Chapitre 7

71 4 5
                                    

Alaska se sentait apaisée, plus qu'elle ne l'avait été depuis bien longtemps. Revoir sa famille lui avait fait beaucoup de bien, jouer avec son petit Jules et profiter de sa sœur lui avait permis de reprendre confiance en elle et en son idée de vouloir quitter cet hôpital à tout prix. Son instinct maternel ayant repris le dessus, elle avait eu beaucoup de mal à quitter son petit cœur en larmes dans les bras de sa sœur. Ils s'aimaient tant que chaque séparation était un véritable supplice pour la jeune femme ; surtout qu'elle ne connaissait pas la date de leur prochaine visite. La clinique imposait à sa sœur quelques heures de trajet et il était compliqué pour elle de se déplacer. Alaska le savait. Néanmoins, elle aurait adoré pouvoir partager beaucoup plus de moment avec la seule famille qui lui restait. Ces parents l'avaient lâchement abandonné sans un regard de dégoût et de honte à l'entrée de cette bâtisse s'occupant tout juste de régler une petite partie des frais médicaux pour aider Philippine.

Sans qu'elle n'en comprenne la raison, du jour au lendemain, après lui avoir enlevé son enfant, ils l'avaient amené ici, escorté d'une voiture de police à l'entrée du bâtiment avant de signer un papier, de déposer une maigre valise et de partir sans aucun regard en arrière. Malgré tous ces efforts, elle ne parvenait pas à comprendre pourquoi elle était enfermée ici. Qu'avait-elle bien pu leur faire ? Elle n'en avait aucune idée. Mais voilà le seul souvenir qu'elle gardait de ces derniers jours de liberté ; l'enlèvement de son enfant et son internement. Elle n'avait même pas pu assister à l'accouchement de sa sœur. Il l'avait enfermée sans aucun scrupule lui enlevant les plus belles années de sa vie.

Elle avait fini par faire son deuil de cette partie de son histoire. Ses géniteurs ne voulaient pas d'elle, c'était aussi simple que ça. Alors il était hors de question de ressentir le moindre sentiment de compassion ou de culpabilité envers eux. Ils étaient égoïstes et sans cœurs. Brisant par la même occasion le sien en lui enlevant tout ce qu'elle avait de plus précieux.

Mais depuis qu'elle avait croisé le regard du médecin, elle le sentait battre à nouveau, s'exprimer et danser dans sa poitrine. Elle n'avait pas partagé ses sentiments curieux avec sa sœur, elle voulait préserver son jardin secret et profiter de ce qui ressemblait à un début de normalité pour elle. Elle ne voulait pas prendre le risque de tout perdre à cause de ce qu'elle éprouvait, elle était isolée depuis bien trop longtemps.

Et qu'elle ne fut pas sa surprise quelques heures plus tard de découvrir le docteur McCornick faire son apparition dans la salle de consultation de sa psychiatre après un discours des plus ennuyeux. Ce serait donc lui le médecin en question ? Celui qui complèterais son travail ?

Avec plaisir.

Elle peina à retenir un sourire sur le coin de ses lèvres. Ses prières allaient pouvoir s'exaucer, et bien plus rapidement que prévue.

- Bonjour, Alaska, je suis le docteur McCornick. Nous nous sommes déjà rencontrés au parc, vous vous en souvenez ?

Alaska hocha la tête.

- Je m'en souvient très bien, en effet. Bonjour docteur.

Elle ne put empêcher son regard de naviguer le long du corps de son médecin, elle le trouvait si beau, si attirant. Il était si élégant et si confiant dans sa blouse blanche qu'elle ne se laissa pas perturber par ce changement dans son entourage tant la nouvelle l'enchantait, ils n'auraient pas pu mieux tomber. Une légère pression s'installa dans son estomac et elle se redressa, croisant les jambes pour calmer la tension qui grandissait en elle. Bon sang, comment cet homme pouvait-il lui faire autant d'effet ? Cela faisait si longtemps.

Le médecin la dévisageait lui aussi, elle ne savait pas ce qu'il pensait, ni ce qu'il attendait, mais une chose était sûre, elle adorait sentir son regard sur elle. Il analysait le moindre de ses faits et gestes et la détaillait avec une assurance qui éveillait en elle des sensations endormies depuis bien trop longtemps. Elle en eu presque mal au ventre. Il ressentait forcément cette attirance lui-aussi, il ne la regarderait pas de cette façon si cela n'avait pas été le cas.

- Très bien, dans ce cas, je vous accompagnerais à partir de maintenant dans votre suivi. Nous nous verrons deux fois par semaines en compléments des séances avec ma collègue. Je n'ai malheureusement pas de cabinet attitré donc si cela vous convient, nous nous verrons soit dans votre chambre où au moment de la promenade, comme cela vous arrangera.

Elle acquiesça sans rien ajouter. Bon sang, il voulait venir dans sa chambre ! Elle n'avait donc pas rêvé !

Et puis, peut-être serait-il plus sensible et réceptif à la femme qui se cachait en elle ? Peut-être ferait-il plus attention à la faire se sentir désirée et écoutée, comprise et accompagnée ?

Il était sa seule et unique chance de normalité et d'amour, elle ne devait pas la laisser passer. Encore moins si les sentiments qui naissaient en elle se montraient être réciproque.

***

Comme convenu, jeudi après-midi, le docteur McCornick frappa à sa porte pour leur premier rendez-vous. Alaska s'était préparé pendant une heure entière avant son arrivée, elle avait sortie une belle robe blanche assez fine avec ses sous-vêtements en dentelle couleur chair. Elle se sentait féminine, belle et enfin elle-même. C'était son jour de chance, le moment où tout allait se mettre en place, il fallait que tout soit parfait.

Une fois installée dans sa chambre, Alaska pris place sur son lit, pour qu'ils aient de la place et qu'il puisse s'installer à côté d'elle. Elle voulait le sentir proche de son corps, sentir son odeur et sa chaleur tout contre elle. Malheureusement, il choisit de s'installer sur le fauteuil près du matelas en face d'elle. Il était droit et la fixait de son œil si attentif et apaisant. Il poussait à la confession et mettait à l'aise.

Elle était déçue qu'il ne prenne place à ses côtés mais le cacha avant qu'il ne prenne la parole. Il lui demanda des banalités sur sa journée et les changements qui survenait petit à petit dans sa vie ; comment elles se sentait malgré tous ces changements ? Elle s'adaptait, pour l'instant, elle n'y voyait aucun inconvénient et même si voir de nouvelles personnes la stressait, elle remettait cela sur le compte de son isolement prolonger qui la rendait méfiante et craintive à la moindre perturbation. Sauf pour la couleur de ses pilules. Elles avaient changé depuis hier et elle n'aimait pas ça. La rouge n'était plus là et avait été remplacée par une bleue, la blanche quant à elle avait complètement disparue. Et elle n'aimait pas ça du tout. Que cherchaient-ils à lui faire ? Les médicaments qu'elle prenait avant était suffisamment fort comme ça et elle ne voulait pas qu'ils les changent. Mais elle se garda d'en parler au médecin de peur qu'il ne réagisse mal. Elle devait préserver les apparences.

Et étrangement, il ne prenait pas de notes comme son autre psychiatre. Il restait entièrement concentré sur elle et ces paroles ; et elle en profitait. Personne ne pourrait venir les interrompre, c'était l'occasion ou jamais de se dévoiler à lui. De lui confier ses ressentis de envers sa famille, mais surtout ces ressentis en tant que femme.

C'était important pour elle, elle le sentait. Mais c'était surtout important pour la façon dont elle voulait que leur relation évolue.

La Maladie d'AmourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant