Chapitre 5

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Le grand jour était enfin arrivé, Jules et Philippine allaient bientôt arriver et elle ne tenait plus en place. Elle n'avait pas pu discuter avec le médecin McConnick depuis la dernière fois mais elle ne s'inquiétait pas ; les regards qu'ils avaient pu échanger lors de sa dernière promenade était bien suffisant pour lui faire comprendre que l'attirance qu'elle ressentait à sa vue était réciproque. Il était intrigué et ça la comblait de joie, elle continuerait de faire le premier pas plus tard, mais savoir qu'elle pouvait attirer son attention aussi facilement la comblait de joie.

Quant à sa famille, elle ressentait une certaine nervosité à l'idée de les revoir. Jules serait-il content de la voir ? Avait-il beaucoup grandit depuis la dernière fois ? Probablement. Elle savait combien les enfants avaient tendances à changer beaucoup trop vite à cet âge-là. Et Philippine ; qu'allait-elle penser d'elle ? L'avis de sa sœur comptait réellement pour Alaska. Elle n'avait plus qu'elle, ses parents l'ayant lâchement abandonnés à son arrivée à la clinique, et ses visites devenaient de plus en plus espacées. Peut-être travaillait-elle trop depuis que Jules était rentré à l'école ; elle avait toujours été plongée dans ses bouquins à étudier pendant des heures alors cela n'étonnerait pas vraiment Alaska. Ou n'avait-elle simplement plus envie de venir la voir ? Après tout, qui rêverait de passer des après-midis entiers dans un hôpital comme celui-ci.

Elle secoua brusquement la tête, chassant ses idées négatives dans un coin de son esprit avant pour se concentrer sur le moment présent. Philippine ne venait pas souvent alors autant en profiter un maximum, elle aurait tout le temps de réfléchir plus tard. La journée devait être parfaite, inoubliable, et casser son éternelle routine ne pouvait lui faire que du bien. C'était tous les jours la même chose, elle se levait, petit-déjeunait, lisait, attendait sa promenade puis rentrait pour le déjeuner et prendre ses médicaments ; et le même processus se répétait après manger, sans jamais changer, tout était programmé à la minute près. Alors tout élément capable de sortir un tant soit peu de l'ordinaire la rendait heureuse, tout comme l'arrivée de ce médecin McCornick qui avait jusqu'alors égayé sa journée.

Peut-être pourrait-on lui accorder le droit de sortir de la clinique pour la journée ? Ils pourraient allés au restaurant ensemble avant de se rendre au parc pour s'amuser, si elle était accompagnée d'un médecin, tout devait bien se passer.

Il y avait peu de chances pour que cela se produise mais elle espérait secrètement pouvoir enfin découvrir autre chose que le parc et les murs de la clinique. Les arbres, les buissons, les fleurs et la peinture n'avaient pas changés d'un pouce depuis son arrivée ; et elle qui n'aimait d'ordinaire pas le changement souhaitait plus que tout un peu de renouveau autour d'elle. Tout était bien trop impersonnel ici, elle rêvait de pouvoir s'approprier les lieux. Seuls ses vêtements prouvaient que cette chambre était la sienne, c'est pour cela qu'elle faisait attention à ce qu'elle portait. Elle ne voulait pas se fondre dans la masse des autres patients, elle voulait se distinguer, montrer qui elle était réellement. Une belle jeune femme seine d'esprit et non seulement une patiente à qui l'on donne des médicaments.

C'est pourquoi elle avait décidé de s'apprêter plus que d'habitude. Ses vêtements, son parfum, ses cheveux. Se préparer à accueillir sa petite famille lui avait pris la matinée entière, elle se sentait belle et en pleine confiance. Elle ne s'était pas sentie aussi légère et apaisée depuis des mois. En s'admirant dans le petit miroir, elle se rappela la dernière fois où elle s'était sentie aussi belle ; son ex-mari était entré dans la salle de bain sans la prévenir et s'état arrêté brusquement avant de sourire, les yeux pétillant de bonheur et d'admiration. Il l'avait saisie par les hanches avant de plonger le nez au creux de son cou et d'embrasser sa peau. Peut-être qu'un jour, un homme lui accorderait de nouveau ce genre d'attention ? Peut-être serait-ce son fameux médecin ? Son cœur battait à tout rompre, ses sentiments soudains la déconcertait mais elle les adorait ; il était le premier depuis longtemps à lui faire ressentir autant d'émotion et celle ne pouvait être que positif. Le coup de foudre, l'amour d'une vie, tous ces romans ne pouvaient pas être de pures fantaisies, il y avait une part de vérité dans chaque histoire qu'elle avait lu ; l'amour inconditionnel qui liait ses personnages préférés étaient réels, elle n'en avait aucun doute. Elle commençait à le ressentir. Et peut-être que cet amour la ferait quitter cette prison ? Ce serait le début d'une histoire merveilleuse, un roman à l'eau de rose comme elle adorerait en lire.

