Épilogue

61 17 13
                                    

Une saison plus tard...


LA GAZETTE DE PORTE-BLEUE

du 3ème J. 1ère S. de l'automne 1215

LA GUERRE EST DÉCLARÉE !

Sa Majesté, Théodorin IV, Roi de Tribyannä, à déclaré l'état de guerre après une longue réunion de crise tenue avec le conseil Royal, les Ambassadeurs du Coral Raguate et de Cylia, ainsi que les administrateurs régionaux : les Seigneurs Debrelier du Coëtirys, De Ménéwan de l'Erkehoën, Kaerrogan de Noräth-Weddën, et notre bien-aimé seigneur de Luziniac, duc du Seth-Lusiannaë.

Il est désormais certain que le Pezjegov et l'Isgard ont formé une alliance dans le but d'envahir les royaumes limitrophes, dont notre chère patrie, invasion qui a déjà commencée chez les alliés, en Coral Napiale, actuellement occupée par l'ennemi.

C'est pourquoi, dès aujourd'hui, sont tenus de se présenter à un poste de garde de quartiers, chaque homme et chaque femme de plus de quinze ans en état de se battre, lesquels feront l'objet d'une réquisition, après estimation individuelle de leurs capacités par les recruteurs.

Nous rappelons que, pendant l'état de guerre, toute personne ne s'étant pas présenté au bureau de recrutement sous huitaine et ne possédant aucun papier de réformé ou de réserviste, établis en bonnes et dues formes après ce délai, sera dès lors coupable de crime contre l'état et sera fusillé sans procès...


– Tu relis encore cette feuille de chou ? demanda Rostand en terminant de boutonner son pourpoint.

– Je le relis tous les jours depuis que tu l'as rapporté, soupira Milosa.

Rostand s'approcha d'elle et lui posa la main sur la joue.

Soudain, on frappa à la porte. Milosa se leva pour aller ouvrir, pendant que Rostand fila chercher le reste de ses affaires en vitesse.

Uther, Irina et Lenoir entrèrent dans l'appartement, tous trois vêtus de leur large chapeau et de leur casaque verte, laquelle donnait leur grade de soldat et les désignaient en tant que membre de la compagnie des mousquetaires de Porte-bleue, l'élite de l'armée.

– Alors ça y est, vous partez ? demanda Milosa, la gorge serrée.

– Oui, l'affectation est tombée ce matin, répondit Uther. Notre détachement se rend sur la côte nord du Rithe-Admaid, pour soutenir les troupes locales. C'est un front de guerre important, mais pas le plus dangereux d'après ce que j'ai entendu dire.

– Tu parles d'une veine ! grogna Lenoir.

– Et... les autres ne sont pas avec vous ? demanda Milosa ?

– Sibylle et Ange nous attendent près du bateau, sur les quais du Grand-Port, répondit Irina.

– Ah ! voilà notre beau soldat ! s'exclama Uther, en voyant Rostand arriver vêtu de sa casaque.

Ce dernier salua largement, ce qui fit rire ses camarades.

Milosa, elle, se contenta de sourire légèrement.

– Allons l'attendre dehors, proposa Irina. Adeline, au plaisir de vous revoir.

Elle les salua, puis ils sortirent.

– Elle semble inquiète, dit Irina.

– De quoi ? Nous avons risqué bien pire lorsque nous avons affronté les fidèles de Kaël. C'est presque une promenade de santé ce qui nous attend là-bas, dans le nord, fit Lenoir.

– Certes, mais elle doit aussi être quelque peu contrariée, rétorqua Uther. Après tout, nous avons été réquisitionnés et affectés quelques semaines avant leur mariage, il y a de quoi être déçue.

– Hé, au moins elle ne pourra pas être veuve, rit Lenoir.

– Des fois, je me dis que tu devrais vraiment cesser toute tentative de plaisanterie, railla Irina.

À ce moment-là, Rostand sortit les rejoindre.

– Pardonnez-moi de vous avoir fait attendre, s'excusa-t-il. Adeline n'arrivait pas à me laisser partir.

– C'est naturel, fit Uther en lui tapant sur l'épaule.

– Alors, où allons-nous ?

– Là où le danger nous attend, mon cher Savignin, fit Irina.

– Avec peu de chances d'en réchapper ?

– Évidemment ! fit Lenoir en levant les yeux au ciel.

– Ah ! Mordioux, comme j'ai hâte d'y être ! s'exclama Rostand.

– Et moi donc ! ajouta Uther.

– Ah ah ! Comme nous devons avoir l'air de fous, à nous réjouir ainsi de partir en guerre, dit Irina.

– Hé, le propre de la folie n'est il pas, justement, que le patient ignore qu'il en est affecté ? fit remarquer Uther.

Tous quatre rirent à gorge déployée.

Et c'est à pas rythmé qu'ils parcoururent les rues pavoisées de Porte-Bleue, quittant ce lieu qui fut, il n'y a pas si longtemps, le théâtre d'une bataille de l'ombre, menée contre des forces dépassant l'entendement, mais qui ne serait inscrite dans les livres d'histoire que comme une simple bataille livrée contre un groupe de dévot fanatiques, que l'armée élimina en quelques heures seulement.

Personne ne se souviendrait du rôle qu'avait joués ces mercenaires, ces bandits, en affrontant avec courage des abominations et des forces mystiques insoupçonnées.

Mais qu'importe, au fond, car l'aspiration de ces héros-là n'était pas de briller dans la lumière des hommes.

De cela, il n'en avait cure.

Et aujourd'hui, ils étaient simplement reconnaissants d'être en vie et de pouvoir compter encore les uns sur les autres, car le danger n'est jamais bien loin de qui porte l'épée, qu'il se tienne tapis dans les ténèbres ou bien se dresse à la clarté du champ de bataille.

Et si les autres hommes l'ignoraient encore, eux le savaient mieux que quiconque : il ne faut pas ignorer ce qu'on ne peut pas voir, il ne faut pas oublier qu'il existe un envers.

Qui sait ce qui pouvait encore s'y cacher...

FIN

Le Cœur, la Foi et le Fer 🏆 (Roman)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant