A trop penser, allongée sur son lit d'hôpital, elle avait fini par s'endormir, plongeant dans la pénombre de ses rêves. Son bébé. Elle le voyait souvent apparaitre une fois les paupières clauses. De longs cheveux blond, ses yeux bruns et ses petites dents en moins ; elle n'avait jamais eu l'occasion de le rencontrer, on le lui avait enlevé dès la naissance, pourtant, elle l'aimait plus que tout et restait persuadée qu'elle le retrouverait une fois sortie d'ici. Les médecins ne l'avaient même pas laissé le toucher, ils l'avaient amené sans un mot dans un silence de deuil ; mais elle savait au fond de son cœur qu'il était toujours vivant, et qu'un jour elle pourrait partager avec lui son amour pour les cookies au chocolat blanc, ses préférés.
Dans ce rêve, elle y voyait son petit bonhomme courir dans un jardin, sous les rayons du soleil alors que son ventre, arrondi par la grossesse, était entouré des bras protecteurs d'un homme qui la faisait frissonner d'amour. Elle n'avait pas vu son visage, pourtant, son corps tout entier avait répondu à sa question silencieuse. Attraction, désir, frissons... Il ne pouvait s'agir que du docteur McCornick, il ne pouvait en être autrement. Et cette affirmation la rassura, il lui était destinée, elle en était sûre maintenant.
Elle voulait annoncer la nouvelle à sa sœur, Philippine serait si heureuse pour elle. Elle voulait lui dire ô combien elle avait trouvé l'âme-sœur, ô combien ils allaient s'aimer et trouver une nouvelle occasion de reconstruire ce qui lui avait été enlevé par son ex-mari et les infirmiers de son accouchement. Elle voulait célébrer la nouvelle, en parler avec quelqu'un qui la comprendrait réellement, la regardant pour ce qu'elle est réellement et non pour la jeune femme sous disant malade pour qui les contacts masculins trop récurrents étaient prescrits. On ne le lui avait jamais clairement affirmé ceci, mais elle avait pu le déduire elle-même de part la succession de médecins féminines et d'infirmières dans sa petite chambres ces cinq dernières années. Le seul homme qu'elle était autorisé à voir était le petit Jules, son petit amour de cinq ans maintenant. Il était sa seule source de réconfort entre ses quatre murs, son odeur d'enfant et son rire cristallin la rassurait et la détendait bien plus que n'importe lequel de ses médicaments. Elle était certaine qu'il se serait parfaitement bien entendu avec son fils à elle s'il était encore à ses côtés, en plus, il adorait les cookies au chocolat blanc.
Elle souriait encore quand son infirmière entra dans la chambre après avoir frappé.
- Alaska, vous avez drôlement bonne mine cet après-midi.
La jeune femme ne pu s'empêcher de rougir avant d'hocher timidement la tête. L'infirmière qui devait être âgée d'une petite cinquantaine d'année lui lança un sourire complice avant de prendre la parole.
- Et pourrais-je savoir ce qui vous met de si bonne humeur ?
Elle triturait ses doigts sans vraiment savoir quoi en faire, soudainement intimidée à l'idée de communiquer ses pensées.
- Je pensais à mon enfant et à ma sœur.
- Vous voulez m'en parler un peu plus ?
Alaska hocha la tête avant de poursuivre.
- Il aurait eu cinq ans cette année vous savez, le 24 avril. Je n'ai même pas pu être avec lui pour le fêter. Il adorait les cookies au chocolat blanc, comme moi, je le sentais s'agiter dans mon ventre à chaque fois que j'en faisais. C'était un enfant très heureux, vous savez ? Nous avions une petite routine qu'il appréciait particulièrement, il n'hésitait pas à s'agiter quand je me réveillais un peu trop tard ou quand j'oubliais notre lecture du soir.
L'infirmière sourit, attendrie, laissant sa patiente poursuivre.
- Je suis sûre qu'il se serait bien entendu avec Jules, le fils de ma sœur. Il a cinq ans lui aussi, il est né quelques semaines après mon enfant. Il est adorable, j'aime quand ils viennent me rendre visite avec Philippine, c'est toujours réconfortant de se sentir entourée et aimée. Malheureusement on ne se voit vraiment pas souvent, il doit avoir vraiment grandit depuis la dernière fois. D'ailleurs, Jules adore les biscuits au chocolat blanc lui aussi.
Et c'était vrai, Jules et elle avaient de nombreux points en communs ; ils s'adoraient et les moments passés ensemble était toujours plus réjouissants.
- Il doit avoir bien grandit depuis leur dernière visite, vous ne pensez pas ?
- Oui, il va bientôt faire cinq ans, il est de la même année que mon enfant. C'est drôle vous savez, j'étais tellement obnubilée par ma grossesse que je ne me rappelle même pas celle de ma sœur... C'est dommage, quand je pense que nous aurions pu accoucher ensemble. Mais je ne me souviens de rien. Seulement du moment où elle m'a présenté son fils, minuscule entre mes bras dans cette chambre d'hôpital. Il me ressemble énormément vous savez. Il a hérité de nos traits de famille et j'en suis plus que ravie !
L'infirmière acquiesça de nouveau, incapable d'empêcher son sourire. Elles continuèrent d'échanger quelques minutes, Alaska était une jeune femme très intelligente avec qui il était plaisant de discuter, cela lui faisait du bien. Cependant, elle ne connaissait pas parfaitement le dossier de sa patiente mais elle savait qu'elle avait eu un enfant apparemment mort-né, mais ce pourrait-il qu'il ne le soit pas réellement ?
- Nous voulions vous réserver la surprise, mais vu votre entrain, je préfère vous prévenir un peu avant. Votre sœur viendra vous rendre visite demain après-midi avec son fils ; je pourrais peut-être faire demander des cookies au chocolat blanc pour le goûter, qu'en dites-vous ?
La jeune femme se redressa immédiatement à l'évocation de la venue de sa sœur. Cela faisait si longtemps ; allait-elle vraiment venir lui rendre visite ? Elle comprit au sourire de l'infirmière qu'elle allait bel et bien avoir de la visite, pourtant, elle avant encore du mal à y croire. Elle pourrait enfin revoir son petit ange, la petite tête blonde qui illuminait ses journées d'un simple sourire. Elle pourrait revoir sa sœur et lui parler, avoir de la compagnie et parler à sa sœur des sentiments qui l'avaient envahie à la vue du médecin.
Elle prit une longue inspiration avant qu'un sourire ne vienne étirer ses lèvres, c'était donc bien ça, elle allait les revoir et bien plus tôt que ce à quoi elle s'attendait. Son cœur se remplit de joie à l'idée de les revoir et elle planifiait déjà dans un coin de sa tête toutes les activités qu'ils allaient pouvoir faire ensemble.
Elle remercia l'infirmière avant d'avaler ses médicaments sous son œil attentif. Elle savait qu'elle n'avait pas droit à l'erreur ce soir ni demain matin, sinon, ils l'empêcheraient de recevoir ses invités. Alors elle ne devait rien laisser transparaître de tout ce qui lui traversait l'esprit depuis le début de sa promenade matinale au risque qu'on ne la prive une nouvelle fois de contact avec le monde extérieur. Elle aurait tout le temps de s'interroger et de rester dans ses pensées durant la promenade de l'après-midi ; là elle pourrait contempler son médecin et pourquoi pas chercher à lui soutirer quelques informations sur lui et sa vie à l'extérieur de la clinique. Pour l'instant, elle devait se contenter de me rien laisser transparaitre.
- Je pourrais avoir quelques gâteaux s'il vous plait ? Je dois avouer que toutes ces bonnes nouvelles m'ont données faim et puis, j'ai toujours eu pour habitude de manger quelque chose à 16h.
- Oui, bien-sûr, je vais regarder ce que je peux vous apporter. Je reviens tout de suite.
Alaska soupira, soulagée de la voir quitter sa chambre même pour quelques minutes ; la solitude faisait partie de sa vie et les infirmières n'étaient jamais vraiment les bienvenues dans sa bulle, surtout quand elles amenaient ce petit gobelet qu'elle détestait tant.
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La Maladie d'Amour
Misterio / Suspenso5 ans. C'était l'âge qu'aurait dû avoir son enfant. 5 ans, qu'elle se retrouvait enfermée dans cet hôpital sans vraiment en comprendre la raison, enchainant les traitements, le médecins, les infirmières, les jours, les nuits sans jamais rien dire. V...