« Maman, je t'en prie... Tu sais que je n'ai nulle part d'autre où aller, je n'ai que vous. Tu ne veux pas plutôt qu'on éclaircisse cette histoire autour d'un thé, comme nous l'avons toujours fait ?
- Tout ça était avant que je sache que mon fils est un monstre ! Il n'y aura jamais d'anomalies dans cette famille, jamais, et rien, personne ne changera mon avis ! Alors va t'en, Diable, si tu ne veux qu'un avertissement ! Va t'en et laisse-nous !
- M, maman, tu débloques... vous ne pouvez pas me faire ça. Je n'ai pas d'argent, ni de diplôme, ni de métier, que... qu'est-ce que je ferais seul ?
- Ce ne sont plus mes problèmes ! Prends ce sac, et démerde-toi ! »
La femme claqua la porte, contre laquelle Thomas se mit à supplier des minutes entières, jusqu'à la tombée du soir. Son père avait tiré les rideaux à œillets du vieux salon, le petit jardin d'hiver avait été verrouillé, les volets bleus de sa chambre fermés. Ceux de son aînée reposaient contre les briques peintes et blanches, quoiqu'on avait condamné la fenêtre à vantaux par une armoire de deux colonnes. Chercher une entrée était perdre son temps, même s'il fut encore mineur, dangereusement clément, grandement innocent, trop innocent pour le tout autre monde qui errait et chassait dans les rues. Pourtant le jeune homme fit l'irréversible, il passa son portail puis son quartier, essuyant rageusement les quelques larmes restantes sur ses joues. Il devait se maudire d'avoir levé le voile secret sur sa sexualité, lui qui avait toujours prédis leur intolérance. Il n'était plus caché dès lors où il n'avait plus rien, ni sous, ni famille, ni amis. Il s'était amené à sa fin.
Mais il avait cette force insatiable qui l'entraînait au-delà des bas-fonds. Il serrait son sac à bandoulière avec cette poigne sûre et ferme, s'engloutissait vivement dans Londres, cette immense antre du diable qui n'attendait qu'un rapide festin, qu'il servirait une fois prosterné par la famine et par la peur. Il avait cette ténacité traître, à cause de laquelle il ne voulait pas s'aider. Il rejetait les associations pour ces raisons, il savait qu'il y serait moqué pour son crime idiot, bénin, sans sang ni flamme, qui avait clamé l'amour là où d'autres avaient battus l'horreur, ses cris et sa misère.
Non, Thomas ne serait dépendant de rien, pas comme ceux agglutinés en file indienne devant une échoppe rarement généreuse, ni comme ceux qui jonchaient la rue, assoupis sur son macadam brûlant ou sur son tapis de gel, tirant la langue en priant la moindre goutte d'alcool chaude, pleurant l'absence de la drogue, l'unique ange qui tendait sa douce main.
Lui resterait cet homme juste, cet homme bon ; même si méprisé et abattu, il braverait le Grand Bouillard en prêcheur, là où d'autres auraient péché.
VOUS LISEZ
Une saison en enfer - Newtmas
FanfictionThomas, âgé de dix-huit ans, a été jeté à la rue par ses propres parents en raison de son homosexualité. Démuni, privé de toute famille, l'adolescent vagabonde dans les rues de Londres depuis plus d'une semaine. Un ou deux sous trônent au fond de sa...