Chapitre 22: Le galet

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Un vent frais faisait craqueler les quelques feuilles d'automne qui se trouvaient sur les branches dénudées en les balançant avec douceur. Il vint ensuite s'abattre sur le visage d'Anthéa. Les cheveux de cette dernière étaient secoués de la même manière que les habitantes des arbres, mais ne faisaient pas le même bruit rude qu'elles. La chevelure avait opté pour le silence.

Malgré leur petit vacarme, les feuilles ne parvenaient pas à déranger le silence pesant qu'avait instauré cette atmosphère d'apaisement. Leur craquèlement cessait très vite suite à leur chute dans la plus grande discrétion au monde parmi le concert de leurs autres compagnes.

Les jambes serrées contre son corps et ses bras autour des genoux, Anthéa était assise en équilibre sur la fenêtre de la volière et observait le paysage en silence. Le vent lui faisait verser des larmes que l'émotion ne parvenait plus à laisser s'échapper.

Ses mains étaient recouvertes à moitié par son gilet et serraient avec force, en les froissant, deux lettres qu'elle n'avait pas l'intention d'envoyer.

Qu'elle ne pouvait pas envoyer.

Elle était juste rassurée de les avoir en main.

Elle les avait écrite dans la nuit, suite à une nouvelle insomnie.

Fatiguée, elle avait pris le parti de se réfugier ici.

L'une des lettres était destinée à sa mère, encore en vie à cette époque. Elle lui racontait tout ce qu'elle avait vécu avec elle, son amour pour elle, son regret d'être séparée d'elle. L'autre, à son père.

Au lieu de voir le ciel bleu, elle voyait un souvenir qui se déroulait à l'horizon dans une forme invisible aux autres prunelles que les siennes.

Anthéa se revoyait lors d'une sortie en pique-nique auprès d'un lac en compagnie de ses parents. Le cadre idyllique de cette journée se dessinait avec exactitude dans son esprit, elle en avait les prunelles pleines. Le sourire de sa mère l'accueillait, le rire de son père l'émouvait. Elle sentait de nouveau ses bras paternels qui l'enserraient avec force et douceur comme s'il avait peur de laisser partir sa fille, mais qu'il était conscient que c'était inévitable.

Néanmoins, malgré la lueur du soleil qui transmettait toute sa joie au paysage, le sourire de sa mère restait triste. Un relent de mélancolie l'habitait sans arrêt. Ses yeux en étaient remplis.

Sans s'en apercevoir, Anthéa exerça une plus forte pression sur les morceaux de papier qu'elle tenait.

Elle était consciente qu'elle ne pouvait pas les envoyer. Elle ne les avait pas écrits dans ce but, mais seulement pour se rassurer. Si elle restait ici, statique au milieu des hiboux et de leurs plumes balayées par le vent avec douceur, c'était pour se sentir bloquée dans un moment qui ne connaissait ni passé, ni présent, ni futur. Elle ignorait pourquoi, mais se retrouver face à l'horizon, dans ce lieu où nulle personne du passé ne s'y trouvait, lui donnait l'impression d'être immobile dans le temps.

Elle résida un long moment perdue dans ses pensées.

Le hululement et le ronronnement des chouettes, ainsi que le frémissement de leurs ailes la berçaient avec douceur pour la faire rentrer dans un monde enveloppée de soie et de coton.

***

Arrivé dans la volière, une lettre à la main, Rémus se stoppa net lorsqu'il vit Anthéa. D'habitude attentive au monde, elle ne l'avait pas entendu arriver.

Elle était plongée dans la contemplation du paysage.

Il était étonné de la trouver ici.

Comme elle n'avait paru ni aux cours, ni au repas il pensait qu'elle se trouvait soit à l'infirmerie, soit dans son dortoir. Il était curieux de savoir ce qu'elle faisait ici.

Hold On (retour dans le passé à l'époque des Maraudeurs)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant