Chapitre 4 - L'ombre

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De manière furtive, l'ombre se faufile entre les statues de marbre entreposées dans le vaste couloir de la demeure. Discrètement, parmi les visages figés dans la pierre, la silhouette encapuchonnée parade devant de grandes fenêtres qui longent l'extérieur. La nuit noire enveloppe tout l'environnement autour d'elle et, tel un animal nocturne, le moindre soupçon de lumière capte son attention.
Dissimulée sous un grand manteau noir, l'ombre finit par ouvrir une large porte en bois. Après l'obscurité du couloir, l'intérieur de cette pièce baigne dans une atmosphère étrangement apaisante. L'ambiance cosy se dévoile avec ses chandeliers au mur, un parquet soigneusement lustré, et un mobilier entièrement composé de bois d'ébène et recouvert d'un délicat velours bleu-canard. Un chaleureux feu de cheminé réchauffe l'air froid qui s'infiltre de toute part dans cette ancienne maison en pierres.

L'ombre continue de se mouvoir et de manière attentive, observe la cour intérieure par l'unique fenêtre présente dans la pièce.
Des camion-remorques tournent à plein régime et une dizaine d'hommes s'acharnent à charger des caisses à l'intérieur. Aussitôt un camion chargé, qu'un autre le remplace pour un nouveau remplissage. La cadence reste élevée malgré le froid glacial qui règne en ces temps.

Pohni sa ! On a des délais à respecter, allez ! hurle un homme, mitraillette vissée contre le torse.
T'as vu ça ? marmonne le spectre dans sa barbe.

Une voix lui répond dans l'oreillette.

Oui. On dirait qu'ils ont repris du service.

Dans l'angle opposé de la demeure, des fenêtres illuminées interpellent notre intrus.

J'ai un contact. Reste attentif.

Rapidement, la silhouette continue sa progression et rejoint le couloir. Son ouïe capte une musique d'opéra qui résonne au fond du corridor mais pas intimidée, elle s'avance et entre-ouvre la porte. Comme une vague sonore, la musique envahit ses tympans mais silencieuse, elle reste à observer.
Personne.

Elle pénètre dans un salon bourgeois où le style des pays nordiques est encore une fois respecté et lentement, l'ombre s'avance sur un parquet vieux et grinçant. Elle peine à ne pas faire de bruit mais fort heuresement, la musique couvre ses pas.
Étant en complète improvisation, l'ombre continue et s'avance dans l'appartement. Elle arrive devant une porte cette fois-ci, ouverte. Elle aperçoit une femme couverte de tatouages à genou devant un homme qui a les yeux bandés, en caleçon et dans un état qui semble être proche de la trans.

Pensant interrompre un moment intime, l'ombre se glisse discrètement derrière la jeune tatouée.
De plus près, elle remarque que le visage de cette fille parait presque reptilien. Des grandes écailles tatouées aux couleurs cuivrées remontent le long de son cou et enveloppe l'entièreté de son buste et de ses bras. Son regard est figé dans l'entre-cuisse du gaillard avachie sur sa chaise.
L'ombre s'avance tout en continuant d'observer.

Elle observe les mains fines de la tatoueuse en train de tenir le pistolet à encre et inlassablement, répéter les mêmes gestes de va et vient. Un visage de Dieu nordique semble prendre forme sur la peau.
L'ombre, comme un spectre invisible, reste silencieuse mais son oreillette grésille subitement.

Bouge toi ! Ça remue dehors !

L'ombre extirpe alors un revolver.
Elle tape sur l'épaule de la jeune tatoueuse et lui fait signe de demeurer silencieuse. Mais pas vraiment surprise ni intimidée, même avec une certaine condescendance, la tatoueuse jette son pistolet à encre, se recule les mains levées et quitte discrètement la pièce. L'homme, toujours affalé, transpire abondamment et semble être sous substance.

À nous deux espèce de connard...

Lentement, l'ombre attrape deux grands poignards soigneusement harnachés à sa ceinture puis, d'un geste sec, enfonce profondément les lames dans les genoux de l'endormi.
Même la musique ne réussit pas à masquer le bruit des os qui se fendent tandis qu'hurlement strident surgit aussitôt.

AAAAAH !

L'homme se redresse et arrache le bandeau qui enveloppe ses yeux mais la douleur est si intense et si puissante, qu'elle le tétanise sur place. Le sang coule à flot sur ses mollets et commence à se répandre en grande quantité sur le vieux parquet.

AH ! C'est quoi ce bordel ?!

L'ombre laisse alors glisser son grand manteau noir.
Sa longue chevelure rousse se déploie et son regard, d'un vert puissant et étincelant, observe malicieusement l'homme qui agonise.

Ding Dong ! s'exclame Hélène révolver à la main.

À LA TÊTE DU CARTEL : IIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant