30. Lui

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Le taxi me dépose à l'entrée de ce qui me semble être un chemin qui fut sûrement autrefois une route.

Je perçois ici et là des morceaux de bitumes entre la végétation qui a repris ses droits sur la civilisation et les traces fraîches de sa voiture. Elle m'avait déjà parlé de cet endroit mais je m'en étais fait un tout autre schéma.

Le calme et la sérénité qui s'en dégage sont au-delà de ce que mon imagination aurait pu créer. Je comprends maintenant son enthousiasme lorsque nous en discutions.

J'avance lentement sur quelques mètres puis me stoppe lorsque mon regard tombe sur une petite clairière bordée de falaises.

L'odeur du sel et le vent qui balaient les herbes hautes sont un spectacle grandiose que mon œil de photographe capture instantanément. Mes doigts me brulent ne pas avoir mon appareil, les clichés auraient été fantastiques.

J'observe religieusement chaque mouvement, chaque détail comme si mes yeux étaient mon objectif. Le vent fouette mon peau, entraînant dans son sillage des odeurs de vacances de mon enfance.

Je stoppe ma contemplation lorsque je la vois, elle. Celle que je suis venu chercher, reconquérir peut-être.

Elle est assise sur ce qui me semble être une pierre, le regard perdu sur l'horizon. Cette image aussi, j'aurais souhaité l'immortaliser, la capturer pour l'éternité. Montrer combien elle est belle les cheveux tournoyant au gré des bourrasques. Combien elle semble faire partie de ce décor magnifique, féerique, comme si tout ce qui l'entoure avait été créé pour elle.

Elle semble chez elle ici, paisible en apparence pour quelqu'un qui ne la connaît pas. Je sais qu'il n'en est rien.

Ses épaules voutées, sa tête légèrement penchée sur son épaule gauche sont des signes qui me démontrent le contraire. Je sais que son cerveau ne lui laisse aucun répit mais étrangement, j'ai la sensation que son malaise n'est pas dû qu'à nos déboires sentimentaux. Une certaine nostalgie se peint sur les traits fins de son visage.

Mon corps me crie d'aller la rejoindre mais mon esprit, lui, s'y refuse. J'ai le sentiment de ne pas être à ma place dans cette bulle où se mêle Passé et Présent.

Ce lieu représente un refuge, un terrain neutre où toutes ses pensées peuvent être dites, criées ou même tues. Je n'y suis pas le bienvenu, je ne le comprends que maintenant.

Je ne devrais pas être là. Je n'aurai jamais dû vouloir la retrouver ici et lui laisser ce temps qu'elle m'a réclamé.

Oui, j'aurais dû y réfléchir à deux fois avant d'entamer ce chemin. Comme un imbécile, la seule chose à laquelle j'ai songé, c'est de plaider ma cause auprès d'elle sans songer une seule seconde au reste.

Je me prends cette vérité en pleine face alors qu'elle comtemple l'horizon.

Je tends la main et la caresse virtuellement. Je redessine la cascade de ses cheveux, passe la pulpe de mes doigts sur son dos courbé et ferme les yeux.

Je veux savourer cet instant avant de partir.

Un frisson fugace m'étreint et comme si elle avait senti ma présence et mes frôlements, elle se redresse et scrute du regard les alentours. Je me décale afin de me fondre dans la végétation puis fais quelques pas en arrière.

La laisser sur cette falaise sera sûrement la chose la plus dure que j'aurai à faire en ce monde. La savoir si près et ne pouvoir la rejoindre est une torture.

J'aimerai tellement l'arracher à ce bout de rocher, redonner vie à ce regard perdu... Mais, je ne peux pas...

L'impression de l'espionner et d'entrer presque illégalement dans son intimité ne me quitte pas. Intimité qu'elle s'est créée, je ne dois pas l'oublier pour faire le point sur nous, sur eux et surtout sur elle.

À l'ombre d'une vieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant