Elijah
Évidemment, il y a eu des retombées sur le fait que je ne suis plus tout seul dans ma vie. Et je suis vivant, en un seul morceau. Parce que je suis un putain d'égoïste, je veux que le monde entier sache que c'est elle, ça sera toujours elle. Je m'en cogne du reste.
Yuna a beaucoup pleuré le soir-là. De joie, de peur, d'appréhension. Elle a ri aussi. Bordel, qu'est-ce que je serai capable de faire pour l'entendre tous les jours. On revient de loin, de tellement loin. Et je crois qu'il fallait qu'on se détruise mutuellement pour mieux se reconstruire. Oui, c'est complètement tordu. Mais, si on n'avait pas vécu le pire, elle et moi, si on n'avait pas touché le fond à en crever de douleur. Est-ce qu'on aurait pu se retrouver ?
Elle pardonne beaucoup, elle a un cœur énorme, je suis tout l'inverse. Je ne pardonne pas ou peu. Mon cœur est à elle, même s'il est beaucoup plus petit, il brûle. Et là, j'entends la voix de ma mère me dire "je te l'avais dit !".
Je ne croyais en rien, je ne faisais confiance qu'à moi. Je détestais le monde entier, mais je me détestais encore plus. Incapable de fonctionner correctement. J'étais un trou du cul sans cœur et sans regrets. J'étais le mec qui en avait strictement rien à foutre des conséquences. Je blessais les gens, j'en étais content. Pire que ça. Une satisfaction malsaine. Ils l'avaient mérités. Tous. Briser des os, des vies. Qu'est-ce que ça pouvait bien me foutre ? Quoique je pouvais faire ou dire, histoire de sentir toute la haine que je me dédiais. Rien que pour moi.
Il n'y avait rien à sauver chez moi, je préférerais me haïr avec un entêtement qui côtoyait doucement la folie ou le masochisme. Mon ego, mes pêchers étaient les seules choses que je choyais. J'étais quelqu'un qui n'était personne. De toute façon, je ne voulais pas d'amour. Je voulais être haï. Être la pire personne au monde. Me faire souffrir encore et toujours, c'était mon but premier. J'étais obnubilé par ce mal de merde qui me rongeait comme une tumeur, s'étendant petit à petit dans mon corps, dévorant mon âme au passage.
Ma famille était un repère, ils m'en foutront plein la gueule s'ils m'entendaient balancer tout ce que je n'ai jamais dit. J'étais mort à l'intérieur, il n'y avait rien à sauver. Pourquoi s'acharner à vouloir me sortir de là quand j'y plongeais la tête la première ? Tabasser des mecs, briser des cœurs, casser des culs, et m'exploser le crâne pour ne plus m'entendre penser. Une routine adoptée et approuvée par votre serviteur. Une folie sourde. Une danse de destruction. J'existais parce que j'étais le meilleur dans tout ce que je faisais. Ouais. Je me haïssais encore plus pour ça.
Je ne croyais en rien, j'étais perdu dans cet océan d'abîmes. Et si je croyais me noyer, ce n'était rien avant de croiser les iris glacés de cette fille. Ce jour-là, elle nous a tenu tête. À nous, les grands méchants loups. Bordel, elle crevait de trouille. Trempée, ses cheveux dégoulinants de pluie, à tenir mon cousin en respect. Si on ne l'avait pas vu faire, je suis certain qu'on l'aurai pas cru. Même quand elle a fracassé la mâchoire de mon frère, j'ai halluciné. Littéralement.
Je ne sais pas si je l'admirais ou si je la haïssais à ce moment-là. Tout ce que je sais, c'est qu'elle avait foutu ma journée en l'air. La colère a pris le dessus sur tout le reste. C'était le sentiment que je connaissais le mieux à cette époque. J'étais tombé sur un os, le jour-là. Une putain d'épine dans mon pied. Il fallait qu'elle paye. Il le fallait, pour que je puisse trouver le repos un instant.
C'était une idée de merde. Plus je la fréquentais, plus je me sentais un peu moins lourd. Un peu moins dégueulasse. Elle avait le cran de m'envoyer me faire foutre avec une facilité déconcertante. Un trait de caractère qui m'a rendu fou de rage. Au début. Je ne supportais pas qu'on me foute le nez dans ma propre merde. Je savais où j'étais, pas besoin qu'on la retourne.
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Au creux de Nous
RomantizmIl était une fois, il y avait une fin... Ce dernier tome commence six ans, presque sept, après les événements du dernier tome. - Six ans, c'est long, Yuna. - Ça dépend de quel point de vue on se place. - Du mien, pourquoi j'irai me faire chier avec...