Chapitre 3

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Elijah

Putain. La nuit a été à chier, tellement nulle que j'ai viré la brune que j'ai choppé. Bordel, qu'elle était chiante. Je vois déjà un psy, j'ai pas besoin qu'elle me pose des questions sur ce qui se passe dans ma tête. Et pis quoi ? Elle voulait peut-être que je lui livre mes secrets ? Que je lui dise que j'ai eu une enfance malheureuse pour comprendre pourquoi je ne veux pas d'elle ailleurs que dans un plumard ? Loupé.

Il fait encore nuit, et l'avantage de vivre dans un manoir, c'est que je croise personne. Seul avec moi-même et cette envie irrépressible de taper sur quelque chose. Mais je le fait pas. Il paraît que les cours de gestion de la colère doivent me servir à me contenir. Conneries. C'est qu'une question de mental si décider ou pas de foutre mon poing dans la gueule à quelqu'un est légitime ou non. Sauf sur un ring. Là, j'ai le droit.

Je laisserai l'amabilité de Ruby la foutre dehors, elle a le truc en plus que j'ai pas, le tact. Faut bien un juste équilibre. Et j'ai autre chose à foutre aussi, j'ai un match à gagner. Encore une journée où votre serviteur va combattre pour la prospérité et je suis le champion du monde poids lourds de boxe thaïlandaise doublé de celui de boxe anglaise. C'est que j'ai bossé ces dernières années. Quatre-vingt douze kilos au compteur, que du muscle et plus d'encre sur ma peau aussi. Plus de ma personne en fait.

- Fils, amène toi.

Mon vieux est mon entraîneur officiel, en plus d'une équipe complète à mon service. Je vire mes écouteurs, Tan donne les instructions au kinésithérapeute pour les massages. Il prend que des mecs parce que ça le gonfle que je me tape tout ce qui bouge. Je ne vois absolument pas où est le problème. Elles me détendent, je fais pareil. Un excellent échange de procédé, tout le monde y gagne. Connard.

- Tu te sens comment ?

Les yeux lasers de l'ancêtre me scrute avec autant d'attention qu'une poule sur ses œufs. J'ai eu dû mal à m'y faire, maintenant c'est une routine que j'aime bien. Je hausses les épaules.

- Ça va. Je compte repartir avec mon titre.

La cérémonie va commencer, c'est ce que je préfère dans la boxe thaï. Tout est fait dans le respect des traditions. Massage thaïlandais à l'huile, les bandages et les gants et enfin le mogkon, le bandeau traditionnel qui apporte la chance, la force et qui protège des blessures et des dangers. Au tout début, je trouvais ça chiant comme la pluie, maintenant ça m'apaise. Fé m'aide à enfiler mon peignoir, il kiffe autant que moi les conneries traditionnelles. Un vrai gosse.

- Putain, à chaque fois que je te vois comme ça, j'ai la mi-molle. Tu portes bien ton nom, Jaël.

Comme je l'ai dit, j'ai tout changé. Sauf mon physique, je ne peux rien faire contre la perfection. Jaël veut dire dieu en hébreu, une évidence. Sachant qu'Elijah veut dire la même chose, je me dois d'être exceptionnel. Ça tombe bien, je le suis.

- Ouais. Tu peux me tailler une pipe, c'est riche en Oméga trois.
- Ta gueule. Tu gâches le moment, couillon !

La salle de Liacouras, à Philadelphie est pleine à craquer. Dix mille places, toute prises en même pas une heure. Le grondement de la foule devient plus fort quand la musique d'entrée de mon adversaire retentit dans les enceintes. Et je fais le vide. Seul le ring compte. Le silence total revient et mon nom est sur toutes les lèvres, comme une seule voix, le grondement "Jaël" monte en puissance. Concentré et déterminé les premières notes de mon entrée résonne et l'explosion des voix qui chantent dessus me colle le frisson. Meilleure sensation du monde.

J'avance sur la rampe qui mène au ring, les bras tendus de chaque côté pour saluer la foule en liesse. Une sorte de communion avant de passer aux choses sérieuses.

Au creux de NousOù les histoires vivent. Découvrez maintenant