Suki
Six semaines. Et comme si le fait qu'elle ait le cœur complètement en ruines ne suffisait pas, cette salope lui a renvoyé ses affaires une par une. Ses vêtements ont été déchirés, ou brûlés, ou trempés de javel. Si ce ne sont pas les trois en même temps. Toutes ses pièces d'identités ont été rendues en pièces détachées, même ses cartes bancaires. Je ne parle même pas de son téléphone et de son ordinateur portable. Yuna les a reçues une par une, tous les jours pendant trois semaines. Et elle n'a rien dit. Absolument rien. Elle s'est contenté de hausser les épaules et faire des listes de choses à faire.
Je sais que ma relation avec ma petite sœur ne sera plus jamais comme avant. Je le sais. Mais voir une parfaite pouf prendre du plaisir à lui arracher les tripes, morceaux par morceaux, commence très sérieusement à me taper sur le système. Il n'y a qu'une connasse sans cœur ici, et c'est moi. Pour qui elle se prend ? Elle a déjà tout, c'est une Taylor, la femme d'Elijah, par-dessus le marché. Rien que d'y penser, mon cœur s'accélère sous la colère. Je ne vais pas la laisser continuer son petit manège bien longtemps. Personne n'a le droit de traiter ma petite sœur comme ça. Personne.
Ce qui est admirable, c'est la façon dont Yuna fait face. Son manteau froid la couvre comme une seconde peau, ne laissant rien transparaître. Compte tenu du fait qu'elle doit le voir tous les jours pour ce stage, j'imagine qu'il est nécessaire pour elle de garder la face. Sa fierté. En aucun cas, elle ne se serait dédouanée. Elle le fait si bien qu'il est absolument transparent, elle l'ignore tellement fort qu'il doit douter de sa propre existence. Avec l'ego qu'il a, ça doit être une torture. Cela dit, je ne sais pas s'il joue très bien la comédie ou s'il est vraiment amoureux de cette radasse. Toujours collés l'un à l'autre, à se faire des câlins et se rouler des pelles en public comme des ados en rut. À vomir. Quand il ne passe pas son temps à frôler Yuna, à lui tourner autour pour qu'elle le remarque. Elle n'en fait rien, un mental incassable.
En plus de devoir se reconstruire, la tempête de merde qu'elle a pris en pleine tête avec les réseaux sociaux qui la traite de "briseuse de ménages", pour les uns, et ceux qui adulent le couple qu'elle formait avec lui, oui, il y en a. Elle a cassé son contrat de travail avec l'hôpital, ne supportant plus que sa vie privée soit sur toutes les lèvres. Je me demande comment elle tient le coup, je serai probablement à l'asile à sa place. Elle a toujours été la plus forte de nous deux, en flanchant très rarement.
Et pourtant. Aujourd'hui, je devais lui déposer un portable tout neuf. Elle a pourtant failli péter un câble parce qu'elle n'arrivait pas à se commander un café. Rien à voir avec elle, la machine refusait tout simplement de coopérer. J'ai vu ses épaules se raidir avant de trembler, la goutte d'eau. Je ne suis pas la seule à l'avoir remarqué, lui aussi. Ce connard a beau lui faire les pires trucs, il n'arrête pas de la regarder. Si je le laisse l'approcher, elle va s'écrouler. J'attrape Yuna et l'emmène ailleurs, loin d'eux. Je ne les laisserai pas la voir comme ça.
Il me regarde comme si je venais d'apparaître, d'abord surpris, ensuite en colère. J'ai l'habitude des regards meurtriers, alors je ne me formalise pas. Je laisse le temps à ma petite sœur de sortir de cette foutue salle de sport, ralentissant le pas pour ne pas le laisser passer.
- Sérieusement, bouge Suki. T'es la pire sœur du monde, elle n'a pas besoin de toi. Vraiment pas.
- Oh ! Je suis sûre qu'elle apprécierait davantage ta personne. Celle qui a détruit tout ce qu'elle est. Vraiment. Tu comptes lui dire que tu l'aimes et que ce mariage n'est qu'une mascarade ? Bien sûr. Assume tes couilles, ta femme te regarde. Elle va adorer.
- Elle a besoin de moi, putain.
- Il fallait y réfléchir avant de l'utiliser comme une poupée gonflable. Va donc assurer à ta femme que tu l'aimes. Histoire que Yuna ne trinque pas de tes conneries. Encore. Elle n'a pas besoin de toi.
- C'est vrai que t'es irréprochable, toi. Tu voulais me sauter, rien que pour lui faire mal. Je n'ai pas oublié, elle non plus. C'est pour ça qu'elle t'a jeté sans se retourner.
VOUS LISEZ
Au creux de Nous
RomanceIl était une fois, il y avait une fin... Ce dernier tome commence six ans, presque sept, après les événements du dernier tome. - Six ans, c'est long, Yuna. - Ça dépend de quel point de vue on se place. - Du mien, pourquoi j'irai me faire chier avec...