Quand tu es partie...

Chapitre 14

Journal intime de Lucy :

Les jours suivants ont été compliqués. Je bossais au laboratoire qualité de la société familiale Peterson Industry et les heures de travail étaient harassantes. Malgré mes nombreuses notes au sujet des bonnes pratiques de fabrications, personne ne semblait en tenir compte. Mr Peterson est satisfait de mon travail mais pourtant je ne perçois aucun retour. J'espère secrètement parvenir à faire changer certaines choses, comme de jeter les déchets au large des côtes, laisser certaines sociétés sous-traitantes embaucher de jeunes enfants pour des travaux difficiles... la liste est longue et mes efforts semblent vains.

Ce matin, je décide de m'avancer dans le bureau de Mr Peterson afin de lui en toucher mots. Je refuse que mes remarques et notes soient ignorées par les opérateurs et leur techniciens sous prétexte que ce sont des pratiques usitées depuis longtemps, qu'il ne sert à rien de modifier cela et que cela ferait perdre des centaines d'euros.

Les ressortissants de notre discussions ont été assez mitigés. Il comprend mon point de vu, mais il lui est difficile d'aller dans mon sens car cela implique beaucoup de monde. Certains n'ont que faire des conséquences sur la planète ou sur l'esclavage que cela implique, seul le profit les incombe. Il m'a promis d'en parler lors de la réunion mensuelle mais je sais que mes idées ne seront pas couronnées de succès. J'ai alors décidé de monter un dossier avec preuve à l'appuie. Des heures et des heures de travail présentées devant une trentaine de personnes. Le projet a intéressé une partie des cadres présents mais peu de monde en mon sens. Ce n'est pas assez pour faire changer les choses. Mon agacement est tel que j'ai dû accuser le coup et lors du chemin du retour, il m'a fallut faire des efforts pour éviter de montrer ma déception.

En rentrant je n'étais pas d'excellente humeur et Adam s'est chargé de me faire oublier cette journée. Il s'est occupé de me préparer un thé à la menthe pendant que je prenais un bain chaud dans la vaste baignoire à l'étage. Malgré ses sourires et ses tendres baisers j'ai vu que quelque chose le tracasse. Il a essayé de nier le plus longtemps possible mais son regard l'a trahit. Il a fini par avouer que Jay s'était vanté de nos échanges il y a quelques semaines. Il a fallu que je rassure Adam sur ce point : il n'est pas question que je me rapproche davantage de Jay. Il est un ami et cela restera ainsi.

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September 6th

La rentrée approche à grand pas et les préparatifs également. J'ai hâte de commencer cette nouvelle vie qui me rapproche un peu plus de mon indépendance et des projets que nous avons Adam et moi.

Professionnellement parlant, rien de nouveau. Je continue de noter les améliorations à apporter à la société, de les présenter aux cadres de services lors des réunions mais rien n'avance. La majorité reste assez frileuse lorsqu'il s'agit de revoir un système établi depuis longtemps et qui convient bien aux sociétés sous-traitantes. Évidemment, tout le monde doit être en accord et ce n'est pas le cas. Armée de patience, j'ai plus d'un argument dans mon sac. Je n'en ai pas touché mots à Adam qui reste convaincu que ma façon d'appréhender le problème n'est pas la bonne. Même si je suis optimiste de nature, j'avoue parfois commencer à douter de mes talents de persuasions.

Pourtant, ce matin j'étais d'excellente humeur en pénétrant dans les différents laboratoires et en récoltant les nombreux échantillons en vu des analyses qualités. Ces dernières ne sont pas réalisées par mes soins. Ce sont des laborantins qui s'occupent de préparer toute une série de tests et de les envoyer par la suite. D'ordinaire, je me contente d'arriver à l'heure pour récolter les comptes rendus mais cette fois j'étais en avance. C'est ainsi que j'ai pu assister à tout le processus.

Au moment où l'opérateur entre les valeurs dans l'ordinateur, je l'aperçois les modifier considérablement afin qu'elles entrent dans les normes de qualités. Étonnée, je l'interroge sur cela et sa réponse m'a sidéré. J'apprends par le laborantin que les données sont faussées volontairement à la demande du chef d'entreprise afin de correspondre aux normes de sécurité et de pollution. Il m'explique également que cela se fait depuis 5 ans sans que personne ne s'en soit aperçu.

Sidérée par cette découverte absurde, je comprends aisément pourquoi l'environnement n'a jamais contesté la vétusté des installations, ni la fabrication des produits en eux-mêmes. Tout est faussé par un système véreux à la base qui s'occupe uniquement du côté lucratif en mettant de côté l'aspect moral et éthique. Et comme de toute évidence, ces manœuvres malhonnêtes sont validées par Mr Peterson je suis allée lui rendre visite dans son bureau.

Intègre, il m'accueille avec un large sourire et m'invite à prendre place face à lui. Après lui avoir énoncé librement mais avec éloquence les éléments dont j'ai fais la découverte plus tôt, je remarque le placement de ses mains l'une contre l'autre, une ride caractéristique se dessiner entre ses deux sourcils et il réfléchit longuement. Son calme apparent est remplacé par une inquiétude que je lis aisément dans son regard. Il sait que j'ai raison et qu'il doit rester prudent sur ce qui va suivre. Il reste un long moment sans mots dire où le silence devient pesant puis il m'explique être bloqué entre les sous-traitants qui refusent le changement et ceux qui l'acceptent. En somme, pour la survie de la société, il est momentanément obligé de mentir jusqu'à trouver les bonnes solutions.

Il me promet d'y travailler rapidement et qu'en un an ou deux les corrections seront apportées. N'étant pas en position de faire du chantage ni des menaces, je ne peux qu'accepter les échéances. Évidemment, j'ai gardé les échanges pour moi, me gardant bien de les rapporter à Adam. Si je veux une dispute digne de ce nom je sais bien ce qui me reste à faire. Et pourtant, cette histoire me perturbe un peu. Que faire ?

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September 12th

Depuis quelques jours, je prépare la rentrée à l'université de Yale. En tant qu'étudiante j'ai choisi mon major en biologie et mon minor en journalisme. J'ai toujours aimé écrire et ce n'est pas nouveau. J'aime me documenter, faire des exposés et aller au devant des autres pour récolter les informations nécessaires. Pour défendre cette cause qui me tient à cœur, il faut savoir oser et c'est ce qui m'importe.

Mes parents ont prévu un logement, juste à côté de l'université, ce qui me permettra de vivre de manière indépendante et surtout plus tranquillement que sur un campus bruyant. Non pas que je veuille m'isoler dès le départ mais je ne suis pas tellement faite pour les soirées et autres festivités.

Mon départ étant dans deux jours, je vérifie encore que tout soit correctement préparé. Là-bas, j'aurais l'occasion de faire partie d'une « Society » qui partage les mêmes goûts que moi ou peut-être partagent les mêmes idées, qui sait. Il me faudra également choisir une activité sportive et c'est là que les choses se compliquent ; je n'en ai encore aucunes idées.

Et c'est avec surprise que je vois Adam débarquer dans ma chambre l'air heureux. Intriguée, je lâche ce que je suis en train de faire pour aller le voir et me blottir dans ses bras.

— Que se passe-t-il ?
— Je vais aller à l'université de Yale moi aussi. Cela ne m'enchante pas de suivre des cours mais je serai avec toi et c'est ce qui m'importe.
— C'est une excellente nouvelle !
— Je crois, oui. Ma mère a fais pression sur mon père pour qu'il appuie une candidature à Yale plutôt que l'Université de New York. Je crois que je peux remercier ma maman.

Ses lèvres se sont écrasées sur les miennes et le bonheur était si intense que j'en suis encore toute chancelante. L'excitation à son comble, je suis ravie de me dire qu'Adam partagera sûrement le même appartement que moi. A 19 ans, nous commencerons une collocation qui débouchera plus tard sur une vie commune. Tout est pour le mieux. J'ai hâte que l'année commence.