Chapitre 16 : Thysen

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— Lluliana ! je hurlai en la voyant tomber à genou.

Sans hésiter, je me précipitai vers elle. Des bras essayèrent de me retenir. Je traversai cette zone fraîchement dénudée de ses pavés et gravis le monticule. Je trébuchai sur les pierres instables. La tête de Lluliana heurta violemment le sol. Avant que je ne sois à côté delle, une flaque de sang sétait formée. Mon monde se réduisit soudainement à ce corps inconscient et ce liquide chaud qui me terrifiait.

— Bien ! Maintenant que cette gamine a fini de faire des bêtises, cria Elofy, reprenons là où nous en étions.

Des cris accueillirent ses paroles. Dans mon dos, jentendis notre armée se préparer à la confrontation. Je soulevai le plus délicatement possible Lluliana afin de lemmener ailleurs quau centre de cette bataille. Je redescendis avec difficulté des pavés. Je pressai le pas, sentant que quelques secondes uniquement nous séparaient du chaos. Puis

— Stop !

La voix de Nahnko résonna dans la rue, je sentis de la peur dans son cri. Je fis volte-face, craignant le pire. Mais je ne mattendais certainement pas ce qui se déroulait sous mes yeux. Un jeune homme avait pris la place que Lluliana avait occupée. Là où elle sétait révoltée. Effrayée par lidée de blesser un civil, notre armée sétait arrêtée nette, nos ennemis ne laissèrent rien paraître, pas même de la surprise. Le garçon fut rejoint par une femme, encore une, un vieil homme, deux adolescents. Le mur de pierre devint mur dhommes et de femmes. Cette vision me donna la chair de poule. Lluliana avait créé une révolte. Ce nétait plus les mercenaires qui disaient ce que ces gens voulaient ou ne voulaient pas. Ce nétait plus non plus la famille royale. Le peuple parlait enfin en son nom. Il hurlait même. Il hurlait quil ne voulait pas de cette guerre. Hurlait aux guildes dabandonner, de laisser leurs concitoyens vivre en paix, sans attaques menaçant de surgir à chaque coin de rue et à toute heure. Si je navais pas ma femme se vidant de son sang dans les bras, je serais resté assister à la suite des événements. Il fallait cependant que je fasse soigner Lluliana, et vite. Je me glissai dans les rues qui commençaient à se remplir. Les portes des maisons étaient grandes ouvertes déversant leurs propriétaires. Je neus à mon grand soulagement pas de peine à traverser la foule, elle sécartait en reconnaissant celle qui avait levé sa voix pour elle.

Je rejoignis linfirmerie du palais. Elle était vide.

— Docteur Herz ! Docteur Herz ! Il y a quelquun ? Sil vous plaît ! Jai besoin daide ! Docteur Herz ! Doc

Je me tus en voyant une figure passer dans lentrebâillement de la porte du fond. La vieille femme écarquilla les yeux à la vue qui soffrait à elle. Je clignai des yeux et elle était partie. Je me rapprochai dun lit et y déposai Lluliana. Non loin, un chariot comportant du matériel médical navait pas été rangé. Je fouillai dans ses tiroirs jusquà dénicher de quoi retenir le sang. Je grommelai en me penchant au-dessus de ma femme. Ses cheveux étaient poisseux, son visage rouge et même si cela ne se voyait pas, je savais que ses habits étaient gorgés de son sang.

— Laissez-moi faire, prince Thysen, mordonna le docteur Herz en poussant brutalement la porte qui alla marquer le mur.

Je fis quelques pas en arrière. Javais envie de lui hurler de se dépêcher dagir au lieu de regarder minutieusement le corps inconscient. Je me retins, sachant quil savait ce quil faisait, quil soignerait Lluliana. Écouter cette partie rationnelle de ma conscience était dur. Deux femmes entrèrent. La première était celle que javais vue glisser la tête par lentrebâillement de la porte, courbée, elle poussait un chariot plus gros que celui présent. La seconde, je la connaissais : Varianne. Elle était la chirurgienne du palais. Un lit sur roulette était poussé par ses longs bras maigres.

La couronne d'EdymontOù les histoires vivent. Découvrez maintenant