Chapitre 20

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Quartier du Petit-Port, rue du Safran, midi.

Tout le monde était réuni dans la maison des frères Jausse, autour de la table.

Eugène avait bien préparé les choses pendant que ses compagnons traversaient la moitié de la ville pour le rejoindre, aussi, à leur arrivée, un véritable festin les attendait.

Ce midi, tout le monde mangeait avec appétit, sans trop d'excès pour garder le ventre léger et sans boire rien de plus fort que de la bière, pour garder les idées claires.

Pendant ce genre de repas d'avant bataille, l'ambiance était pour le moins particulière, à la fois joviale, mais également un peu pesante, car chacun avait conscience du fait qu'ils étaient peut-être ensemble pour la dernière fois.

Les bandits et les soldats de métier avaient cela en commun, cette sorte de sixième sens leur faisant pressentir qu'un combat pourrait bien être le dernier.

Chacun avait pleinement conscience de sa fin imminente, si la mort se décidait à être trop besogneuse.

Même Uther, malgré le pouvoir de sa deolithe, ne s'était jamais abstenu de croire qu'une guérison rapide ne le rendait pas immortel pour autant et qu'il pouvait, tout autant que les autres, tomber au combat et mourir, lui aussi.

Plus encore aujourd'hui, sachant les forces qui étaient à l'œuvre dans le camp adverse.

Mais, curieusement, savoir tout cela n'empêchait personne d'être de bonne humeur, même de rire et de plaisanter pendant le repas.

Seul Artus, assurément moins habitué à ce genre de situation, semblait avoir quelques difficultés à se laisser aller.

– Hé, vous n'avez presque rien mangé, il ne faut pas rester le ventre vide ! lui lança Rostand.

– Je... je n'ai pas beaucoup d'appétit.

– Il ne s'agit pas d'appétit, il s'agit prendre des forces, rétorqua Eugène d'un ton paternel.

– Et puis, déride-toi un peu ! Tiens, reprend donc du cidre, ajouta Lescurier.

– Vous êtes toujours si jovial à l'approche d'une bataille ?

– La bataille, c'est plus tard. Là nous mangeons et nous buvons ! répondit Lenoir.

– Isabelle à raison, il y a un temps pour tout. Et puis, la bataille viendra bien assez vite, ajouta Desfontaines.

– Mais... vous n'avez donc pas peur ?

Tout le monde éclata soudain de rire. Artus se sentit un peu bête de ne pas comprendre ce qu'il avait dit de si drôle.

– Mais bien sûr qu'on a peur, que croyez-vous ? Il faudrait être fou pour ne pas avoir peur, lui lança Irina.

– Allons, camarade, ne soit pas si morose, l'encouragea Lescurier en lui tapant dans le dos. Regarde-moi, je n'ai plus que la main droite. Et alors, suis-je plus inquiet pour autant ?

– Non, c'est d'ailleurs à se demander pourquoi.

– Hé, c'est parce que je ne peux plus la perdre cette main-là ! répondit-il en riant.

Et tous éclatèrent de rire.

Artus sortit un instant pour prendre l'air, car il se sentait véritablement à côté de tout.

Uther vint à sa suite et s'alluma un cigare.

Il ne dit rien, laissant au professeur toute liberté d'engager la conversation, si telle était son envie.

Le Cœur, la Foi et le Fer 🏆 (Roman)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant