Chapitre 11

55 15 20
                                    

Onze heures et demi.

Dans le quartier de la Mare, rue des Fourneaux, Artus laissa la charrette, fouilla dans sa poche pour trouver sa clef. Il ouvrit la porte du numéro 11 et entra.

La pièce, qui avait des allures de salon, était assez grande, bien propre et véritablement accueillante.

Un beau parquet de chêne, sur lequel reposait une targe table et plusieurs chaises, avec au mur quelques chandeliers, séparés par de jolis tableaux. Dans un coin, près de la cheminée, il y avait des fauteuils et un canapé placés en demi-cercle, à la manière des messieurs qui se réunissent dans quelques cercles privés pour fumer le cigare et disserter entre eux.

Au fond, une porte donnant sur une petite cuisine, ou un cellier.

Artus se débarrassa rapidement de son masque et de son manteau, qu'il jeta en travers de la table, puis il traversa la pièce et emprunta un escalier de pierre assez étroit qui descendait.

Il passa un premier sous-sol, puis un deuxième, qui le mena dans une grande pièce poussiéreuse, dont le sol était en terre battue. L'endroit était assez sombre, pourvu d'une unique fenêtre.

Il se dirigea vers une grande double porte en bois, la déverrouilla en relevant la grande poutre qui les maintenait fermées et ouvrit complètement les deux battants. Là, il ressortit par une sorte de petite cour, contourna le bâtiment pour rejoindre la rue des Fourneaux, qu'il remonta (la rue était très pentue) jusqu'à retrouver sa charrette. Il la tira jusqu'en bas en jouant du frein pour ne pas la laisser filer et l'emmena à l'intérieur de la pièce sombre, avant de refermer les portes derrière lui.

Ensuite, il approcha de la charrette et souleva le drap.

– Ah, tout de même ! J'ai cru que tu allais nous laisser plantés au milieu de la rue ! gronda Eugène.

– Je suis désolé, fit Artus pour la forme, mais sans grande conviction dans la voix.

– C'est chez toi ici ? demanda Eugène d'un air quelque peu étonné en découvrant cette pièce aux allures d'atelier crasseux.

– Oui, la maison est faite sur quatre niveaux. Deux sous-sols, un rez-de-chaussée et un étage.

– Quelle curieuse bâtisse, on se croirait chez un forgeron.

– En effet, c'était une forge avant. Et je l'ai eue pour une bouchée de pain. Compte tenu de l'espace, j'ai fait une belle affaire.

– Ah, tiens, et pourquoi donc ?

– Et bien, le précédent propriétaire, qui était forgeron, est mort brûlé vif dans son four à ce qu'il paraît. On dit que c'est son fils qui l'y a poussé, un drame familial, une mésentente à propos de je ne sais plus quoi entre eux. Les choses ont dégénéré. Après ça, les gens se sont mis à penser que la maison était hantée, ce qui fait que personne n'a jamais voulu l'acheter.

– Et le fils meurtrier, il ne l'a pas récupérée ?

– Après avoir commis son forfait, il est allé se pendre au premier étage, d'après ce qu'on m'a dit.

Eugène fit une grimace, affichant l'air sceptique des superstitieux.

En observant un peu plus la pièce où il se trouvait, il vit au loin le four, à l'intérieur duquel le malheureux forgeron avait probablement fini. Une curieuse sensation lui parcourut l'échine.

Soudain, un grognement le fit sursauter et, alors qu'il s'attendait à voir un spectre vengeur, il souffla en constatant que ce n'était qu'Irina, qui reprenait lentement conscience.

Le Cœur, la Foi et le Fer 🏆 (Roman)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant