Chapitre 13

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L I A M

Cinq jours. Voilà presque une semaine qu'Emily n'adresse plus la parole à qui que ce soit -- à part à son journal avec qui elle est devenue fidèle. Chaque fois que je la vois, elle est en train d'écrire ou de dessiner dans ce journal et elle ne s'arrête que pour manger ou quand je lui parle. Elle m'accorde un peu d'attention, mais je n'ai pas le droit à un seul mot. Et je ne sais pas comment l'aider.

Le weekend est pour bientôt et mes devoirs ne cessent de s'additionner au fur et à mesure que chaque cours qui passent. Je passe acheter deux roses blanches avant d'aller chez la mère d'Emily cette fois. En entrant dans l'appartement, je remarque que tous les meubles sont emballés dans des sacs plastiques et qu'une valise rouge traîne dans le salon. Quelques cartons sont postés dans l'entrée, certains ouverts et d'autre fermés et emballés. Je remarque le nom d'Emily écrit au feutre noir sur l'un des cartons, avec un petit cœur au bout.

- Vous déménagez ? demandé-je à Lyla avant qu'elle ne disparaisse dans la cuisine.

- Je le dois...

Je la suis et pose les deux roses sur la table. Elle a déjà sorti une boite transparente au couvercle vert. Elle l'ouvre et dépose un petit pot du réfrigérateur -- une salade de fruit. Elle referme la boite et me la tend. En voyant que je ne la prend pas, elle comprend que j'exige des explications.

- Je n'ai pas les moyens pour rester dans cet appartement, explique-t-elle finalement. J'en ai trouvé un moins cher à quelques rues d'ici. Je dois juste amener mes affaires là-bas.

- Lyla, laissez-moi vous aider, la supplié-je. Mon père a assez d'argent pour des familles entières, je..

- S'il te plait, Liam, m'arrête-t-elle. On en a déjà parler, je ne prendrais pas l'argent de qui que ce soit.

Tout comme Emily, Lyla souhaite faire les choses d'elle même sans demander l'aide de quiconque. Telle mère, telle fille. C'est courageux comme acte, mais débile. Elle a besoin d'aide et elle le sait. Le traitement d'Emily lui demande trop d'argent comparé à ce qu'elle gagne. Elle a les joues creusées, le teint pâle et les yeux fatigués et injectés de sang. Je ne peux pas laisser ça se produire.

- D'accord, si vous voulez payer le loyer toute seule, alors prenez cet appartement accessible avec vos moyens, accepté-je. Mais dorénavant, c'est moi qui paye le traitement d'Emily. Et je ne veux rien savoir, ajouté-je quand elle ouvre la bouche pour protester.

Je prends le repas d'Emily et les deux fleurs et fait mine de m'en aller. Je m'arrête à la porte et lance un dernier regard pour cette femme si forte et courageuse qui se tient juste devant moi.

- Prenez soin de vous. Je vous promet que votre fille ira bien.

Je regrette amèrement cette promesse, mais esquisse un sourire rapide et sort de l'appartement. Je ne peux pas promettre qu'Emily guérira et qu'elle rentrera chez elle pour reprendre la vie normale d'une fille de dix-neuf ans. Je ne peux pas non plus promettre qu'elle n'aura plus jamais besoin de médicaments coûteux ou que son état mental ne se détériorera pas, parce que je ne connais pas l'avenir. Mais je peux au moins lui promettre que je prendrais soin d'elle et ce, jusqu'au bout.

Je monte dans ma voiture grise et dépose ma cargaison sur le siège passager avant. Je reste pensif quelques instant en fixant la place vacante à côté de moi. Je ne me suis jamais senti aussi seul qu'à ce moment là. Voir Emily tous les jours ne me suffit plus. Elle me manque en permanence, quand je suis en cours, quand je dîne le soir dans ma chambre d'étudient,... Même quand je suis entouré d'amis, je sens ce vide, ce manque de la personne que j'aime le plus.

Elle était si présente pour moi, et on vivait dans le même appartement -- avec Tyler aussi. On aurait pu aller à la fac ensemble et continuer à construire une amitié impossible à briser. Mais on l'a brisée. Pendant un moment, notre amitié a subit un choc et une crevasse s'est creusée entre nous. Même quand elle me serre dans ses bras, je sens qu'il y a un fossé entre nous que je n'arriverais jamais à passer. Et je suis sûr qu'elle ne m'a pas pardonné. Comment le pourrait-elle ? Je ne me ferais plus confiance moi-même à sa place.

Le JeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant