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Cinq mois plus tard...





Il regardait au loin, l'eau miroitante frissonner face au vent, le souffle frais du nord ondulant la surface transparente, qui était calme et reposée. Il faisait froid et le col de sa veste ne remontait pas assez haut dans son cou pour l'empêcher d'avoir la chair de poule. Alors il rentrait les épaules, et cachait son menton dans la laine de son manteau noir, les sourcils froncés et le bout du nez rougi. Ses poings étaient serrés dans le fond de ses poches, et ses pieds, coincés dans des baskets blanches, étaient collés au sol, laissant des empreintes profondes qui deviendraient des flaques d'eau dès que les premières gouttes de l'hiver viendraient arroser le sol.

C'était silencieux, et le bruit des moteurs, des passants et des klaxons avait disparu. Seul le bruissement des branches des hauts chênes et le craquement des brindilles qui chauffaient au soleil, résonnaient près du lac, et les oiseaux regardaient eux aussi au loin, leur regard porté sur l'horizon, qui était annonciateur de beau temps.

Il ne neigeait pas souvent ici, et il faisait bon en général, mais ces derniers temps, l'air s'était rafraîchi, et pour être honnête, Evan ressentait toujours ce froid caverneux en lui qui le faisait trembler. S'il pleurait, ce n'était pas la tristesse qui en était la cause, mais le picotement de l'air sec de Tokyo qui asséchait ses yeux.

Il ne portait pas de masque, parce qu'il n'en avait pas besoin. Il n'était que de passage.

Son avion avait atterri il y a quelques heures, et était encore en transfert, alors il avait juste le temps de rejoindre cet endroit, avant de retourner à Rio de Janeiro, où il avait laissé quelques unes de ses affaires en suspens. Il retournerait s'asseoir sur ce siège bleu en moquette, au milieu de l'appareil, et il enfilerait son casque audio, pour s'épargner la douleur d'entendre les hurlements d'un bébé ou les discussion en japonais des locaux.

Il ne mangeait jamais rien pendant ses trajets en avion, parce qu'il était bien connu que peu importe la compagnie, un sachet de dix grammes de cacahuètes salées valaient aussi cher qu'un kilo de foie gras de Noël ou un millésime de bas de gamme. Et les sandwichs en triangle, accompagnés d'une simple bouteille d'eau devaient être coupés à l'or.

Alors il profitait du transfert pour sortir de l'aéroport, pour marcher et s'aérer l'esprit le temps que les bagages changent de soute. Il n'en avait pas pris, en dehors d'un sac à dos qui renfermait un ordinateur, son casque et une plaquette de doliprane. Il avait hésité à prendre un sweat, et maintenant qu'il se tenait là, il le regrettait.

Tokyo n'avait jamais vraiment été une destination qui l'avait attirée, et il y avait un temps, peut-être qu'il aurait envisagé d'y voyager, pour le plaisir de la culture Japonaise, de la beauté des couleurs, de la nourriture aphrodisiaque et parce que les paysages étaient toujours plus impressionnants les uns que les autres. Mais maintenant, après tout, il n'avait plus envie.

Il se sentait comme une tâche au milieu du tableau. Il n'était pas à sa place, et il cherchait toujours où celle-ci pouvait se trouver.

Il déglutit et baissa la tête vers ses pieds, ses yeux s'accrochant au pétal blanc qui s'était déposé sur le dessus de sa chaussure. Il semblait que même le vent fort et persistant n'arrivait pas à la faire s'envoler, comme si elle s'accrochait au cuir, comme à un dernier souffle de vie.

Puis d'une vague de souffle, la fine pellicule blanche disparu.

Le violet et le dégradé de rose des fleurs hautes et fraîches qui reposaient tendrement sur la pierre grise, contrastaient hardement avec la solennité et la monotomie des petites pierres blanches et grises, aux reflets de marbres, qui jonchaient le sol entre les tombes plates, rectangulaires, rondes ou en forme de croix. Certaines étaient blanches, noires ou grises. D'autres étaient vertes, recouvertes de mousses et de moisissures. D'autres n'avaient plus d'identité, les noms recouverts par du lierre jauni et fané. La poussière, la terre et toutes les saletés qui volaient dans l'air s'étaient accumulées entre les rainures des dates et des prénoms, de ceux qui dormaient la depuis plus de ving saisons.

Remember Me? (Buddie)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant