Chapitre 12

339 25 27
                                    

Newton, ayant préalablement entrelacé leurs mains, dit encore de sa voix tendre, calme et rassurante, sentant les frissons de Thomas frémir contre les pores de sa peau : « Tout va bien, beau brun. La voiture n'est pas loin, nous pouvons rentrer quand nous le voulons.

- Je sais, amour... soupira-t-il en retour. Mais je ne peux pas m'empêcher de stresser, j'ai... un pressentiment.

- Tu ne risques rien, Tommy. Ce soir, nous serons à nouveau l'un contre l'autre, dans notre doux et grand lit. Rien ne changera.

- Bien sûr, oui, tu as raison... je dois à tout prix me calmer...

- Fais preuve de courage, chéri. Je suis près de toi, maintenant. Tu ne seras plus jamais seul, même face à eux.

- Je le sais, mon ange. »

Thomas posa un baiser délicat sur le coin de ses lèvres, berçant en lui leur neuf années d'extase, qui, justement, ne sauraient avoir une fin. Neuf ans, pensa-t-il. Il avait maintenant vingt-sept ans, Newton était sur le point d'atteindre les trente-trois. Il avait grandi, mûri, cela par les mains du vagabond qu'il n'avait pas quitté, pas même une nuit, et à qui il vouait la même intensité d'amour. Cela aussi par la bienveillance de Gally ; l'homme était ce qu'il y avait de plus beau, de plus simple, de plus sévère et en même temps de plus affectueux, et en même temps de plus fraternelle, et en même temps de plus intimidant. Il leur avait cédé la maison du vieil oncle pour une autre quatre ans plus tôt, au moment où il vit celle qui venait juste d'être sa femme, Rachel Waterhouse. Il lui avait permis de poursuivre ses études, après lesquelles il fut architecte depuis quelques mois, et avait aussi assuré celles de Newton, à ce jour psychologue dans l'hôpital de la ville voisine.
Il vivait l'impensable, l'inattingible, l'amour le plus loyal. Et le plus étonnant. Et le plus rêvé. Thomas le pensait. Car un aven s'était évidé par-delà leurs pieds, suivant lequel leur passé rongeait de vieux os. Un aven qui n'avait pas capitulé une fois embroché par les épées, chaudes et douloureuses, brandie par le même enfer dont ils avaient fait la connaissance lors d'une blanche jeunesse, couronnée par la gloire de l'innocence, que rien ne ramènerait jamais. Oui, ils avaient le bonheur. Ils avaient le parfait.
C'était pourquoi le présent ne préoccupait jamais Thomas, à l'inverse, sa décision subite l'enchaînait au passé, celui qu'il appelait le gris. Il était à la fois la honte et à la fois la peur, à la fois la mélancolie et à la fois aussi le doute. Tout ce qui autrefois orbitait autour de lui, quand il fut enfant puis quand il fut adolescent, tout ce qu'il avait fui, tout ce qu'il redoutait encore. Le gris l'avait tenu bâillonné, pourtant il allait rendre visite à ses parents, à Londres, à près tant de frayeurs et de temps. Et il faisait erreur. C'était des choses que l'on sentait.

« S'ils ne veulent toujours pas de moi ? s'ils te font du mal ? hypothésa-t-il à nouveau.

- Je croyais que tu étais certain de faire le bon choix... bredouilla le blond.

- J'avais tort.

- Tu dois en être sûr... Et je sais que tu ne l'es pas.

- Je ne supporterai pas qu'ils te jugent, comme si tu n'étais même pas devant eux.

- Nous avons notre vie, maintenant. Tu as ta vie. Ton métier, ta maison, tu es bientôt marié. Tu te fiches de ce qu'ils décideront. Tu as survécu seul, tu as survécu sans eux. Tu es un battant. Tu n'as pas besoin de te poser ces questions.

- Mais si tu es mal à l'aise, je veux que tu me le dises. Nous partirons.

- Je crois que tu m'as dérobé mon devoir... dit-il, par-dessus un léger ricanement.

- Je ne supporterai aucune critique envers toi, je le dis, je ne le ferai pas. Je les renierai pour de bon.

- Oh, mon adorable Tommy... murmura-t-il, cueillant ses joues dans ses mains. Mon tendre, bienveillant, magnifique Tommy. Tu n'as pas besoin de me prouver combien tu tiens à moi, je le sais, le sais-tu ? Ce sont tes parents, ta famille. Et s'ils te font du bien, ce qu'ils pensent de moi et ce qu'ils me disent n'a pas d'importance. Si tu décides de partir, je veux que ce soit parce qu'ils te mettent mal à l'aise, toi, uniquement toi, j'aimerais que tu me le jure.

Une saison en enfer - NewtmasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant