Bien que Zohra faisait du mieux qu'elle le pouvait pour le cacher, elle était complètement cramée de Kahil, et il fallait vraiment faire exprès pour ne pas le voir.
Elle devenait presque silencieuse par la simple présence de ce dernier, ses yeux brillaient lorsqu'ils se posaient sur lui, ses mots quittaient sa bouche sans la moindre once d'assurance lorsqu'elle lui parlait. Il était clair que c'était de l'amour.
Et le pire, c'était que les autres autour semblaient s'en rendre compte mais personne ne faisait de remarques comme si c'était normal.J'avais même l'impression que le principal concerné s'y était fait. Il faisait attention à la manière dont il se comportait avec elle, sûrement pour ne pas la blesser. Et alors qu'il prenait souvent Ilham et Sofia par les épaules lorsqu'il déconnait avec elles, il ne se permettait pas de faire ce genre de gestes avec Zohra.
Dans le fond, j'avais vraiment de la peine pour elle, parce que ça devait être tellement dur d'être si proche de l'homme qu'on aime, tout en étant à mille lieues de lui.
Et plus le temps, passait, plus je la comprenais, puisque comme je l'ai déjà dit, Kahil est une bombe. Et même au delà de ça, lorsque je l'écoutais parler avec les autres je le trouvais vraiment intéressant, dans sa façon d'être et de penser.
Si je dis « avec les autres », c'est parce qu'on a jamais réellement eu l'occasion de parler ensemble. Je veux dire, biensur qu'on s'était échangé quelques mots lors des discussions en groupes, et des débats que Fazil kiffait lançait à tout vas. Mais on avait jamais eu de vraies discussions.
Jusqu'à un jeudi après-midi, à seize heures. Je finissais les cours à cette heure là, et j'étais passé par la permanence avec Zohra pour justifier nos absences de la veille. On avait pas pu s'empêcher de sécher la matinée lorsqu'on a appris que monsieur Julliot, le professeur de mathématiques avait prévu pour nous, un QCM à point négatif.
Je ne suis pas mauvaise élève mais vraiment, non merci, loin de moi ces choses de détraqués.— wesh, ça dit quoi les filles ?
On se tourne vers la personne qui venait d'entrer en permanence. C'était Kahil, qui venait lui aussi justifier ses absences.
— tranquille et toi ? je réponds
— la même, vous avez fini les cours là ?
— ouais, toi aussi ?
— ouais, venez on avance ensemble, il propose.
Je lève la tête vers Zohra, j'osais pas répondre à sa place. Je crois que j'étais plus mal à l'aise de la situation que Kahil. Elle a fini par acquiescer alors on s'est mis à marcher vers la sortie du lycée. Devant y'avais encore quelques personnes qui traînaient mais aucun de nos amis qui étaient visiblement tous rentrés.
— tu prends pas le bus Leyna ? me demande Kahil.
— d'habitude si, mais là je préfère rentrer à pied pour profiter des derniers jours de soleil.
— t'as raison, il hoche la tête, Zohra tu vas pas chez ta sœur ?
Zohra lève les yeux vers lui, et je vois qu'elle est hyper gênée. J'avais appris en parlant avec elle qu'elle n'habitait plus le quartier depuis quelques mois mais ailleurs avec sa grande sœur car ses parents avaient bougé au bled. Donc si c'était ce que je comprenais y'avais de quoi être gêné parce que c'était trop gênant !
— dit moi si je dérange, elle finit par dire en empruntant un faux ton blagueur.
— t'es une ouf toi, t'es ma reuss tu me dérangeras jamais, il rétorque.
Ça commence à vraiment trop devenir embarrassant. Je me sentais pire que mal à l'aise pour Zohra. J'avais trop de peine c'était vraiment pas sympa comme situation.
Elle finit par lâcher un petit rire qui sonnait beaucoup trop faux. Je regardais en face de moi, j'osais même pas tourner la tête vers eux.
— je dois récupérer quelque chose chez Sofia, elle dit finalement.
J'ai rien dit, mais j'avais très bien compris. Je suis une fille donc je sais très bien les actes que font les filles amoureuses. Là, Zohra mentait, elle voulait faire le chemin avec Kahil juste pour passer du temps avec lui. Mais heureusement ce dernier ne semblait pas l'avoir cramé.
On continue d'avancer en parlant ensemble quelques mètres, jusqu'a que Zohra nous coupe en s'arrêtant.
— laissez tomber, elle nous dit, je rentre directement chez moi.
— et ton truc ?
— c'est pas important, ça peut attendre.
Elle nous salue avant de s'en aller dans le sens inverse. J'étais vraiment mal pour elle, en pensant à ce qu'elle pouvait ressentir mais on pouvait rien y faire.
Alors Kahil et moi on a continué à marcher que tous les deux.
— donc t'es une meuf des blanches toi ?
— ouais, et toi ? T'es de Barbusse comme les autres nan ? je demande.
— nan, enfin dans le fond si parce que j'suis né là bas, et j'y traîne depuis toujours mais j'y habite pas.
— t'habites où ?
— dans la résidence derrière les pavillons de Barbusse.
— ahh oui j'vois, celle qui est vers le Franprix ?
— c'est ça ouais.
Il habitait dans les beaux quartiers de ma ville, et pour être honnête j'aurais pas parié dessus.
— et t'as des frères ?
— nan pourquoi ?
— juste comme ça, parce que j'connais bien les mecs des blanches. Alors t'es fille unique ?
— nan nan, j'ai six sœurs.
— six sœurs ? ça veut dire vous êtes sept enfants tbarakallah, ça doit être hella chez toi.
— mdrr ça dépend des jours on va dire, et toi ?
C'est sûr que ça dépend de si Iklil elle se décide à fermer sa bouche, et de si Jinane a décidé de poser son cul sur une chaise au lieu de sauter à pieds joints sur mon lit (à cette période elle avait péter les planches de mon lit j'dormais sur un matelas au sol alors imaginez juste le taux d'amour que j'éprouvais pour ma magnifique famille nombreuse à cet instant.)
— ah moi j'suis tout seul, fils unique ! il s'exclame.
— ben ça à ses bons côtés aussi nan ?
— ça va ouais, mais j'aurais quand même bien aimé avoir des frères et soeurs histoire de, t'as vu ?
— mouais, j'aurais bien aimé aussi être à ta place, je réponds.
— nan nan, toi c'est meilleur
— ça t'en sait rien
— si je t'assure
— mdr ! Ok alors si c'est toi qui le dis.
— voilà Leyna, c'est exactement ça, il sourit.
Et c'est tout bêtement de cette manière que Kahil et moi on s'est rapproché, dans le sens où on est vraiment devenu amis. On passait notre temps au lycée à parler ensemble, on se tapait des délires, franchement on rigolait trop tous les deux.
Puis ça nous arrivait d'aborder des sujets un peu plus sérieux, et étonnamment, lorsque c'était le cas, nos avis s'accordaient tout le temps. C'était incroyable comment on pensait pareil.Malgré que je le connaissais depuis moins de temps que tous les autres, c'était vraiment celui avec lequel je m'entendais le mieux.
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Après la nuit vient l'aube
RomanceUn père baignant dans le grand banditisme français depuis plus de vingt ans, une mère sous terre, une vie pleine de violence, de haine et de danger lui est promis a à peine seize ans. Kahil n'a d'autre échappatoire que ce destin. Et pourtant, c'est...