minutes restantes. Pourquoi le temps semble passer si lentement quand on attend quelque chose d'important ? Je soupire longuement et croise les bras. Les vêtements que m'a apportés ma mère la veille sont plus confortable que l'espèce de robe trop large de l'hôpital ; et pourtant je me sens pas à l'aise dedans. Est-ce que Harry s'est senti comme ça aussi à son dernier jour ?

Je me souviens d'un Harry excité et impatient de sortir, il se s'est pas plaint de ses vêtements, ni des vieux qui trichaient pendant notre partie de cartes. Je me souviens qu'à son dernier jour, beaucoup de personnes étaient venu le féliciter ou simplement lui serrer l'épaule pour montrer qu'ils étaient présents : il était toujours entouré. Moi, je suis seule, encore, et j'attends. J'aperçois du coin de l'œil une blouse blanche qui se rapproche de moi, mais mes yeux restent attirés par la porte-fenêtre de l'entrée.

- C'est le grand jour, hein ! me dit une voix féminine.

Quand je tourne la tête, je vois la stagiaire nommée Maria m'afficher son plus grand sourire, comme si elle était excitée que je parte. Rien ne s'est passé d'étrange depuis qu'elle est là, et c'est ce qui rend la situation étrange. Rebecca m'avait affirmée que Chloé préparait quelque chose, et ça fait presque deux semaines que rien ne s'est passé. Je reste sur mes gardes.

- Ouais, réponds-je simplement.

- C'est mon dernier jour ici en tant que stagiaire aussi, dit-elle en serrant contre sa poitrine le grand bloc-notes duquel elle ne se sépare jamais, je comprends ce que tu peux ressentir.

J'ai envie de lui rire au visage : comment pourrait-elle comprendre ce que je ressens ? J'ai l'impression d'avoir traversé l'enfer, marché pieds nus sur les braises encore brûlantes de l'endroit le moins fréquentable du monde et j'ai perdu bien des gens que j'aime. Elle n'a sûrement rien vécu d'aussi tragique et dire qu'elle comprend mes sentiments parce qu'elle arrête son stage et reprend ses études la semaine d'après me sidère. Mais au lieu de dire quelque chose qui pourrait m'être fatal, je hoche la tête et regarde l'horloge. 

Liam, où es-tu ?

J'entends la canne de Selly derrière la stagiaire et me tourne instinctivement vers elle. Peut-être avait-elle seulement envie de venir se détendre sur les canapés de la salle principale, mais je sais qu'elle est venue pour moi. Le docteur Cartwol est à côté d'elle, mais il n'a pas le temps de la prévenir que je suis là que mes pieds s'arrêtent devant elle. Je la prends dans mes bras sans un mot.

Elle semble chercher un moment dans ses souvenirs avant de me serrer aussi de sa main libre.

- Tu vas me manquer, me dit-elle, confirmant qu'elle m'a reconnue. Comment je vais faire moi, sans mes yeux ?

Le JeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant