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Dans sa tête, ça a le même effet qu'un marteau piqueur contre du goudron. Il a la désagréable impression d'être un rat, coincé dans ses canalisations, subissant les tremblements, les résonances et l'abrutissement de la machine qui venait percer son habitat.
Cette sensation de se faire trifouiller le corps et étriper les boyaux, sans rien pouvoir faire ou dire, et la désagréable impression d'être privé de tous ses mouvements, comme un oiseau pris en cage.

Il haïssait ça, il détestait se retrouver piégé comme un cobaye, à subir différentes tortures pires les unes autres, sans pouvoir se défaire de ses liens, et actuellement, c'était exactement ce qu'il ressentait.
Comme en cage, dans une boîte noire, sans fond et sans murs, à entendre les échos des voix et à sentir le piquant des aiguilles contre sa peau.

Il va finir par éclater, par hurler et se débattre.

Mais c'est ce téléphone assourdissant et redondant qui le force à ouvrir les yeux.

Ça lui était déjà arrivé auparavant, de s'endormir quelque part et de ne pas se souvenir, à son réveil, où il pouvait être. Mais ces fois là, c'était parterre, dans la rue ou dans une voiture qu'il ouvrait les yeux, mais aujourd'hui, c'était peut-être le lieu étranger le plus agréable dans lequel il avait atterri.

Il regarda longtemps le plafond, avant de cligner des yeux, sorti de sa rêverie.

Ses yeux voilés et fatigués passèrent sur les photos dans les cadres au dessus de la cheminée, et il ne reconnu d'abord pas ces visages. Ça lui semblait si irréel, comme s'il ne s'était pas vraiment réveillé et que son cauchemar n'avait fait que changer d'endroit.

C'était traître de le faire souffrir ainsi, de lui faire croire qu'il était dans une maison avec un toit, avec une famille qui y vivait et qui semblait heureuse. Il pouvait presque sentir la douce odeur de gaufres, le parfum d'une bougie à la rose et le vieux tissus. C'était comme chez son arrière grand-mère.

Cette vieille femme aux cheveux gris, qui souriait toujours et qui pouvait s'asseoir dans son fauteuil et fixer un point invisible pendant de longues minutes avant de remarquer la présence de quelqu'un.

Evan adorait Nelly. Elle était toujours gentille et généreuse, bien que parfois beaucoup trop collante et protectrice.
Ses bisous aussi poisseux que la langue d'une grenouille et sa peau aussi sèche que du papier étaient détestables, mais ses gâteaux gourmands, son incompréhension des réseaux, ses ronflements indiscrets et sa sourde oreille étaient ce qu'il y avait de plus drôle et de plus attendrissant chez elle.

Pendant les quelques années du reste de sa vie et du début de celle d'Evan, elle avait toujours été la chose la plus stable dans sa vie. Plus encore que ses propres parents, alors quand elle était partie, il avait eu la désagréable impression d'être devenu orphelin.

Peut-être que c'était à partir de ce moment-là qu'il avait commencé à être détesté de ses parents et qu'il avait commencé à devenir ce qu'il était à l'école, mais ce qu'il savait c'est que c'était à ce moment-là qu'il avait intégré l'équipe de football, qu'il avait enchaîné soirées sur soirées, avait testé tous les types d'alcools et de drogues et avait essayé de coucher avec le plus de filles possibles.

Putain, peut-être qu'il avait tué Allie Blake.

C'est ce qu'il se dit quand il se souvint pourquoi il était là.

Son premier reflex fût de relever la tête, et de soulever le pansement rougeâtre qui entourait son abdomen.

Il regretta immédiatement son geste et laissa retomber sa tête sur l'accoudoir, dans un sifflement de douleur. Putain, ce qu'il aurait aimé avoir de quoi faire taire les brûlures qu'il sentait à travers tout son corps, mais il était venu les mains vides, et...

Remember Me? (Buddie)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant