Chapitre 1

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Six ans plus tard, presque sept.

Elijah

- Tu ne penses qu'à toi. J'ai l'impression de ne pas exister à tes yeux !

Le bruit de ses talons cogne le carrelage en damier, je me demande si elle va finir par s'enfoncer dans le sol à force de tourner comme une toupie.

- Elijah ! Est-ce que tu m'écoutes au moins ?
- Oui, je t'écoute.
- Mais tu t'en fous, c'est ça ? Je ne peux pas continuer comme ça.

Je hoche les épaules sans répondre, c'est évident, pas besoin de le formuler. Ma bouteille d'eau infusée aux concombres et au citron dans la main, j'en bois une longue gorgée. Ouais, régime strict depuis que j'ai légèrement déconné avec un coma éthylique. Lina me fusille du regard. Elle a tout pour elle, un corps en forme de sablier, des courbes digne des meilleurs terrains de cross, de long cheveux noir et des yeux en amande aussi sombre que ses cheveux. Son teint mate rehausse le tout, et le fait qu'elle soit actrice porno, ça rajoute un certain truc en plus.

- T'as tout ce que tu veux, qu'est-ce qui te faut de plus ?

Elle s'arrête de faire la girouette, et plonge son regard sombre, rehaussé d'un trait de liner, sur moi.

- Toi. Ça fait quatre mois qu'on se fréquente. Tu es présent physiquement, mais pour le reste, tu es un fantôme.

Sa façon de rouler les "r" quand elle s'énerve me fait sourire. C'est peut-être ça qui m'a fait tiquer sur elle, ou sa poitrine absolument divine. Je sais plus.

- Tu savais à quoi t'attendre. Je t'ai rien promis.
- Ça ne me suffit pas. Je veux dormir avec toi, dans ton lit.
- Tu t'en remettras.

Un bruit de verre cassé, et elle se met à jurer en espagnol. Encore une crise qui me brise prodigieusement les couilles.

- Vete a la mierda, gilipollas !*
- À toi l'honneur. La porte est là-bas, je te retiens pas.
- Tu finiras tout seul, sombre merde !
- Ouais, et c'est pas dommage.

Dans un déluge de claquements de talons et d'insultes, elle part en hurlant. Je termine ma bouteille détox à la con sans sourciller. Ça ne sera pas la dernière à claquer la porte en partant, je vais peut-être mettre un système de tickets à l'entrée. Suivante ! Linus débarque avec sa nonchalance habituelle, ses yeux verts rétrécis par son manque de sommeil.

- Encore une qui a cru que t'allais lui passer la bague au doigt ?
- Un truc comme ça. Mal dormi ?

Il soupire avant de se servir un café et de me regarder de biais. Il est l'heureux propriétaire d'une boîte de films X.

- J'ai pas dormi tout court. Arrête de sauter mes actrices, elles sont franchement casses couilles après.

Je hausse les sourcils avant de rire. Toujours le même qui trinque, rien ne change, c'est formidable.

- J'y peux rien si elles me courent après, change de taf si ça te gonfle.
- Que tu leur pètes les reins, je m'en fous. Mais bordel de merde, c'est moi qu'elles soûlent pour te revoir. Bourreau des cœurs.
- Nan, casseur de cul, mélange pas tout.

Il secoue la tête en riant, sachant pertinemment que je ne fais de promesses à personne, et que je donne rien de plus que du cul. Elles le savent toutes, mais elles se persuadent qu'elles pourraient me sauver. Des Mères Teresa du sexe, en quelques sortes. Mais je reconnais qu'elles y mettent du cœur à l'ouvrage pour la cause. Un mérite trop sous-estimé.

- Je vais te casser le tien si t'es pas à l'entraînement dans deux minutes, trou du cul !

La voix de mon vieux claque dans l'air comme un fouet. Ses cheveux sont devenus poivres et sel, des rides en plus, mais toujours le même tempérament de bourreau. Il est encore pire depuis que j'ai failli y passer, j'imagine que c'est le prix à payer pour rester au sommet. Ou alors, c'est qu'il est sacrément sadique.

Au creux de NousOù les histoires vivent. Découvrez maintenant