Chapitre 4

965 69 62
                                    

Matoi Susano était quelqu'un de fort agaçant.

— Passe-moi le beurre, esclave.

— Tu m'as appelée comment là ?

Juste parce qu'il portait le nom d'un dieu, mon grand frère se croyait tout permis.

— J'ai besoin de me répéter, esclave ?

— Sois gentille et donne le beurre à ton frère s'il te plaît Kanzaki, intervint ma mère, exaspérée.

Je pris le cube et le balançai au visage de mon aîné qui le rattrapa sans peine. Notre génitrice soupira, fatiguée de nos petites disputes dès le matin. Je gobai mon bol de riz en deux secondes, ce qui me valut une réprimande de cette dernière. J'y pouvais rien, j'ai faim le matin moi.

Je jetai un coup d'œil à la quatrième place, vide. Mes parents s'étaient séparés lorsque j'avais onze ans, et mon père a fait fortune peu de temps après. Désormais mon frère et moi vivions en garde alternée une semaine sur deux. Je ne m'en plaignais pas : au moins, ils arrêtaient de se crier dessus à longueur de temps. Je me souvenais de quand j'avais six ans et mon frère huit, il me lisait des histoires pour couvrir le son des disputes. Les choses avaient bien changé depuis cette époque et nous n'étions plus aussi proches qu'avant.

J'engloutis mon œuf au plat avant de me lever de table en remerciant une deuxième fois ma mère pour ce repas.

***

— Dis, Shion, t'aurais pas le numéro de Hanma Shuji ? avais-je demandé à la fille en face de moi.

Nous étions dans la cantine, en train de déguster un curry aussi fade que ma vie. Avant que je ne la coupe, Shion expliquait pour la énième fois pourquoi elle voulait revenir avec son ex, qui était pourtant toxique au possible. Cette fille vivait vraiment dans son petit monde.

— Je peux me débrouiller pour l'avoir, pourquoi ?

— Me dites pas que Matoi l'asociale est piquée ! me taquina un mec à ma gauche, Watanabe Kaze.

— Ta gueule c'est pas vrai, lui adressai-je –c'était totalement vrai. Je lui ai prêté mon briquet et ce connard me l'a pas rendu.

— Je croyais que tu l'avais perdu ?

— Je l'ai retrouvé, mentis-je.

— D'accord, si tu le dis, accepta-t-elle.

— En parlant de briquet tu m'auras pas volé le mien par hasard Kanzaki ? me demanda Yori, une fille aux cheveux roses avec un air blasé.

Je me souvins du briquet avec lequel je jouais en parlant à Hina. Watanabe dit alors qu'il l'avait trouvé sur la terrasse et lui tendit l'objet.

— Heureusement que j'suis là pour rattraper tes conneries, pas vrai Matoi ?

— Ouais, ouais... répondis-je peu intéressée.

Les trois continuèrent de discuter tandis que je regardais par la fenêtre, attendant que le temps passe. Je m'entrainais mentalement à décrire mon environnement : je visualisais les mots qui pouvaient coller le mieux aux courbes que je voyais dans le ciel et aux traînées des avions. Je me dépeignis chaque bâtiment à la façade mangée par le temps, chaque personne si unique qui passait dans mon champ de vision.

Ils avaient l'habitude de me voir dans la lune, alors personne ne dit rien. J'aimais écrire dans ma tête puis coucher les mots sur le papier physiquement le soir. D'ailleurs, l'éditeur n'avait pas encore répondu à mon mail contenant mon dernier texte.

Quelque chose retint mon attention à travers la fenêtre. Quelque chose de petit, noir et duveteux.

Je prétendis avoir quelque chose à faire pour sortir de table.

LES FLEURS BANALES | hanma fanfictionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant