Chapitre 3 - Lou

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J'avais beaucoup d'aprioris sur cette méthode de défense mais tout bien réfléchi, ça ne peut pas me faire de mal. Sur les conseils de ma mère, je me suis donc inscrite à 3 cours par semaine jusqu'à la rentrée, ce qui peut paraître beaucoup, mais une fois à Yale je n'aurais plus la possibilité de poursuivre l'entraînement, alors autant mettre toutes les chances de mon côté pour avoir une chance de savoir me défendre avant la fin des vacances. J'étais un peu réticente lorsque Asher m'a indiqué le prix du cours particulier, c'est pas donné et si ça ne tenait qu'à moi, jamais je n'aurais accepté de payer une somme pareille, mais mes parents ont insisté pour que je poursuive ces cours, peu importe le prix.

Je passe ma journée à jouer au Monopoly avec Eliott qui trouve les vacances interminables. Cette année nous ne partons pas, papa est sur une grosse affaire et son client a exigé qu'il reste dans le coin. Contrairement à Eliott je ne m'ennuie jamais, je passe beaucoup de temps à lire, à écrire, à dessiner, à peindre, je peux rester des heures assise dans un parc à observer le ciel et ce qui se passe autour de moi, c'est une véritable source d'inspiration, j'ai toujours mon carnet de dessin sur moi et griffonne tout ce qui me passe par la tête. Je suis bénévole dans un centre qui sert des repas aux sans-abris. Deux soirs par semaine, je fais le tour de Boston pour essayer de distribuer du bonheur autour de moi. Je participe autant que je le peux aux événements encadrés par la paroisse de mon quartier.

Tout ça est bien peu, j'aimerai faire davantage et me consacrer entièrement aux gens dans le besoin, mais mes parents ne voient pas ça d'un bon œil. Ils m'ont imposé certaines limites.

J'ai conscience qu'une fois à l'université j'aurais beaucoup moins de temps à accorder aux autres, alors je profite de ce dernier été pour me rendre utile. Le soir venu, j'enfile une robe longue, une paire de sandales et détache mes cheveux.

_ Tu ne dînes pas avec nous ? C'est une question et une affirmation à la fois. Ma mère sait pertinemment que comme tous les mardis soirs, je distribue des repas.

_ Quand tu rentreras on pourra regarder un dessin animé ?

_ Bien sûr Eliott.

_ Tu es la meilleure des sœurs.

_ Merci mon petit cœur.

_ Sois prudente ! S'exclament mes parents en chœur.

Avec ce qu'il m'est arrivée il y a trois ans, mes parents ont toutes les raisons du monde d'avoir peur, moi-même j'y pense continuellement et j'ai du mal à faire confiance, mais ça ne m'empêche pas d'aller de l'avant et de continuer à vivre comme avant.

Le van de Jake est plein à craquer, nous allons encore faire des heureux ce soir. Même si c'est l'été et qu'il fait chaud, on a tous besoin de manger et je suis contre ceux qui pensent que les repas doivent être servis seulement durant l'hiver. Jake est le président de l'association pour laquelle j'œuvre depuis plusieurs années, je ne sais pas grand-chose de lui car il reste très discret, je sais juste qu'il a hérité à la mort prématurée de ses parents, qu'il est en possession d'une petite fortune et qu'il en fait profiter beaucoup de monde autour de lui.

_ Comment vas-tu Lou ?

_ Ça va, j'ai commencé les cours de Krav-maga ce matin comme tu me l'avait conseillé et bien figures toi que ça m'a l'air pas mal du tout. Ce qui est bien, c'est que j'ai une marge de progression énorme.

Jake connaît mon dés-engouement pour le sport en général, alors ça le fait rire.

_ Je suis fière de toi, je serai rassuré de savoir que tu peux te défendre si le besoin se fait sentir.

_ J'en suis encore loin, mais d'ici la fin de l'été, j'espère bien me mesurer à toi, on pourrait organiser un combat de rue, qu'est-ce que tu en dis, ça ferait de l'animation.

_ J'en dit que tu es complètement folle, tiens attrape donc ce plateau.

Ce soir je suis la seule à avoir répondu présente, beaucoup sont partis en vacances. Nous allons mettre plus de temps à livrer les 150 plateaux-repas.

Alors que Jake part dans la ruelle de gauche, j'emprunte celle de droite, il y a toujours les mêmes personnes qui prennent racine aux mêmes endroits et à force, on finit même par connaître le prénom de certaine personne plus apte à communiquer que d'autres qui préfèrent rester dans le mutisme, par pudeur ou par honte.

Alors que je marche tranquillement sur le trottoir, un type me percute et le plateau que je tente de retenir par tous les moyens s'écrase sur le sol. Je m'agenouille aussi vite que possible mais le bol de salade s'éparpille sur la route ainsi que le reste du repas, seule la coupelle de fruits résiste.

Je me mets à crier sur le type qui semble n'en avoir rien à faire. Il s'excuse et tente une minable tentative de drague en m'invitant à boire un verre. Je refuse bien entendu, consciente qu'il l'a fait dans l'unique but de me ridiculiser devant ses amis, pourquoi voudrait-il être vu en présence d'une fille comme moi ? Jake arrive à ma rescousse, il croit que je me suis faite importunée, mais ce n'est pas le cas. Je me relève pour partir quand parmi eux je reconnais mon professeur de Krav-maga, le ténébreux Asher ATKINS, je l'interpelle comme je l'aurais fait avec n'importe qui, mais il fait comme s'il ne me reconnaissait pas, alors que je suis certaine qu'il m'a bien vue. Une part de moi est un peu déçue, et pour être honnête, j'aurais préféré que ce soit lui qui m'invite à boire un verre plutôt que son collègue, mais ça, c'est le genre de truc qui n'arrivera jamais.

Parce que ce sera toujours toi !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant