Narcissia { Tome 1 }

Chapitre VINGT-TROIS : June

Le bus se place devant nous, et Jonas me laisse passer devant, comme toujours.

Je suis mal à l'aise, j'ai peur de sa réaction, j'ai peur de l'avoir fait espérer jusqu'au bout.

J'avance droit devant, hésitant, je ne sais pas quel siège choisir. Dois-je changer mes habitudes ? Dois-je l'obliger à s'assoir plus loin de moi ?

Je ne sais pas, j'ai tout simplement peur de le blesser.

Tout compte fait je m'assieds au même endroit que d'habitude, et Jonas fait de même. Je me lance la voix tremblotante et anxieuse :

- Tu te souviens ? ... Tu sais ? Tu m'avais proposé ... Aujourd'hui tu ...

Je n'arrive pas à finir mes phrases et chacune d'elles se brisent dès le début.

- Ha oui ! C'est vrai, tu as réfléchis ? Me dit-il les dents bien apparentes signifiant un sourire sincère.

- Je me disais que peut-être, on pourrait passer encore un jour au collège, histoire de dire au revoir à tout le monde.

J'avais hésité à dire ça, et maintenant je regrette, je n'ai toujours pas osé lui dire la vérité.

- Je ne peux pas, June. Il faut vraiment que je parte... Tu viens avec moi ?

- Jonas, je... Je ne peux pas... Ma famille, mes amis... Tu vois ? J'espère que tu comprends ?

- Dans ces cas-là, autant que je parte tout de suite, au revoir June. Tu as vraiment été une très belle rencontre et je ne t'en veux pas, loin de ça (il bafouille) à peut-être un de ces jours, on ne sait jamais !

Il prend son sac et le laisse glisser par la fenêtre à l'extérieur, avant de s'écrier :

- Arrêtez le bus ! Je descends (il tourne sa tête vers moi), je t'aimais bien June...

Il empreinte l'allée du bus et le véhicule s'arrête en ouvrant les portes. Celui-ci redémarre et j'aperçois Jonas, mettre son sac sur son dos et partir au loin.

Je me demande si je n'y serais pas allée un peu trop fort, j'aurai dû attendre d'être arrivée au collège pour lui dire.

Une larme glisse sur ma joue, et je l'enlève aussitôt avec la paume de ma main.

- Stop ! Je descends aussi ! Criai-je.

- C'est la dernière personne que je fais descendre de ce bus ! C'est bien compris ?

- Oui, je fais vite.

Je saisis mes affaires et cours jusqu'à la sortie :

- Merci, m'écriai-je alors que le bus roulait déjà.

Je me demande où à bien pu se diriger Jonas, je fais marche arrière. Après avoir marché 3 minutes je me rends compte que je ne me déplace pas assez vite pour rattraper Jonas, alors je cours. Mon sac m'encombre alors je le jette par-dessus une haie, il ne me sera plus d'aucune utilité si je vais vers " l'inconnu ".

Mon cœur bat à tout rompre et mes poumons vont bientôt lâcher lorsque j'arrive à l'endroit où s'est arrêté Jonas. Dans le bus j'ai cru avoir réagi à peine 10 secondes après alors qu'à pied j'ai l'impression d'être sortie 20 minutes après Jonas. D'ailleurs, celui-ci n'a pas bougé d'un poil, c'est comme-ci il savait que je reviendrais, comme-ci il l'avait toujours su. Je m'avance vers lui, l'expression de mon visage doit sûrement montrer de l'amertume, pendant un instant il me dégoûte. Il avait choisi son discours bien avant que cette scène ne se produise, il savait. Je ne sais comment, mais il savait tout !

- Tu m'as attendu ? Lui lançai-je.

- Qu'est-ce que tu racontes ? Comment j'aurai pu savoir ? C'est juste que je ne sais pas où aller. Et maintenant qu'est-ce que l'on fait ? Tu viens avec moi ou tu sèches les cours ?

- Eh bien j'ai envie de dire que si je viens avec toi, je sèche aussi les cours donc je vais te répondre : les deux (j'affiche un petit sourire narquois à la fin de ma phrase).

Nous savons tous les deux où aller désormais, du moins jusqu'à ce que notre première "mission" soit accomplie : DISPARAÎTRE.

Jonas et moi allons vers ma maison, il faut que je récupère quelques affaires et je regrette déjà mon sac de cours qui aurait fait grandement l'affaire pour mettre des vêtements ainsi que de la nourriture et quelques objets. Il m'attend à l'entrée et j'entre sans faire de bruit malgré qu'il n'y ait personne à cette heure-là. Je me tâte à déposer un mot pour ma famille, mais il faut mieux que je disparaisse sans laisser d'indice. Je laisse mon téléphone dans un tiroir, au cas où il serait pisté, j'ai envie de dire : on ne sait jamais. Après avoir pris le nécessaire, c'est à dire, lampe de poche, allumettes, etc., je rejoins Jonas qui est impatient de partir. Il dit que plus vite on partira, plus on sera loin lorsque l'on nous cherchera.

Alors je le suis, il est 8h30 et bientôt le collège appellera mon père, mon tuteur légal, pour le prévenir de mon absence. Il faut donc partir au plus vite, pour que jamais ils ne nous rattrapent. Je ne sais pas ce que fuit Jonas mais moi, je fuis la police. Je ne veux pas retourner chez ma famille maintenant, je veux explorer le monde.

Après un long silence, Jonas me demande :

- Tu es sûre ? Tu sais, on peut faire demi-tour si tu veux, tu n'es pas obligée de me suivre. Je ne sais même pas où l'on va.

- Je sais ce que je fais et je viens avec toi. Lui dis-je droit dans les yeux.

Je suis déterminée et l'adrénaline qui coule dans mes veines m'empêche de prendre peur pour le moment, je n'ai jamais fugué mais il y a une première fois à tout et cette première fois est avec Jonas.

Nous marchons à bonne cadence mais l'idée de prendre des vélos pour aller plus vite me vient à l'esprit, cette pensée se disperse aussitôt quand je sens la main gauche de Jonas glisser dans la mienne, je fais un petit sursaut discret car je suis surprise et sûrement que le rouge me monte aux joues mais je suis bien, comme apaisée et sereine. J'aimerai que ce moment dur des heures et je presse un peu plus sa main pour lui transmettre ma plénitude. Mon cœur n'a jamais battu aussi fort qu'à ce moment précis, et une chaleur tropicale m'envahit. Je suis libre...