Chapitre 6

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            Observant du coin de l'œil sa petit sœur prendre soin de Jules, Philippine ne pu s'empêcher de soupirer. Il lui devenait aujourd'hui si compliqué de venir lui rendre visite. Plus le temps passait et plus sa sœur la hantait, nuit et jour, l'empêchant de dormir et rendant sa vie de couple de plus en plus complexe. Comment ne pas s'en vouloir et ne pas regretter leur vie d'avant ? Mais y avait-il vraiment déjà eu un avant ? Après tout, il était impossible qu'une telle maladie apparaisse de façon si soudaine, elle devait forcément être malade bien avant son internement ; et l'idée de ne pas s'en être rendue compte assez tôt la rendait elle-même un peu malade. Elle ne s'était aperçue de rien, et elle s'en voulait. En y réfléchissant bien, si elle avait été plus attentive dès le début, jamais elle n'aurait retrouvé le corps de sa sœur ensanglanté dans l'appartement entourée d'une équipe de secouriste. La voisine l'avait appelée juste après la police après avoir entendu un hurlement suspect et plus le temps passant, plus ces cris de douleurs et ce sang lui montait à la tête. Tout était de sa faute. Elle aurait dû être plus attentive.

Mais elle se rappelait aussi toutes ses visites pleines de douleurs où Alaska l'accusait de lui avoir voler sa vie, de lui avoir pris son enfant et son bonheur. Lui rappelant une fois encoure que tout était de sa faute.

Elle cauchemardait régulièrement, parfois tous les soirs, parfois moins. Il lui arrivait de retrouver des semblant de sérénité de temps à autre avant de la culpabilité de revienne. Elle ne pouvait être heureuse, elle n'en avait pas le droit. Comment le pourrait-elle alors que sa petite sœur chérie restait enfermée entre les murs de cet hôpital. En attendait, elle espérait et priait un peu plus chaque jour que son état s'améliore ; le contraire lui était bien trop douloureux.

- Madame Petrova ?

Philippine sursauta avant de se tourner vers la femme en blouse blanche qui attendait près de la porte de la salle de visites.

- Oui ?

- Je suis le docteur Hopkins, en charge de votre sœur depuis quelques mois. Nous nous sommes parler au téléphone au moment de son changement.

Elle observa sa sœur un instant, vérifiant que tout allait bien avant de se tourner vers le médecin en tout en hochant la tête.

- Je voulais profiter de votre visite pour faire un point sur l'état de votre sœur, seriez-vous d'accord pour le faire maintenant ?

Gardant les yeux rivés sur son fils, elle acquiesça.

- Très bien. Pour l'instant, la situation de votre sœur est rassurante. Son état est stable depuis plus de 6 semaines maintenant, elle ne fait plus de crise et s'ouvre de plus en plus aux infirmières qui viennent lui apporter son repas, ce qui est très positif pour elle.

Pleine d'espoir, Philippine détourna le regard de son enfant pour le plonger dans celui de la femme.

- Elle va vraiment mieux ?

- Je ne peux pas vous assurer une sortie prochaine mais nous sommes en progression. Nous allons commencer par lui instaurer un traitement plus adapté à sa nouvelle condition et commencer par intégrer progressivement des hommes dans son quotidien.

- Et hormis cette stabilisation, vous avez signalé des améliorations ?

- Cette stabilisation est à elle seule un énorme progrès. Je ne peux pas encore m'avancer sur la suite des évènements mais je pense qu'elle est sur la bonne voie. Ses cauchemars ont presque entièrement disparu et ne suscitent plus de crise au réveil, seulement une grande perturbation. Nous avons changé son infirmière et remplacer celle qui la suivait depuis le début de son séjour par une nouvelle toute aussi compétente, ne vous en faite pas. Se changement dans sa routine à apporter un peu de stress les premiers jours mais rien de très alarmant dans la mesure où ce sont les premiers changements de son environnement.

La femme se tue un instant, laissant le temps à Philippine d'intégrer ses nouvelles informations avant de poursuivre.

- J'ai pensé à un collègue qui vient de nous rejoindre, il travaille indépendamment à la clinique mais c'est quelqu'un de très compétent qui vient nous aider de temps à autre sur demande des familles des patients. Ce serait un bon moyen de commencer l'intégration, il pourrait dans un premier temps faire ces consultations avec moi avant de le laisser seul avec elle.

- Je ne suis pas sûre de pouvoir assumer les coûts que cela pourrait entraîner.

Le médecin hocha la tête avant de sourire avec compassion. Elle savait combien la situation était compliqué pour les proches et encore plus dans ce genre de cas.

- Tant que le médecin travaille à la clinique, son suivit est intégré dans la pension établie. Il aurait été payant si vous le faisiez venir de vos propres moyens, ici c'est la clinique qui vous le propose, vous n'aurez aucune charge supplémentaire. Mais j'ai besoin de votre accord pour commencer l'intégration.

Perdu dans ses pensées, Philippines ne répondit pas. Elle ne savait pas comment réagir face à cette nouvelle. Elle était heureuse, bien sûr, mais la partie la plus égoïste d'elle souhaitait que tout se termine et partir loin d'ici. Pouvait-elle vraiment leur faire confiance après ces cinq ans de détresse ? Les larmes lui montèrent aux yeux. Elle ne savait plus quoi faire. Voir sa sœur et son fils jouer ensemble et rire lui brisait le cœur. Il aimait tellement sa tante qu'elle rêvait parfois de pouvoir échanger leurs places pour permettre à Alaska de souffler et enfin comprendre le mal qui l'habitait.

- Quant à vous, même si vous avez toujours refusé jusqu'à présent, je pense qu'il serait bon d'établir un suivit psychologique. Parler à quelqu'un d'extérieur vous ferait le plus grand bien. Je connais de très bons collègues qui pourraient vous aider à avancer et à accepter cette situation. Il est normal d'avoir peur et de se sentir coupable mais vous ne devez surtout pas rester seule.

Elle essuya rapidement une larme au coin de son œil avant de répondre.

- Je ne suis pas seule, j'ai mon fils et mon compagnon, ils sont là pour moi.

La psychiatre serra délicatement la main de Philippine avant de se relever pour quitter la salle.

- Je le sais bien, mais parler à quelqu'un d'extérieur et qui plus ai un professionnel pourrait vraiment vous aider.

Après un dernier signe de tête, elle quitta la pièce laissant la jeune femme à ses pensées sombres. En voyant sa sœur aussi insouciante et sereine, elle ne pouvait pas imaginer une nouvelle rechuter, aucune des deux ne le supporterait. Pas après toutes ces années à avancer dans le noir en espérant un jour voir le bout du tunnel. Mais il ne revenait qu'à Alaska de trouver le courage d'avancer. Seule elle avait la capacité de décider dans serait le moment de guérir et de sortir de ce trou.

Elle savait qu'elle avait besoin d'aide pour se reconstruire, la situation impactait déjà son couple, sa relation avec son fiancé devenait de plus en plus tendue et elle refusait que cela empire, elle aimait bien trop son mari pour laisser la situation briser le peu de stabilité qu'elle avait. Lui et leur enfant étaient tout pour elle. Elle ne devait pas laisser sa culpabilité l'emporter et surmonter sa douleur ; elle devait retrouver la femme qui s'est éteinte à l'internement de sa sœur, il en allait de sa propre santé.

Après tout, si elle guérissait, si elle-même trouvait la force d'aller mieux, peut-être que sa sœur suivrait le même exemple...

La Maladie d'AmourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant