Métamorphes

Chapitre 17

Installée sur mon lit, je ne peux pas m'empêcher de regarder les petits hôtels avant d'avoir reçu un message de Ryelk. J'ai trouvé plusieurs options dans la campagne au centre de la Libusie. Je ne devrais pas risquer de me faire de faux espoirs comme ça. C'est vraiment possible qu'il réalise quelle folie c'est de partir un weekend avec son étudiante. Et s'il accepte, est-ce que je devrais y aller ? Nous risquons tellement de choses. Si quelqu'un nous reconnaissait là-bas, nous ne pourrions jamais justifier notre escapade seul à seul. Tous nos rêves seraient fracassés. Et puis, nous avons très peu discuté, peut-être qu'il va s'ennuyer avec moi. Peut-être qu'il va réaliser que notre différence d'âge est plus qu'un simple chiffre. Dix ans pour vivre d'autres aventures, il a déjà fait l'expérience de tout ce que je commence seulement à comprendre. C'est une génération d'écart, cela veut dire des envies différentes. Il a un travail, une vie. Peut-être qu'il a quelqu'un dans une autre ville. Je ne connais presque rien sur lui en dehors de ce qu'il présente en cours. Il m'a avoué son secret, c'est le seul vrai lien que j'ai avec lui. Nous avons la métamorphose en commun, rien de plus. C'est l'animal qui est en nous qui dicte nos désirs les plus profonds. C'est notre animalité qui nous a jetés dans les bras l'un de l'autre. Sans ça, il ne m'aurait jamais vu comme autre chose qu'une étudiante parmi tant d'autres.

Mon téléphone sonne une fois, Ryelk est rentré de sa balade nocturne. Il souhaite poursuivre notre plan pour ce weekend. Mon cœur se met à battre plus vite, son message met un sourire incontrôlé sur lèvres. Je lui renvoie les options que j'ai sélectionnées. Un petit hôtel paumé, une maison d'hôte et une auberge. Il choisit la dernière option, le lieu le plus éloigné de tout village, même des plus petits. Je n'ai trouvé qu'une photo, c'est une grande chaumière. De l'extérieur, elle est plutôt jolie, il y a des centaines de pots de fleurs qui décorent la façade. Sur le site internet, il n'y a presque rien, juste une photo, une adresse et un numéro de téléphone. Je compose ce numéro. Il est tard, une petite voix grésillante répond.

- Auberge du Pois Chapelet, bonsoir.

- Bonsoir, je voudrais réserver une chambre pour deux personnes, pour demain soir s'il vous en reste.

- Il n'y a jamais personne qui vient par ici, quelques vagabonds, donc oui vous pouvez réserver une chambre. Je vous mets la suite royale ? demande-t-il sur un ton ironique.

- Juste une chambre pour deux, ça sera parfait, au nom de Madame Volkodlak.

- Bien, bien, bien, à demain les amoureux clandestins.

Il raccroche, je reste un instant le téléphone toujours à l'oreille. Le vieil aubergiste a deviné en quelques phrases que ma relation avec Ryelk est illégale.

Je partage les informations utiles à mon professeur, il prend les billets de train. Nous nous donnons rendez-vous à la gare à neuf heures demain matin. Je prépare mon sac à dos rapidement. Maintenant, c'est sûr, je vais passer les deux prochains jours avec Ryelk dans une auberge perdue avec rien d'autre à faire que parler. Nous ne sommes jamais restés ensemble plus de quelques heures. Peut-être que nous n'avons rien à nous dire, on va se regarder dans le blanc des yeux pendant deux jours, priant pour que les minutes passent plus vite. Ou alors, il va comprendre qu'il fait une grosse erreur, qu'il risque beaucoup trop avec moi, et il partira avant même que la soirée débute, pire encore il me laissera prendre le train seule. Non, je ne peux pas le croire, Ryelk est quelqu'un de bien, même s'il ne veut plus qu'on se voie, il ne me laissera pas seule dans cette auberge au milieu de nulle part.

C'est avec un mélange de stress, d'angoisse et d'envie que je m'endors. Je mets dix alarmes en place pour être sûre de ne pas rater le train. Demain matin, je vais retrouver Ryelk, nous serons tous les deux sans craindre d'être découverts. Mais nous ne pourrons pas être ensemble avant d'arriver au village le plus proche de l'auberge.