Chapitre 10 : Une main tendue

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À travers ses paupières closes, Noor sentait les rayons de soleil lui lécher la peau. Il faisait particulièrement bon en ce début de matinée. La grande fenêtre qu'elle avait fini par ouvrir durant la nuit laissait voler jusqu'à elle de tièdes brises qu'elle recevait avec ivresse. Elle avait toujours beaucoup aimé les débuts de matinée. C'était les plus beaux instants du jour à son avis. Lorsque le soleil montrait timidement ses premières lueurs et colorait le ciel de teintes magnifiques.

Les servantes du vizir l'avaient trouvé un matin aussi... alors qu'elle errait toute seule dans les rues encore endormies de la ville. Noor ne se souvenait presque plus de ces moments de sa vie. Elle savait cependant que ces femmes n'avaient pas hésité à la ramener avec elles. Ce matin là, le ciel avait été si beau. L'aube splendide, mauve comme lors des plus chauds jours l'avait transcendé de sa beauté. Elle avait trouvé ce spectacle si fascinant, inoubliable. Et puis quand majestueux le soleil s'était enfin levé, vaillant, invincible, elle avait su que tout irait bien. Ce fût le cas durant plusieurs années auprès des servantes.

Une étrange nostalgie s'empara d'elle alors que les souvenirs de son ancienne vie affluaient dans son esprit. Ceux qu'elle avait longtemps considéré comme sa famille, ses amis, la petite chambre qu'elle avait partagé avec trois autres filles, les rires échangés, les tendres moments, tout se bousculait dans sa tête. Elle avait été heureuse auprès d'eux. Certains jours n'avaient pas été tout rose pour sûr... mais elle avait été heureuse.

Repenser à ses bons moments raviva cette douleur qui dormait au fond d'elle. Parce que ces gens qui l'avaient receuilli, ceux auprès de qui elle avait passé toute sa vie l'avaient abandonné. Ils lui avaient tourné le dos au pire des moments et laissé en pature au vizir. Ils avaient détourné le regard alors qu'il décidait de la brûler. Ils n'avaient rien fait par peur de réprésailles sur eux ou leurs familles. Ils l'avaient laissé... Noor avait cru défaillir durant ces sombres instants. Toute seule dans cette cellule froide, sale, minuscule, trainée dans la boue par tous. Traitée de catin ici et là, sans personne pour la défendre.

L'auraient-elle défendu si elle avait été la fille de l'un d'entre eux ? Même Shahdhar l'avait laissé. Son frère de cœur, sa moitié. Même lui...

Ces horribles souvenirs remplirent très vite ses yeux de larmes qu'elle ravala d'un battement de cil. Elle roula sur le dos et ferma les yeux. La joie avait déserté son cœur à présent. Elle s'était évaporée en même temps que son envie de quitter le lit aujourd'hui. Ce si moelleux lit... Noor aurait aimé s'y fondre et y demeurer. Comme elle y aurait été bien, au chaud et en sécurité.

La jeune femme roula sur le ventre. Elle plongea la tête dans l'oreiller et appréciera la delicieuse odeur de fraicheur qui s'en éppachait. Tout avait été nettoyé à fond dans sa chambre, à tel point que Noor avait craint hier soir de ruiner les lieux en les souillant de ses mains sales. Elle avait été servante toute sa vie à differents postes certes mais tout les soirs, la même saleté avait imbibé son corps et ses vêtements. Le seul espace qui lui avait à peu près appartenu - une chambre qu'elle avait toute sa vie partagé avec trois autres filles - n'avait pas pu être une seule fois totalement propre et bien rangée. C'était à ce bazar qu'elle avait été habitué toute sa vie alors cette chambre qu'on lui avait donné l'avait impressionnée.

C'était le premier espace qu'elle n'avait à partager avec personne. Le premier où elle pouvait se retrouver toute seule. Noor avait ressenti une petite joie naître au fond de son cœur lorsque ses yeux avaient parcouru la pièce hier. Elle avait été infime, quasiment inexistante mais elle avait été dévastatrice. Elle s'en était tout de suite voulu pour ça parce qu'elle savait bien ce que représentait cette chambre : une prison. Un nouveau verrou que le roi ajoutait à sa cage. Un lieu qui acceuillerait à l'avenir les pires moments de sa vie. Elle le savait bien pourtant cette petite joie était quand même là, tapis bien au fond d'elle à lui murmurer qu'elle avait failli. Elle ne pouvait s'empêcher d'avoir honte de ça, d'avoir peur...

La favorite du roiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant