Chapitre 10

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Mme Raskova n'a pas supprimé le week-end à Rivsk, ça veut dire qu'on a su se tenir à carreau. C'est une tradition, les premières années vont toujours passer un week-end là-bas. Rivsk, c'est la capitale de l'Union Magique Internationale, c'est là que tous les événements importants prennent place. La Suprême habite dans un manoir au centre de la ville, toutes les décisions politiques qui contrôlent la Terre sont entre ses mains. Elle accède à cette position après un long vote qui peut durer des mois, laissant le monde en suspens. Pendant ce week-end, on court après les musées, on mange des beignets de figue à l'anis, on sort le soir. Mme Raskova veut que cette sortie loin de l'université nous redonne de l'énergie avant les examens de milieu d'année. La plupart de nos profs viennent avec nous, je soupçonne que ça n'est pas seulement pour nous surveiller, mais aussi pour qu'ils se détendent. Je ne sais pas si Ryelk sera là, ça fait plus d'une semaine que je ne l'ai pas vu. Il nous a dit qu'il était souffrant et qu'il ne pouvait pas assumer le cours de la semaine dernière. En fait, je ne l'ai pas vu depuis l'autre soir dans la cabane. Il était peut-être réellement malade, mais j'imagine que notre dernière rencontre n'y est pas pour rien. Il doit se poser autant de questions que moi, sa situation est pire que la mienne. Au-delà de l'aspect illégal, il y a le problème éthique d'une relation entre une étudiante et son professeur même s'il n'y a rien de sérieux pour l'instant.

Le voyage se fait en train, on va tous se retrouver agglutinés dans un wagon pendant trois heures. On avait pour ordre de se retrouver sur le quai. Je fais le chemin avec Mircea qui traîne sa valise pendant les trente longues minutes qui nous séparent de la gare. Les raisons pour lesquelles elle a décidé de ramener une valise pour seulement deux jours me sont complètement obscures. Donc nous sommes là, à attendre ce train qui arrive dans une heure.

- Tu te rends compte que le train n'arrive pas avant longtemps ? Il est super tôt, tout est fermé donc on ne peut même pas s'offrir un café chaud, dis-je à Mircea.

- Je sais, je sais, mais je préfère attendre que de risquer de louper ce train ! J'ai attendu trop longtemps cette petite sortie.

- M'enfin, une heure en avance ?! C'est un peu exagéré non ?

- Peut-être, mais c'est mon maximum. Merci d'être venue avec moi, dit Mircea en m'enlaçant.

- Mmh, qu'est-ce que tu veux ? J'aime bien rendre service ! Et puis j'ai prévu le coup, dis-je en sortant ma bouteille isotherme remplie de café.

- Tu es la meilleure !

La gare est chauffée, c'est déjà ça. Au moins on ne se les gèle pas.

Les autres étudiants arrivent au compte-goutte, ainsi que quelques professeurs, mais je ne vois toujours pas Ryelk. Le train est là maintenant, on s'installe côte à côte. Je m'assois du côté de la fenêtre, je n'ai pris qu'un petit sac à dos que je pousse sous mon siège. L'université a réservé tout un wagon pour notre voyage. Mon cœur fait un bond quand j'aperçois Ryelk courir sur le quai, ralenti dans sa course par son épaisse veste noire. Il jette son sac par la porte du wagon et s'engouffre dedans juste avant que les portes ne se referment. Essoufflé, il traverse la rangée pour rejoindre les profs au fond du wagon. Nos regards se croisent brièvement, mes joues chauffent immédiatement et un chatouillement prend place dans mon ventre. Je jurerais avoir aperçu son visage s'empourprer aussi.

L'hôtel est ordinaire, dénué de tout artifice. Une moquette rouge à pois jaunes de très mauvais goût longe le couloir, de grands vases avec de fausses fleurs poussiéreuses trônent entre les chambres. La personne qui a choisi la déco ici n'y a pas mis beaucoup d'efforts. On nous a mis deux par chambre, je suis avec Mircea naturellement. Nous devons déposer nos affaires, ensuite nous allons directement au musée naturel de la magie. Au moment de refermer la porte de la chambre d'hôtel, Ryelk passe devant moi, tellement près que son odeur de thym et de clou de girofle vient me chatouiller les narines. Il s'approche dangereusement de la porte de ma chambre. Ryelk m'adresse un regard furtif et glisse la clef dans la porte d'à côté sans même un sourire.

MétamorphesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant