De retour dans sa chambre, elle ne cessait de penser à ce fameux docteur McCornick. Il l'intriguait et éveillait en elle des sentiments qui n'étaient pas apparus depuis des années. Attraction, désir, frissons... Après toutes ses années d'enfermement, elle ressentait enfin quelque chose de nouveau au sein de cet hôpital. Elle avait fini par penser que son indifférence au monde qui l'entourait en dehors de sa famille n'était dû qu'à son traitement et son enfermement, mais peut-être avait-elle choisie volontairement de s'isoler pour ne pas trop souffrir ? Peut-être que la clé de son bonheur était là, juste devant elle, et qu'il ne lui suffisait que de se laisser aller et d'accepter ses sentiments plutôt que de se renfermer sur elle-même. Peut-être pourrait-elle se faire des amis au sein de l'établissement ? Ce médecin était peut-être la clé de tous ces maux. Après tout, ils l'avaient enfermées pour sa soi-disant folie, pour canaliser le « monstre » qui vivait en elle, la soigner ; mais au fond, cet enfermement ne lui créait-il pas des pathologies bien plus grave encore que celles qu'on semblait vouloir lui mettre sur le dos ?
Elle l'ignorait.
Ces médicaments l'empêchaient de pouvoir réfléchir de façon plus poussée, son cerveau était complètement anesthésié par les pilules qu'on lui faisait avaler sans cesse. Tout comme ces émotions étaient canalisées, pour n'être plus que de petites ombres au creux de sa tête refusant de se manifester.
Mais ce dont elle était sûre, c'est que Floyd McCornick était le premier, malgré toutes ces contraintes à faire apparaitre des sentiments aussi forts en elle. Tout chez lui l'intriguait et l'attirait, rallumant un feu éteint depuis bien trop longtemps ; sa silhouette athlétique, son visage harmonieux, ses yeux hypnotisant, et bon sang, cette voix... Elle n'avait encore jamais rencontré d'homme aussi séduisant en blouse blanche.
Comment un inconnu parvenait-il à éveiller autant de choses en elle ?
Comment un homme tel que lui s'était-il retrouvé à travailler dans un tel endroit ?
Elle l'imaginait davantage à la tête d'une grande entreprise, comme tous ces grands hommes dont elle avait autrefois lu l'histoire dans ces romans ; loin de toute la folie maladive qui vivait entre les murs de cet hôpital. Ils auraient pu se rencontrer au coin d'une rue, elle aurait pu être sa secrétaire ou une simple inconnue rencontrée dans un bar, cette même inconnue qu'il n'aurait jamais pu oublier, celle qui aurait marqué son cœur et son corps d'une attirance pure et certaine.
Elle aurait aimé pouvoir discuter davantage avec lui, confirmer les dires de l'infirmière et en savoir plus. D'où venait-il ? Où vivait-t-il ? ; avait-il une famille qui l'attendait à l'extérieur ? Vivait-il seul ? Elle lui imaginait une vie d'homme célibataire épanoui sortant boire des verres avec ses amis, le soir, après une dure journée de travail et allant voir sa famille tous les dimanches pour un sempiternel repas de famille. Elle lui donnait une mère amante et chaleureuse, qui lui préparait de délicieux petits gâteaux pour ses anniversaires malgré son âge, et un père golfeur au cheveux grisonnants toujours parfaitement rasé, dans des polos Ralph Lauren et n'assumant probablement de porter ses lunettes pour se donner des airs plus jeunes. Il avait probablement une petite sœur, ou un frère ? Peut-être les deux. Sa sœur serait sans aucun doute maitresse d'école et son frère militaire.
Oui, ça ne pouvait être que ça.
Une famille parfaite, pour un homme au physique d'Apollon. Il ne pouvait en être autrement.
Ou peut-être que la vérité était out autre ? Peut-être que sa vie n'était pas aussi parfaite que lui, peut-être détestait-il son métier ou encore que ses parents n'étaient pas aussi aimant qu'elle l'avait imaginé. Elle connaissait la pression et l'influence de parents trop stricts ; la peur de décevoir faisait autrefois partie de son quotidien. A l'heure actuelle, après plus de cinq ans sans aucun contact à la clinique, elle les décevait, elle en était certaine.
Elle aurait aimé pouvoir poser directement la question à Floyd, discuter avec lui ; ils pourraient devenir amis, ou peut-être même plus encore.
Elle s'imaginait déjà riant avec lui, enlacés dans les bras l'un de l'autre, assis sur une couverture près d'un lac ; bien loin de cet hôpital. Elle n'avait eu que très peu de temps pour l'observer mais elle commençait déjà à savoir combien il devait être confortable et apaisant de se blottir au creux de son épaule. Peut-être était-ce tout ce qui lui manquait pour quitter cet endroit, une nouvelle vie auprès d'un homme qui prendrait soin d'elle et qui comblerait le moindre de ces désirs.
Elle n'avait jamais compris la raison de son enfermement à la clinique, certes elle s'était toujours sentie à part des gens qui vivaient autour d'elle, elle s'isolait souvent, préférant le calme et la tranquillité à l'agitation de la foule. Mais elle avait pu trouver un équilibre stable avec son emploi en télétravail et les revenus de son ex-mari, elle vivait confortablement. Même quand ce dernier avait décidé de rompre leurs vœux de mariage, elle avait continué sa vie, se raccrochant à l'enfant qui grandissait en elle pour s'épanouir.
Elle était intelligente, elle l'avait toujours été ; d'excellents résultats à l'école, un diplôme d'une université de renom en poche, elle n'avait eu aucune difficulté à trouver du travail et à y évoluer. Elle avait toujours su ce qu'elle voulait et faisait en sorte de pouvoir l'obtenir mais depuis cinq ans qu'on l'avait enfermée ici, son traitement la rendait faible d'esprit, elle n'arrivait plus à penser comme avant et son esprit s'embrouillait souvent, se perdant dans les multiples chemins de sa pensée. Elle n'était plus aussi rapide qu'avant pour remplir sa grille de sudoku, et là où les mots s'imposaient en elle dans ses mots croisés, elle devait maintenant faire preuve d'une immense concentration pour trouver ce qu'elle cherchait, et ce pas sans conséquences. Le moindre effort qui sortait de sa routine l'épuisait au plus haut point la poussant parfois à s'allonger quelques heures durant l'après-midi pour se ressourcer et reprendre des forces. Mais peu importe ce qu'elle pensait, elle savait très bien, pour en avoir discuté à de nombreuse reprise à ces médecins et infirmières, qu'elle n'avait pas son mot à dire concernant les médicaments qu'on lui administrait ; elle n'avait pas le choix et devait se contenter de subir les effets de ces derniers sans protester au risque de passer pour une hystérique et de voir les doses augmenter d'une journée sur l'autre.
Alors peut-être ce nouveau médecin pourrait-il l'aider ? Un regard extérieur à la clinique lui serait bénéfique. Il venait d'arriver, il n'y a donc pas de raison qu'il soit influencé par le travail fait ici, et peut-être même qu'il pourrait la comprendre... Elle n'avait jusqu'à présent rencontré que des professionnels féminins pour s'occuper d'elles, elle avait pu apprendre au fil des années combien elles pouvaient se montrer mesquines concernant leurs semblables. Alors elle ne perdait pas espoir qu'un œil masculin, plus neutre à son égard, puisse l'aider à quitter ces lieux ; elle savait qu'en priant suffisamment fort le soir pour qu'il lui soit assigné, il viendrait forcément à elle.
***
Elle n'avait cessé de repenser à cher médecin, tout le reste de la matinée ; et quand l'infirmière était venue lui apporter son repas du midi, accompagné de cet éternel gobelet transparent plein de pilules, elle n'avait pu s'empêcher de le dévisager sous un nouvel œil. Ces médicaments la rendaient malade, elle en était sûre, alors pourquoi les prenaient-elles ? Elle avait bien senti le regard insistant de la femme qui la surveillait et elle s'était sentie obligée de les avaler sans rien dire ; mais cela devait changer, elle ne voulait plus dépendre de ce gobelet transparent, elle voulait de nouveau penser par elle-même. Et elle savait au plus profond d'elle que seul le docteur McCornick lui permettrait de pouvoir changer et de quitter cet hôpital.
Il ne lui avait suffi que d'un regard et quelques paroles échangées pour comprendre que cet homme ferait battre son cœur pour l'éternité, peu importe le prix.
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La Maladie d'Amour
Mystère / Thriller5 ans. C'était l'âge qu'aurait dû avoir son enfant. 5 ans, qu'elle se retrouvait enfermée dans cet hôpital sans vraiment en comprendre la raison, enchainant les traitements, le médecins, les infirmières, les jours, les nuits sans jamais rien dire. V...