Chapitre 16

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Maintenant, Mircea sait tout. Depuis que je lui ai tout raconté, enfin, depuis qu'elle a tout compris, chaque bruit de couloir me fait sursauter. Chaque fois que j'entends le nom de Ryelk ou le mien, mon corps tressaille. Je concentre tous mes sens pour sentir le moindre soupçon, le moindre écho qui nous plongerait dans le noir. Cette tension constante m'épuise, je sors beaucoup plus en forêt. Je passe d'un état d'agitation perpétuel à un état de plénitude animal où l'instinct prend le dessus sur tous mes problèmes. C'est une couverture chaude et réconfortante après une journée d'angoisse glaciale.

Les semaines passent, toujours les mêmes. Je ne trouve de répit que lorsque je suis métamorphosée. Je cours jusqu'à l'épuisement, jusqu'à ce que mes pattes ne puissent plus me porter. Je pars à l'autre bout de la forêt, le plus loin possible de la cabane, le plus loin possible de toute tentation. Je ne croise mon prof que pendant les cours et les réunions hebdomadaires. Ces réunions mettent mes nerfs à vif, la proximité avec Ryelk est dure. Lorsque l'appel se termine, un mélange de gêne et d'envie nous envahit. Une fois, je suis celle qui résiste, l'autre, c'est lui qui garde ses distances. Et nous avons réussi à ne pas nous laisser envahir par des pulsions animales qui ne feraient que compliquer encore plus la situation.

Je ne lui ai toujours rien dit par rapport à Mircea. Cela l'inquiéterait plus qu'autre chose, il n'a pas besoin de ça. Il n'y a rien que l'on puisse faire, alors il n'a pas besoin de savoir. C'est inutile que je l'alarme encore plus. Ce soir va se passer comme tous les autres soirs. Je vais descendre dans son bureau, résister comme je peux et sortir courir.

Ryelk est installé à son bureau comme d'habitude. Tout est prêt, son grand écran est allumé, les deux chaises font face à l'ordinateur.

- Bonsoir, dis-je en entrant.

- Bonsoir.

Ryelk est déjà assis, il semble crispé. Il a tendance à mordre l'intérieur de sa joue quand il est nerveux. Je m'approche doucement et pose mes fesses sur la chaise à côté de lui.

- Tu es prêt ?

Ryelk hoche la tête et presse le bouton de l'appel, il ne me regarde pas.

Son visage change complètement lorsque mes mères apparaissent à l'écran. Il donne son plus beau sourire, il est presque bavard pendant nos réunions. MaO le trouve charmant. Il a réussi à les séduire et pour l'instant, elles n'ont pas remis mon retour en Pismigérie sur le tapis. Je fais juste acte de présence, une plante verte qui fait jolie à côté de Ryelk. Je serre les dents, je dois faire bonne figure pour rester ici. Il ne bouge à peine, ses mains sont agrippées l'une à l'autre et ont entrepris de se triturer les ongles mécaniquement. Par moment, sa jambe se met à remuer énergiquement faisant trembler toute la table. Puis, la réunion se termine. Ryelk éteint l'écran, il le fixe, ses mains agrippées aux accoudoirs. Je ne sais pas quoi faire, peut-être qu'il attend juste que je parte.

Alors que j'approche ma main de la poignée de la porte.

- Ça fait longtemps que je ne suis pas allé courir, dit-il soudainement.

Sa voix brise le silence qui pesait sur nous. Ryelk garde ses yeux rivés sur l'écran, on dirait qu'il refuse de regarder autre chose et surtout pas moi.

- Oh.

Il ne bouge pas d'un fil. Un frisson parcourt mon corps, Ryelk est un homme très séduisant. Ses boucles noires flottent autour de son visage, un nez droit très légèrement bossu, une longue bouche et des lèvres fines.

- Combien de temps ?

- Trois semaines, dit-il.

- Ça fait longtemps, oui. Qu'est-ce que ça fait ?

MétamorphesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant