Chapitre 14 - Javi

995 92 11
                                    

J'attends la réponse de Tomas qui s'octroie un moment de réflexion. Je n'ai pas pensé qu'il me prendrait au mot, pourtant, cela m'amuse, je suis pressé de découvrir son choix. Plusieurs expressions traversent son visage avant qu'une seule ne se fige, celle du défi. Il est joueur. Ça tombe bien, moi aussi.

- J'ai trouvé ce que tu pourrais faire pour que je garde le silence, m'annonce-t-il.

Je le regarde, attendant la suite, mais elle ne vient pas.

- Qui est ? je relance.

Je vois qu'il hésite et je comprends alors qu'il appréhende ma réaction. Dois-je m'inquiéter ?

- Si tu veux que je ne dise rien à Carla, je te mets au défi de m'embrasser, me confesse finalement Tomas. Mais pas un simple baiser ! Un vrai baiser de cinéma, celui qui offre du rêve.

Ses joues s'empourprent, il est adorable. Je trouve ça trop mignon, mon sourire s'élargit. S'il croit me piéger avec cette requête, il se met le doigt dans l'œil. Je me marre intérieurement car c'est un défi largement à ma hauteur. Nous sommes allés bien plus loin que ça. Ce n'est pas l'embrasser qui va me déplaire.

Je me rapproche de lui et saisis sa nuque. Je pose mes lèvres sur les siennes, chastement, juste pour le faire languir puis j'intensifie la pression. Ma langue quémande l'entrée, qu'elle reçoit sans hésitation, et trouve sa jumelle. Nous perdons ensuite le contrôle de ce baiser qui devient de plus en plus passionné. Nos gémissements respectifs m'excitent et nos mains deviennent baladeuses. Je repense soudainement à l'endroit où nous sommes et je romps notre étreinte. Le souffle saccadé, je pose mon front sur le sien.

- J'ai rempli ma part du contrat, à toi de tenir parole maintenant.

- Enfoiré ! lâche Tomas en me repoussant tendrement, un sourire étirant ses lèvres.

- Hé, c'est toi qui l'as demandé.

- Allumeur !

Nous nous regardons silencieusement. Mon cœur rate un battement. Le moment est paisible, comme si une bulle nous enveloppait en nous isolant du reste du monde. Je me sens bien, apaisé. Tomas brise le silence.

- Comment tu te sens ?

- Mieux. Grâce à toi, avoué-je tout bas.

Tomas ouvre la bouche pour répliquer mais je l'en empêche en posant un doigt sur ses lèvres.

- Ne dis rien. Accepte le compliment.

Il acquiesce.

- Tu es prêt à repartir ? me demande-t-il

- Oui.

Et en instant, nous sommes de retour sur l'autoroute.

*

Tomas a insisté pour être encore derrière le volant en argumentant que je devrais en profiter pour me reposer après toutes ces émotions.

Relaxé, je décide d'envoyer un message à Manu pour lui assurer mon soutien. Mais rien ne vient, je n'arrive pas à écrire un seul mot, c'est au-dessus de mes forces... Je me dis que je devrais l'appeler, mais je ne me sens pas encore prêt pour ça non plus. Grâce à Tomas, j'ai pu reprendre le contrôle de moi-même. Cependant tout ne s'est pas magiquement résolu, je suis toujours à fleur de peau. J'ai besoin d'un peu de temps avant de pouvoir affronter ce nouveau décès. J'ai encore quelques heures de route pour trouver la force de résister face à cette douleur qui me serre la poitrine, afin de pouvoir soutenir Manu en arrivant.

Je repense à mon père et, bizarrement, pour la première fois depuis qu'il nous a quittés, je me sens plus léger. Quelque chose en moi a changé. Ma peine semble plus douce, comme apaisée. Bien que je n'ai pas pleuré le soir de sa mort, quelques larmes ont coulé le jour de son enterrement. La première fois où j'ai réellement craqué et où je me suis effondré, ce fût quelques jours après qu'il ait été mis sous terre. Je suis allé sur sa tombe avec le besoin de le voir, de lui parler. Ce n'est qu'une fois sur place que je me suis rendu compte de ma bêtise, je ne verrais plus mon père, plus en chair et en os. Plus jamais je n'entendrais le son de sa voix, ses conseils, ses recommandations, ses taquineries. Je ne l'entendrais plus me dire qu'il m'aime. C'est à ce moment-là que j'ai réalisé qu'il était vraiment parti. A alors commencé la première des nombreuses crises de larmes, seul, dans ce cimetière, face à la tombe de mon père.

Faux départOù les histoires vivent. Découvrez maintenant