quatorze

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Les semaines qui ont suivi elles étaient pas ouf, rien d'intéressant à raconter, tous les jours la même chose, une routine qui s'était doucement installée et qui avait pris place dans ma vie.
C'était l'hiver donc je faisais seulement lycée-maison, je sortais pas trop dehors. Puis quand j'étais pas chez moi j'étais sois chez mes grands-parents, sois je restais avec ma cousine ou sinon collé avec Dounya et Louiza.

Y'avait eu les vacances de Noël qui étaient passées entre temps, on les avait passé à dormir à tour de rôle chez les autres.
Bon j'avoue pas trop chez moi mdr parce qu'on était déjà full dans ma chambre mais du coup j'arrivais à négocier avec ma sœur Insaf qui dormait seule, pour que lorsqu'elles venaient on échangeait de chambre.

Bref c'était mon train de vie du moment, rien de très mouvementé. Parce que je vais pas me voiler la face, la personne qui avait légèrement modifié mon quotidien, c'était Kahil. Il était venu titiller ma vie, on s'était rapproché, j'ai commencé à ressentir quelque chose pour lui, puis finalement plus rien.

Il voulait plus me parler. J'aurais pas cru que la petite phrase pleine d'hésitation lâchée dans une conversation qui était survenue de nul part allait tout gâcher entre nous. Je pensais pas que ça l'avait tapé aussi fort dans son égo, mais visiblement si, parce que depuis plus de trois semaines il me calculait pas.

C'était sûr, mais ça m'arrangeait d'un côté. Parce que ce qu'Aymen m'avait dit, ça me faisait peur. J'avais forcé à mort pour qu'il me dise clairement pourquoi c'était mieux pour moi de pas tenter un truc avec Kahil mais il voulait pas cracher le morceau. J'avais fini par abandonner, de toute façon Kahil voulait plus de moi alors Aymen pouvait dormir sur ses deux oreilles, il ne se passera rien entre nous.

Puis j'étais pas le genre à courir derrière les personnes. J'avais une grosse fierté, qui m'empêchait de faire le premier pas. Alors quand on m'ignorait, je faisais de même.
C'était sur et certain, si Kahil ne revenait pas vers moi, même si j'en avais envie, je n'irais pas vers lui.

Enfin, c'était ce que je croyais. Jusqu'à un matin. J'étais passé aux toilettes rapidement, et en sortant je suis tombé sur Kahil. Pour vous expliquer vite fait, histoire que vous puissiez visualiser la scène, y'a des toilettes dans mon lycée qui se croisent. En gros elles sont pas côte à côte, ni face à face, les toilettes des filles sont sur le mur à droite de celles des garçons.
Donc quand je suis sorti, Kahil sortaient de celles des gars. Instinctivement il a levé la tête à droite pour voir, et lorsqu'il m'a vu il a directement tourné le visage. C'était tellement rapide que ça a duré moins d'une seconde mais j'ai directement vu les grosses blessures sur son visage. Ça m'a tellement choqué que j'ai senti un truc taper dans mon cœur.

— Kahil ! je dis sans réfléchir.

Il répond pas, et ne me regarde pas. Je m'approche de lui et pose mon bras sur son épaule.

— Kahil putain c'est quoi sur ton visage ?

— rien vas-y laisse tomber.

— regarde moi, je susurre.

Il refuse de tourner la tête, et j'sais pas pourquoi je me suis sentie poussée des ailes, j'ai posé ma main sur son menton pour diriger son visage vers le mien. Il devait pas s'y attendre je crois, parce qu'il s'est laissé faire. Il me regardait dans les yeux, et je crois que s'il avait pas ces gros cocards sur le visage, j'aurais bloqué sur son regard. Mais là c'était tellement impressionnant que mes yeux ne voulaient pas quitter les marques sur son visage.

Il était salement amoché, il avait un énorme bleu son oeil droit qui s'étendait jusqu'à sa tempe, quelques points de suture au niveau du front, et des grosses éraflures sur la joue.

— c'est quoi ça ?!

Il finit par secouer la tête pour que je lâche son visage, j'insiste pas et je le laisse faire.

— c'est rien du tout, il souffle

— mais me dit pas c'est rien Kahil putain tu t'es vu ?

— j'suis tombé dans les escaliers.

Il se fout de la gueule de qui celui là ? Fallait me le dire si y'avait marqué « je suis crédule » sur mon front.

— tu vas peut-être réussir à faire croire ça aux profs mais pas à moi, tu t'es fait niquer ou quoi ?!

— vas-y heychek* me prend pas la tête sbah lilah* et vas en cours Leyna. (*s'il te plaît, *de bon matin)

— t'étais où hier ? je demande sans calculer ce qu'il m'a dit.

— vas en cours !

— t'as des problèmes ? je peux faire quelque chose ? s'il te plaît Kahil dit moi !

— mais tu peux rien faire putain !

J'arrête de parler et m'appuye contre le mur. Il peut s'en aller mais il bouge pas. Il me crie de le laisser mais il ne s'en va pas pour autant. On reste dans le silence pendant quelques secondes. Et je me rends compte qu'il m'a manqué. Le fait de lui parler, ça m'a manqué à mort. En trois semaines j'ai pas pu oublier les petits trucs qu'il y avait entre nous, y'avait tout qui était revenu en même pas cinq minutes.

— J'suis désolé pour l'autre fois .. je commence.

Il me répond pas, mais ça m'arrête pas pour autant.

— je voulais pas être aussi radicale, j'ai sûrement été méchante mais wallah c'était tout le contraire de ce que je voulais vraiment.

Il lève la tête et me regarde. J'arrive à lire dans ses yeux que je parle pas pour rien, mes mots lui font quelque chose c'est indéniable.

— je regrette, je continue doucement.

Putain elle est où ma soit disant grosse fierté là ? J'arrive pas à croire que tout ça sort de ma bouche ! Mais sur le coup je réfléchissais pas, mon cœur avait envie de parler alors je l'ai laissé faire, j'en avais besoin.
Kahil soupire et tourne la tête.

— laisse tomber Leyna

— si c'est pour te venger et me faire comme je t'ai fais wallah ça sert à rien

— c'est pas ça putain mais on peut pas, on peut pas, il répète.

— on peut pas quoi ? c'est toi même tu m'as dit que tu voulais..

— ouais et ? on peut pas faire tout ce qu'on veut tu l'sais très bien, laisse tomber wallah.

— mais tu veux, je susurre

— Leyna arrête s'il te plaît

Je baisse la tête. Donc je lui ai dit tout ça pour ça ?

— pourquoi on peut pas ? je demande doucement.

— parce que c'est comme ça.

— bah dis moi, au moins que j'sache pourquoi je me suis pris un vent.

Il soupire et se rapproche de moi. La roue elle tourne, c'est réel. J'avais trop mal wAllah, et je comprenais pas c'était encore pire. Il avait pas l'air de dire ce qu'il voulait, c'est pour ça que je voulais pas abandonner comme ça. Si ça se trouve la raison qui le fait dire ça, au final me dérange même pas.

— m'obliges pas à te dire des trucs blessants pour que tu partes, il répond

— je veux juste que tu me dises la vérité

— la vérité je peux pas te la dire, force pas Leyna tu vas te faire du mal pour rien.

J'sens les larmes qui montent. J'essaye de les retenir au maximum. Je suis pas une fille qui pleure facilement mais wallah ça fait trop mal.

— vas-y tant pis

Je veux me barrer au plus vite, je veux pas qu'il voie que ça me touche autant. Mais Kahil me retient, il me tire le bras, et j'ai même pas le temps de le voir venir qu'il embrasse mon front rapidement avant de s'en aller comme un voleur.

Après la nuit vient l'aubeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant