Chapitre 18 - Javi

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J'aperçois Tomas se tendre, il ne comprend pas. J'ai intérêt à clarifier rapidement ce point.

- Notre nuit ensemble, continué-je, ce n'est pas une erreur. Et pour répondre en toute honnêteté: Non, je n'ai pas envie de l'oublier. Bien que je ne sois pas sûr que ça change quoi que ce soit à la situation. Nous ne sommes pas au même niveau, enfin sexuellement parlant. Ce que je veux dire par là, c'est que je n'ai jamais envisagé d'avoir une relation autre que sexuelle avec un homme. Je n'ai jamais eu envie d'avoir de petit ami.

Enfin cette idée ne m'a jamais traversé l'esprit avant aujourd'hui, mais ça je ne le précise pas à Tomas...

- Je suis un peu mal à l'aise sur ce sujet, j'ai l'impression que si je m'exprime mal, je risque de te blesser. Je ne sais pas si je peux être clair sur ce que je ressens sans t'offenser.

- Tente toujours, dit-il, m'invitant à clarifier mes propos.

Plus facile à dire qu'à faire... Avant lui, j'étais assez satisfait de mes habitudes concernant mes relations. Cependant je ne suis pas certain de vouloir les garder telles qu'elles aujourd'hui. Je prends quelques secondes pour remettre mes pensées en ordre avant de reprendre.

- Bon, pas sûr d'être capable de les exprimer, mais je vais tenter. Voilà, déjà, j'aime bien coucher avec des hommes. C'est un plaisir totalement différent d'avec les femmes, toutefois, pas mieux, pas moins bien, juste différent. En fait, c'est exactement la même chose lorsque tu as différents partenaires : qu'importe si tu es hétéro ou homo, chaque personne t'offre une nouvelle expérience sexuelle. Pour moi, c'est la même chose. Là où nous différons, c'est dans le fait que les hommes ne sont pour moi qu'un exutoire, pas une destinée. Je veux une femme, des enfants et tout le tintouin qui va avec, ce que je n'aurais pas avec un homme.

- C'est faux ! intervient rapidement Tomas, tu peux avoir tout ça avec un homme : "Un mari, des enfants et tout le tintouin".

- Peut-être que je peux, sauf que ce n'est pas une de mes aspirations.

- Parce que tu ne veux pas ou parce que tu as peur ?

Question piège. Je n'ai pas la réponse.

- Peut-être un peu des deux, tenté-je d'éluder.

- Alors si un jour tu tombes amoureux d'un homme qui t'aime aussi. Tu feras quoi ?

- Je ne sais pas... je me suis toujours empêché d'envisager cette hypothèse.

Bien sûr, ce n'est pas vrai. J'y ai déjà pensé des milliers de fois et si cela devait arriver, je flipperais. Ce n'est pas envisageable, je ne peux pas. J'aurais l'impression de le déshonorer.

En fait, je flippe déjà. Ces dernières heures avec Tomas ont enclenché quelque chose de nouveau en moi. Une porte ouverte à l'attirance, plus intime, plus puissante qu'un simple désir. Mon esprit divague régulièrement sur un éventuel futur avec lui. Il aime s'imaginer une suite à cette relation naissante, une suite beaucoup plus qu'amicale.

Je constate aussi mon envie de poursuivre nos échanges. J'ai l'impression que ce voyage a permis de construire une nouvelle base, de prendre un nouveau départ attrayant. Je redoute l'arrivée qui pourrait signaler la fin de tout ça, qu'inévitablement, nous reprenions nos vies d'avant et que les vieilles habitudes fassent leur retour. Peut-être que ces heures de rapprochement ne seront qu'un bon souvenir, rien d'autre... Je pourrais proposer qu'on se voit plus tard, qu'on poursuive cette découverte de l'un et de l'autre dans un autre environnement. Toutefois, si je fais ça, il faut que je sois capable d'offrir une part de moi, celle que j'ai volontairement enfouie, cette part qui se refuse à assumer mon attirance. Il faut que je sois capable de combattre cet autre "moi", celui qui veut être le fils parfait et sans histoire.

Faux départOù les histoires vivent. Découvrez maintenant