Chapitre 4

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L'été à Porte bleue est une saison capricieuse. Qu'il pleuve, ou qu'il vente, la température ne descend jamais vraiment, même pendant la nuit. Pour les autochtones, c'était chose naturelle, mais même pour ceux-là la saison chaude pouvait s'avérer difficile à supporter.

Les plus à plaindre étaient sans conteste les soldats en faction, qui, en plus de devoir marcher sans cesse, étaient contraints de porter leur uniforme réglementaire : épaisses sous-cotes matelassées et plastron de métal par-dessus, cuissardes en cuir épais, gants et gantelets d'acier et, bien évidement, le casque en fer sur la tête. Dans les garnisons, il était courant de dire que le poste de garde sur les remparts était le moins compliqué, mais aussi le plus pénible.

Lorsqu'on le lui avait dit, un peu plus tôt dans la journée, Constantin, jeune engagé dans l'armée Asurenne, n'en avait pas cru un seul mot et s'était même réjoui d'avoir obtenu un poste si simple pour sa première affectation.

Bien entendu, il n'avait pas fallu deux heures de ronde, sous le soleil de midi, pour le faire changer d'avis, et même si pendant l'après-midi il avait patiemment et courageusement tenu son poste, en se disant que la nuit tombée lui serait salutaire, là encore, il déchanta. Toutefois, sa vaillance n'était pas encore épuisée et, malgré la chaleur toujours présente, il continua sa garde. Ignorant la fatigue, il se répétait sans cesse les principes de l'engagement et la fierté du soldat qui défend sa patrie, des valeurs auxquelles il croyait fermement.

Vers trois heures du matin pourtant, la source de sa vaillance semblait s'être tarie. Au bord de l'épuisement, il céda, en retirant une à une les couches de son attirail, posa son mousquet sur le sol et se laissa tomber contre la pierre tiède, heureux, soulagé de son fardeau, un sourire béat aux lèvres. La joie et la sérénité le submergeant, il s'endormit paisiblement contre sa muraille.

***

Soudain, il fut réveillé par un grondement sourd. Il lui sembla même avoir senti un léger tremblement. Il se releva péniblement, chercha autour de lui et découvrit au loin de menaçants nuages qui s'en venaient sur la ville, très sombres et très denses.

Foutue saison, soupira-t-il. Voilà qu'en plus d'être rôti et fourbu, je vais être trempé ! À cette allure, j'aurais passé l'arme à gauche d'ici la fin de la semaine. Si je continue, ce métier aura ma peau.

Alors, il regarda son lourd attirail gisant sur le sol et soupira une fois encore. Après quelques minutes de réflexion, nécessaires pour rendre définitive sa décision, il abandonna finalement son poste. Désormais, il avait la ferme intention de quitter la ville dès que les portes seraient rouvertes, à sept heures du matin, et de se faire éleveur comme son père l'avait toujours espéré.

Quelques toises plus bas, sur le flanc de la muraille, se trouvait une gueule d'évacuation des eaux usées de la ville, fermée par une grille circulaire en fonte, aux barreaux épais, à travers lesquels s'échappait de la poussière.

– Alors comment ça se présente ? demanda Uther entre deux toussotements.

– Plutôt bien, répondit Irina. Ils n'ont pas lésiné sur l'épaisseur de l'acier, mais la mélinite a rempli son office, le mortier est en miette. Avec quelques coups de pied, la grille cédera. Viens m'aider.

Le conduit forçait à se tenir accroupis et était juste assez large pour deux. Ils se placèrent en position allongée et frappèrent en cadence sur les barreaux de la grille, qui se dégageait progressivement de son écrin de pierre.

– Et Tiraz ? demanda Irina.

– Encore en train de vomir de l'autre côté. Espérons qu'il lui restera assez de force pour la suite, je n'ai aucune envie de le porter.

Le Cœur, la Foi et le Fer 🏆 (Roman)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant