Une saison en enfer - Newtmas

Chapitre 5

Thomas s'empressa de le suivre, bousculant clients et employés, manquant parfois de renverser des verres et des plateaux. Il pouvait presque l'attraper lorsqu'il percuta inévitablement un garçon, frêle et doux, qui devait être de son âge. Il s'excusa en chuchotant timidement, seulement l'adolescent le retint par une épaule en remarquant qu'il voulait aussitôt repartir.

« Eh, tu m'as l'air bien pressé. dit-il. Tu es vraiment pas mal, tu dois le savoir. Est-ce que t'es déjà pris ? »

Cette fois là, Thomas obéit aux instructions de James : il mordit sa lèvre et porta un regard désolé sur la silhouette d'Alexander, l'attendant quelques pas plus loin.

« Merde, il les a vraiment tous... réagit le jeune homme. Je serai encore plus rapide la prochaine fois. N'hésite pas à me voir si tu reviens ici. En attendant, passe une bonne soirée. »

Il s'écarta en un clin d'œil aguicheur. Thomas y rougit quelques instants avant de rejoindre Hayden en hâte. Le jeune homme était à l'achèvement d'un couloir, plus large et plus obscure encore que le premier. Sa voix suave faisait frémir les murs et excitait Thomas quand elle ordonnait en le guidant aveuglément dans les ténèbres : « Dépêche, Tommy. » Ils étaient arrivés à un modeste vestibule d'hôtel, Alexander gravissait un vieil escalier en bois craquelé. Derrière lui, Thomas courait en suppliant : « James, attends ! attends ! » Le rire de l'homme retentit en éclats d'écho alors qu'il prenait fuite au troisième étage, une fois auquel le cadet ne le vit plus. Une porte s'ouvrit sans bruit et : « Ici, beau brun. »
Thomas sourit de plaisir et de soulagement. James était debout, au centre d'une chambrette à peine meublée. Il lui offrait son beau visage, pâle et conquis.

« Comment as-tu pu payer ?

- Je n'ai rien payé, beauté. On nous héberge ici pour une nuit.

- Est-ce une association ?

- Ohla, non, du tout. J'ai travaillé ici un an. Je connais les gérants du club, ils m'apprécient particulièrement. C'est naturellement qu'ils ont accepté de m'aider. C'était ma chambre.

- Tu... travaillais ici ?

- Tout à fait. J'avais dix neuf ans.

- Dix-neuf ?

- Dois-je entendre un second discours moraliste ?

- C'est une boite gay... bégaya-t-il.

- Il fallait chercher pour trouver.

- L'es-tu ?

- Ai-je déjà prétendu que je ne l'étais pas ?

- Te prostituais-tu ?

- Très rares sont les fois où je n'ai plus eu aucun choix. Je ne dansais que pour les hommes des environs, cela n'allait pas plus loin. Ils s'en contentaient. »

Il ôta sa casquette plate. Thomas rosit en détaillant ses cheveux, blonds et rebelles. Il était très beau.

« Tu dansais pour des hommes...

- Est-ce inconcevable ? sourit-il moqueusement.

- Je ne l'aurais jamais pensé.

- Tu ne sais rien de moi. Mais, ce n'était pas une volonté, ni un devoir plaisant. Je n'étais pas qualifié pour un travail plus digne, je n'avais pas les diplômes suffisants, et il me fallait à tout prix un toit au-dessus de la tête. Je n'ai que trouvé cela.

- Étais-tu déjà à la rue, aussi jeune ?

- Je l'ai toujours été, Tommy.

- N'avais-tu pas d'amis ? pas de famille ?