CHAPITRE 10

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AU LEVÉ DU JOUR

Pinpin, à dos de son cheval, se tourna vers moi, tout sourire. Il faisait beau aujourd'hui tandis que le Bataillon d'Exploration se dirigeait vers son quartier général à l'ouest de Trost.

- Et toi Ali, t'en as buté combien ?

Je me mordillais l'intérieur de la joue en réfléchissant. L'expédition s'était déroulée tellement rapidement que j'en gardais un souvenir passager. J'essayais aussi sans doute quelque part de ne plus y penser.

- Je ne sais pas vraiment, cinq ou six ?

- Six, répondit Katsuki qui était devant nous.

- Comment tu sais ? Je lui demandais.

Il se tourna vers moi, un sourcil plus haut que l'autre d'un air joueur.

- J'ai compté pour tout le monde pour m'assurer de gagner.

Je pouffais un peu dans ma main.

Cela faisait trois jours que nous avions quitté Shiganshina. Avec impatience, les soldats s'étaient dépêchés de ranger leurs affaires pour rentrer rapidement au quartier général. Nous avions eu le temps de se remettre de nos blessures et traumatismes, puis nous avions lancé un bref au revoir à la Garnison et avions franchi les portes de la petite ville. Des enfants nous avaient salué.

Le chemin n'avait pas été long, ni court. Il avait été sans la moindre saveur, un peu lent, un peu vide. Même si l'expédition était une réussite, la mort avait frappé et, comme à chaque fois, elle avait été douloureuse.

Helke, Marcus de l'escouade de Livaï, Lee que Mike aimait particulièrement et Margareth étaient morts lors de cette expéditions. Sur près de trois cent soldats partis, une trentaine seulement avaient perdu la vie. C'était une première pour le Bataillon et on nous acclamait un peu partout dans la grande troupe qui se déplaçait à cheval.

Nous avions pleuré nos morts et Gunter avait fondu en larme dans mes bras la veille. Il s'était énormément attaché à Marcus. Je n'avais pas vu Livaï depuis qu'il m'avait sauvé du titan. Nous avions tellement de choses à faire à Shiganshina et nous étions si fatigués de notre expédition qu'à la moindre pause pendant le voyage nous nous endormions.

Nos chevaux nous manquaient. La Garnison nous avait prêté des étalons mais rien ne remplaçait la présence d'Orion. Avec Flora nous nous étions tenu la main toute une nuit pour essayer de se remonter le moral.

Mon regard s'arrêta sur le devant de la troupe. Au loin, parmi les capes vertes et les vestes marrons, j'apercevais la tête blonde de Erwin Smith. Il nous avait chaleureusement serré la main et nous avait dit que nous nous verrions dans son bureau à notre arrivé.

- Donc ça fait que Katsuki est en première position et Flora en deuxième... puis moi et puis... dit Pinpin.

Il posa son regard sur moi. Je soufflais, en riant à moitié. Ses yeux brillaient d'amusement.

- Ça veut dire que tu es mon esclave...

Katsuki et Flora se mirent à rire de bon coeur. Dans une révérence théâtrale je m'inclinais à moitié vers Pinpin.

- À vos ordres maître, je lui disais.

D'un air supérieur, il releva le nez, les yeux mi-clôt, et m'ordonna catégoriquement d'aller lui chercher quelque chose à bouffer.

Tirant sur les rennes de mon cheval, je m'éloignais de la troupe du Bataillon. Appuyant de mes talons sur les côtes de l'animal, il se mit à trotter jusqu'à l'arbre en haut de la colline. Des pommes rouges brillaient légèrement entre ses branches.

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