Chapitre 39 - Asher

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J'étais en train de couper du bois, mon entrainement quotidien, histoire de rester en forme, et je l'ai vu avec sa petite robe framboise, son allure juvénile, sa grosse valise qu'elle peinait à tirer, j'ai trouvé qu'elle avait perdu du poids mais elle était toujours incroyablement belle. Franchement je n'y croyais pas, j'ai même pensé pendant un temps être victime d'hallucination, et puis elle s'est avancée vers moi et elle était bien réelle prête à corrompre mes pensées. J'ai fait tout ce que j'ai pu pour réprimer la colère que son culot a fait monter en moi.

Je savais que Ezra finirait par vendre la mèche tôt ou tard. Je ne me suis pourtant pas préparé à cette éventualité et maintenant qu'elle est là, c'est compliqué. J'ai fait le choix et il m'appartient, de vivre reclus, c'est une punition difficile mais jusqu'à aujourd'hui je l'ai toujours accepté. Il a fallu seulement quelques minutes face à elle pour que ma forteresse s'effondre. Les barrières que j'avais mis des mois à ériger autour de mon cœur ont subi le même sort. On croit être maître de son destin, on fait des choix parfois incompris, mais ce qui est sûr, c'est qu'on n'est pas maître de ses émotions.

Elle est restée à peine quelques minutes auprès de moi et a réussi à semer le trouble dans ma tête et dans mon cœur. J'aurais pu la laisser filer, ce qui aurait été plus sage, mais je n'ai pas pu m'y résoudre et me voilà assis par terre comme un con sous la pluie, la tête calée contre son dos, mes bras autour de son petit corps. Cette chaleur qui se diffuse en moi est comme un poison mortel. Je n'ai pas touché une autre femme depuis elle, et je suis en train de fondre comme neige au soleil. Cette sensation est si exquise que j'ai envie de chialer comme un gosse. D'un bras je la soulève, elle s'accroche à mon cou et de l'autre, je prends les restes de sa valise.

Une fois à l'abri à l'intérieur de ma cabane, j'attrape un vieux tee-shirt à moi et lui balance, elle le hume et s'essuie le visage avec puis le serre contre son cœur. Comme un doudou, elle ne le lâche pas.

_ Tu peux rester là cette nuit si tu veux, je te raccompagnerai demain matin sur la départementale où tu pourras appeler un taxi, ça ne capte pas ici. Je n'aie plus de voiture, après l'acc... après l'accident, j'y ai mis le feu. La douche et les toilettes sont derrière la cabane, ce n'est pas le grand luxe mais y a de l'eau. Pour le repas, il faudra se contenter du minimum, si j'avais su que j'aurais une invitée j'aurais prévu quelque chose d'un peu plus consistant.

Merde, je fais que jacasser, elle n'a pas encore prononcé un mot, elle me regarde mi- exaspérée mi-choquée.

Je commence à faire chauffer de l'eau sur ma vieille gazinière pour la cuisson des pâtes pendant qu'elle semble chercher des vêtements secs au fond de sa valise.

_ Je vais me doucher. Me prévient-elle.

Punaise ses mots dans sa bouche, je deviens dingue, je refrène mon envie de la rejoindre sous l'eau. Il faut que je me contienne, il faut que j'arrive à résister à cette tentation qui me prends aux tripes mais ma queue est plutôt entêtée et lorsqu'elle revient dans sa petite nuisette écrue, les cheveux mouillés, sentant la fleur de tiaré, c'est juste invivable.

_ Tu veux pas plutôt mettre un de mes vieux sweat et un short ?

_ Pourquoi ? Elle demande, crédule.

_ Parce que Lou, tu ne peux pas rester dans cette tenue, merde. Je m'insurge et je deviens grossier. Elle n'aime pas ça, elle a peur, je le lis dans ses yeux.

_ Parce que je te fais encore de l'effet, c'est ça ? Répond-elle avec une lueur d'espoir dans le regard. Elle est venue pour me reconquérir, je le sens, je le vois, alors que je fais tout ce qui est en mon pouvoir pour ne pas replonger. Elle est pire qu'une drogue. Si je flanche, c'est des mois à l'asile qu'il me faudra pour m'en sortir cette fois.

_ Ça n'a rien à voir avec ça, c'est juste que je n'ai eu personne...Lou, je n'ai eu personne depuis toi et je suis un mec bordel ! Honteux de lui avouer qu'il n'y a jamais eu plus personne après elle, je baisse la tête et ça m'arrange de ne plus avoir sa paire de nichons sous les yeux, ils étaient beaucoup plus petits dans mes souvenirs.

Je verse distraitement les spaghettis dans l'eau et me brûle.

_ Merde, fais chier. Je vocifère.

_ Tu t'es brûlé, laisse-moi regarder.

Elle enroule ses doigts autour de mon poignet et souffle dessus. Je m'écarte d'elle pour ne pas qu'elle voie mon tatouage mais c'est trop tard. Je me suis fait graver "Lou" à l'intérieur de mon avant bras. Elle l'a vu mais ne dit rien.

_ Lâche moi, fais pas ça.

_ Fais pas quoi ? Murmure-t-elle en s'approchant encore un peu plus près.

_ Ton petit jeu de séduction, ça ne marchera pas, tu t'es tapé ton petit bourge pendant trois ans, il t'a baisé des centaines de fois, il a exploré chaque centimètre de ton corps avec sa queue, ses doigts, sa langue et je ne sais quoi d'autres, alors s'il te plaît, ne joue pas à ça avec moi.

_ Alors on y est, tu oses me reprocher ça alors que c'est toi qui m'as mise dans ses bras, tu t'es barré, tu m'as abandonné quand j'avais le plus besoin de toi, si j'ai lutté dans ce lit d'hôpital, si je suis revenue à la vie, c'est uniquement parce que je savais que tu serais là pour me tenir la main à mon réveil, mais ça n'a pas été le cas, j'étais seule j'étais terrorisée, je voulais me rendormir à tout jamais. S'époumone-t-elle les yeux baignés de larmes.

Je voulais la sauver de moi mais si j'avais su que ça ferait autant mal et que j'allais vivre l'enfer sans elle, je serais resté à son chevet et je lui aurais tenu la main, j'aurais été là à son réveil et on n'aurait plus jamais été séparés. Je ne suis qu'un pauvre con, j'ai bousillé tout ce qu'on essayait de construire.

Et maintenant je suis censé faire quoi ? Je l'aime ça crève les yeux, je n'ai jamais cessé de l'aimer. J'ai peut-être fini par oublier le timbre de sa voix, l'odeur de sa peau, et la couleur de ses yeux, mais l'amour que j'avais pour elle, il ne s'est jamais estompé.

Elle enfouit son visage dans mon vieux tee-shirt pour ne pas que je voie ses larmes. La nuit tombe, j'allume les bougies et pose deux assiettes sur la table, des couverts et des verres. Ça prend tout de suite des allures de dîner aux chandelles, mais ça n'en est pas un.

J'ai qu'une seule chaise, je l'invite à s'asseoir, je vais chercher une vieille souche d'arbre dehors et prends place face à elle. Je me sens tellement minable, j'ai rien gérer.

Je n'aime pas sa façon d'exhiber sa bague de fiançailles, très certainement des diamants que je n'aurais jamais pu lui offrir.

_ C'est sympa chez toi. Minaude-t-elle.

_ Qu'est ce que tu veux Lou ?

J'ai réussi à rester zen jusque là, mais je savais que je finirais par péter un câble.

_ Pardon ?

_ Tu m'as très bien compris, qu'es-tu venue chercher ici ?

_ Toi. Dit-elle, les larmes aux yeux.

Putain ce n'est pas la réponse que j'attendais, elle est vraiment venue pour moi, elle ne me facilite pas les choses.

Parce que ce sera toujours toi !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant