CHAPITRE 5

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LE SOIR OU CELA SE FIT


Le lendemain, je me surprenais à trembler légérement à chacun de mes faits et gestes. Nous étions de corvée de cuisine et je ne disais pas un mot. Je sentais le regard appuyé des trois membres de mon équipe : ils semblaient presque inquiets que je n'ouvre pas la bouche. La main tremblante, j'approchais, peu sereine, le couteau vers le poireau que je me devais de couper.

- Allez, je me marmonnais à moi même, ce n'est pas si difficile...

J'étouffais un hurlement : je m'étais coupée le doigt. Rien de très grave, mais je pissais le sang. Rageusement, je balancais le couteau devant moi et mettais mon doigt dans ma bouche. 

Le soldat en face de moi, Madvick, me regarda avec presque de la peur au fond des yeux. Je le fusillais du regard et me levais.

- Ali ? M'appela Flora.

Je l'ignorais et partais des cuisines.

- Qu'est ce qu'elle a aujourd'hui ? J'entendis Pinpin demander en claquant la porte derrière moi.

- Aucune idée...

Je marchais à grand pas dans le Quartier Général, me dirigeant vers l'infirmerie. Mon coeur battait la chamade : il fallait à tout prix que je me calme. Le Caporal me l'avait bien demandé de ne pas ruminer ce que j'avais entendu la veille. Mais j'en étais incapable.

J'ouvrais la porte de l'infirmerie : là, Madame Cornbell, l'infirmière, regardait un gamin avec son poignet dans une forme peu naturelle.

Mon doigt pissait toujours le sang et j'en avais marre de boire le liquide rouge qui s'écoulait dans ma bouche. Je croisais le regard de Madame Cornbell : je lui montrais la plaie. Elle souffla en attrapant un tissu qu'elle me balançait dessus :

- Toi alors ! Râlait-elle.

Je m'asseyais sur une chaise en face d'elle et du blessé, croisais les jambes, et serrais le mouchoir autour de ma plaie.

- Tu as l'air de bien mauvaise humeur aujourd'hui, continuait-elle en continuant à observer le poignet du soldat. Ca va faire mal, le prévint-elle.

Le garçon la regarda avec de grands yeux effrayés puis zieuta en ma direction comme si j'allais le sauver. L'infirmière ricana de sa voix velouteuse et prit le poignet du jeune homme. Une main en haut, l'autre en bas, elle tordit le membre rapidement qui produisit un craquement désagréable. Le gamin hurla et s'évanouit tout de suite. 

- Eh beh, ça fait pas si mal pourtant, dit Madame Cornbell.

Je souriais légèrement en la regardant continuer à soigner le jeune soldat. Elle attrapait un bandage et commençait à en faire le tour du poignet puis elle plaçait deux lammels de fer sur chaque coté du poignet pour qu'il tienne en place. Elle entourait encore avec un autre bandage et serrait bien. Puis, elle posait le bras délicatement sur le torse du patient qui était toujours dans les vapes. Elle posa un tissu humide sur son front, tourna légèrement sa tête sur le coté, puis le couvrit d'une couverture. Elle vint ensuite attraper une chaise et se poser devant moi. De son tablier de travail elle sortit une aiguille très fine et du fil.

- Fais voir, dit-elle en tendant sa main potelée.

Je posais ma propre main dedans. Elle deballait soigneusement le tissu à présent gorgée de sang de ma blessure. Elle tiquait en voyant la plaie.

- Dit donc, tu t'es pas ratée.

- J'étais distraite.

- Tu faisais quoi ?

- La cuisine.

- Pour se couper comme ça en faisant la cuisine, il faut être pire que distrait.

Je regardais à mon tour ma blessure. En effet, mon doigt était bien écorché.

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