***

Impatiente de recevoir ses invités, Alaska ne tenait plus en place. Elle était si impatiente et excitée à l'idée de les revoir. Ses mains tremblaient d'impatience et son cœur battait à tout rompre quand une petite tête blonde fit irruption dans la pièce pour venir se nicher entre les jambes de sa tante. Jules.

- Tatie !

Elle s'accroupit immédiatement avant d'entourer le corps de son neveu. Il lui avait tant manqué, lui, sa voix fluette et son odeur d'enfant si rassurante. De petit bras se resserrèrent autour du cou d'Alaska en riant, la tenant fermement avant qu'il ne se recule pour observer le visage de sa tante, un immense sourire aux lèvres.

- Mon grand, comment vas-tu depuis tout ce temps ?

Il sourit davantage avant de rougir. Mais il ne lui fallut pas longtemps pour se reprendre et partager tout ce que sa tante n'avait pas partagé avec lui depuis leur dernière entrevue.

- Tu sais tatie, tu m'as beaucoup manqué. En plus, maintenant, je vais à l'école, tu sais ? Je me suis fais plein de nouveaux copains là-bas, et puis la maitresse, elle est très gentille avec moi. Je lui ai dit que je venais te voir avec maman, du coup, elle m'a aidée à faire un joli dessin juste pour toi. Il est trop beau, et elle m'a laissé utiliser les crayons de couleur des grands exprès. Et... Et... Et en plus, j'ai une amoureuse ! Elle s'appelle Léa, elle est trop belle, comme toi, et...

La jeune femme se mis à rire en resserrant son étreinte sur le garçon et de l'embrasser sur les deux joues. Elle était si heureuse de l'avoir retrouvé, lui et son énergie enfantine si revigorante illuminaient sa journée et emplissaient la pièce d'un nouvel air.

- Jules, sois gentil avec tante, laisse-la respirer deux minutes.

L'enfant se recula doucement en s'excusant auprès de sa tante avant de se tourner vers sa mère, l'air boudeur. Philippine leva les yeux au ciel face au comportement de son fils avant de se tourner vers sa sœur. Elle avait tellement changé depuis la dernière fois. Son teint si pâle avait pris quelques couleurs mais son corps semblait encore plus fragile qu'autrefois. Son cœur se serra à cette pensée, sa sœur, sa magnifique sœur qu'elle aimait tant était en train de sombrer. Ses yeux bleus si clairs et ses cheveux blonds, la seule chose qui les différenciaient, étaient devenu ternes et manquaient de vie. Elle ne savait pas comment agir face à sa sœur, elle avait très envie de la prendre dans ses bras mais la culpabilité de la laisser enfermée ici était bien plus forte. Elle avait de moins en moins la force de venir la voir, la peur d'apprendre que son état ne s'était pas amélioré, qu'elle allait mal ou qu'elle se sentait seule la terrifiait. Elle voulait fuir, prendre ses jambes à son cou et ne jamais revenir, changer de vie et tout oublier, oublier que sa sœur était malade, oublier que plus rien ne serait comme avant, oublier que la vie était parfois beaucoup trop dure ; et elle s'en voulait énormément de penser ça. C'était sa sœur, elle l'aimait avec tant de force que s'en était parfois douloureux.

Elle arrêta de réfléchir à l'instant où elle sentit le corps de sa sœur se serrer contre elle. Elle ne réagit pas tout de suite, trop perdue dans ses pensées, mais ne tarda pas à l'enlacer en retour. Une étreinte. Cela faisait si longtemps qu'elles n'en avaient pas partager que les larmes lui montèrent aux yeux, elle était si heureuse de pouvoir sentir Alaska contre elle et de sentir son corps frêle, lui prouvant qu'elle était belle et bien vivante. Le moment lui sembla parfait, et elle n'aurait pu être plus heureuse qu'en ce moment.

La Maladie d'AmourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant